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Kid Safe : The Video – Stuart Gordon

 

Kid Safe : The Video. 1988.

Origine : États-Unis
Genre : Éducatif
Réalisation : Stuart Gordon
Avec : Andrea Martin, Shuko Akune, Stephen Lee, Meshach Taylor…

Inutile de faire semblant : tout le monde se fout de Kid Safe : The Video ! Mais qu’est-ce que Kid Safe : The Video ? Et bien c’est un court-métrage éducatif d’une demie heure distribué en VHS par Triaminic, une boîte pharmaceutique spécialisée dans les remèdes pour la toux et le mal de gorge, et produit avec la collaboration de l’Académie américaine de pédiatrie… Le but de la chose ? Et bien comme le dit si bien la voix off en préambule du machin, c’est que Triaminic se soucie beaucoup de la sécurité de nos enfants, adolescents et jeunes adultes, qu’il est bon de rappeler certaines règles élémentaires de prudence et donner de sages conseils sur le comportement à adopter en cas d’urgence. La prévention des accidents domestiques, en somme. Le tout sur un ton ludique, bien entendu… Et, on ne sait trop par quel biais, ce film éducatif a fini dans les mains de Stuart Gordon, qui venait d’enquiller trois excellents films : Re-Animator, From Beyond et Dolls pour le compte de l’Empire de Charles Band. Il se trouvait alors au zénith de sa carrière. C’est pourquoi, à titre de curiosité, Kid Safe mérite qu’on s’y attarde. Loin de se cantonner au gore pervers de ses deux adaptations de Lovecraft, Gordon semblait être attiré par le monde de l’enfance. Dolls en donnait déjà une première preuve, puisqu’il pervertissait avec talent un symbole de l’enfance, les poupées (Dolls est probablement le meilleur film sur des jouets maléfiques, loin devant les Puppet Masters ou les Chucky… ). Par la suite, sans aller jusqu’à réaliser lui-même des films jeunesse, il finira par rédiger le scénario de Chérie, j’ai rétréci les gosses ! et de Chérie, j’ai agrandi le bébé !. Sa volonté de s’adresser à des gamins est donc avérée, et se charger de Kid Safe fut probablement une façon de s’y livrer.

