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Vinyan – Fabrice du Welz

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Vinyan. 2008

Origine : Belgique / France / Royaume-Uni 
Genre : Epouvante 
Réalisation : Fabrice Du Welz 
Avec : Rufus Sewell, Emmanuelle Béart, Petch Osathanugrah, Julie Dreyfus…

Janet et Paul Belhmer ont perdu leur fils lors du tsunami de 2005 en Thaïlande. Incapables de faire leur deuil ils sont restés vivre en Thaïlande, accrochés à l’espoir illusoire qu’il pourrait être encore en vie. Mais alors qu’ils assistent à la projection d’un documentaire présentant la désastreuse situation des enfants abandonnés dans la Birmanie voisine, Janet est persuadée de reconnaître son fils dans une silhouette floue et indistincte à l’arrière plan. Paul ne partage pas son espoir, mais il décide quand même de suivre sa femme en Birmanie pour tenter de retrouver leur enfant…

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Le premier film de Fabrice Du Welz, Calvaire avait été très apprécié en ces lieux. Et la manière dont le réalisateur belge introduisait des éléments discrètement fantastiques (les nains dans le forêt, ou l’hallucinante scène de danse dans le bar!) dans le réalisme glauque de son survival m’avait particulièrement marqué et augurait d’autres expériences cinématographiques délicieuses, sinon intéressantes. C’est donc avec une certaine impatience que j’avais suivis l’avancement du nouveau projet de Du Welz, quand bien même il promettait d’être assez différent de Calvaire. En effet, exit les forêts belges pleines de splendides bouseux violeurs de porcs, mais place à la Thaïlande et aux étranges fantômes promis par les synopsis et les teasers diffusés sur le web. Construit comme le voyage initiatique étrange d’un couple endeuillé, Vinyan (qui signifie “âme errante” en Thaï) et sa curieuse représentation de légendes thaïlandaises prend une direction radicalement différente de Calvaire qui épousait la forme du survival classique.

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Avec