Mais n’allons pas croire que Gordon oublie qu’il est avant tout un réalisateur de films d’horreur ! Introduit par un vampire hurlant comme un loup-garou dans un décor en carton-pâte, Kid Safe s’appuie beaucoup sur l’imagerie du film d’épouvante (et il utilise d’ailleurs les services de Greg Cannom, spécialiste de maquillages et d’effets spéciaux qui aligne les films d’horreur et les blockbusters depuis maintenant 40 ans)… Ce qui tient lieu de scénario, et qui fut aussi écrit par Gordon, est fort simple : la petite Kathy est toute seule à la maison par une nuit d’orage et elle commence à avoir peur. Tant et si bien qu’elle panique et se met en danger plusieurs fois. Parvenant à appeler les secours, elle va recevoir la visite d’un policier, d’un pompier et d’une amie à eux (une médecin ?) qui lui prodigueront quelques conseils. Au milieu de cela, Gordon aménage quelques mini suspenses, surtout concentrés lors des frayeurs du début : des ombres menaçantes, un grille-pain proche de l’explosion, un martien avec une hache… Le tout dans une ambiance digne de la fête d’Halloween, avec éclairs, lumières en rade, fumigènes et tout l’attirail. Très rudimentaire, très cliché, mais le but n’est pas de tourner un vrai film d’épouvante : il est d’attirer l’attention des gamins qui regardent ce court-métrage (encore que la meilleure prévention soit la vigilance des parents… Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le carton qui ouvre le film… Beaucoup de choses ouvrent le film, d’ailleurs : ce carton, le message de Triaminic, le message de l’Académie de pédiatrie, une dédicace probablement adressée à des enfants victimes et enfin le loyal monsieur vampire). Notons aussi que l’ultime test auquel Kathy sera confrontée une fois ses instructeurs partis fera intervenir Jason Voorhees lui-même, accompagné de quelques camarades de bon aloi : une sorcière, un extra-terrestre, un loup-garou et une momie qui essaieront d’induire la petite fille en erreur pour pénétrer dans la maison… Des monstres familiers et par conséquent sympathiques -voilà où en est rendu le brave Jason- pour clore un film éducatif qui, afin de faire passer ses enseignements, aura joué en permanence la carte de l’humour ludique. Son casting est d’ailleurs dominé par Andrea Martin, certes vue dans Black Christmas et Cannibal Girls mais surtout membre du Second City Television, le Saturday Night Live canadien où sont passés entre autres John Candy, Harold Ramis, Rick Moranis, Catherine O’Hara, Eugene Levy et Joe Flaherty qui joue ici le présentateur vampire. Âgée de 40 ans et sans fausse honte, elle en fait des tonnes avec ses couettes et son appareil dentaire. Par nécessité très enfantin, Kid Safe verse allégrement dans la pitrerie, se détournant au passage des “adolescents et des jeunes adultes” qui, selon Triaminic, étaient également concernés (au cas où un vingtenaire aurait voulu ouvrir la porte au premier tueur de Crystal Lake venu). Il est vrai que cet angle d’approche est plus approprié au jeune public que de montrer la jeune Kathy se faire charcuter à chaque erreur qu’elle commet. Tout au plus Gordon se permet-il de suggérer une anodine électrocution à grand renfort d’éclairs saturés façon cartoon. Mais pour le reste, il évite vaillamment d’alourdir le ton, écartant tout danger mortel imminent au profit d’une ambiance bon enfant. Et puis viennent les chaperons de Kathy, et c’est vraiment là que Gordon s’efface le plus pour laisser la place au message éducatif. Non que les trois zouaves soient des pasteurs moralisants, eux aussi ont la manie de surjouer et de faire des blagues, mais toujours dans le but pédagogique de faire rentrer des informations précieuses dans le crâne du public. Durant grosso modo dix minutes, nous avons donc droit à toute sorte de recommandations, chaque sauveteur évoquant prioritairement son domaine de prédilection : la jeune femme pour tout ce qui est petit “bobo” (brûlure, coupure, saignement de nez…), le pompier pour tout ce qui est électricité et incendie, et le flic pour tout ce qui a trait à la sécurité. Avec tout ça, l’éventail couvert est assez large… Que dire au téléphone pour appeler les secours ? Que faire en cas de court-circuit d’un appareil électrique ? Et en cas d’incendie ? Un enfant peut-il boire de l’alcool ? Ouvrir à des inconnus ? Quels sont les gestes de premier secours ? Etc etc… Ça fait beaucoup en peu de temps, et chaque chose fait écho à ce que Kathy n’aurait pas dû faire lorsqu’elle était en panique (oui, elle a goûté au gin de papa, mais rassurez-vous : elle en a bu une gorgée et l’a recrachée). Si Gordon fait bien son travail, alors l’enfant aura envie de revoir Kid Safe et peut-être réussira-t-il à assimiler tout ça. Les moyens y sont mis, en tous cas, puisque, dans le cas de l’incendie, les trois sauveteurs vont jusqu’à mettre la procédure en musique, avec l’inoubliable chanson “Stop, drop, roll” (ne pas paniquer, se mettre au sol et rouler, ce que bien entendu Kathy ne se prive pas de faire pour illustrer le principe).

Voilà, c’était donc Kid Safe : The Video de Stuart Gordon. Un court-métrage éducatif qui aurait en fait pu être écrit et réalisé par n’importe qui, tant ses ficelles sont grosses, y compris pour la petite partie horrifico-enfantine. C’était couru d’avance, mais enfin la curiosité est assouvie. Quant à juger du truc, et bien j’imagine que son but pouvait être atteint, du moins pour une certaine tranche d’âge… J’avoue être un piètre disciple de Françoise Dolto et je serai bien en peine de dire si oui ou non les enseignements prodigués sont suffisamment bien véhiculés pour être assimilés par le public cible.

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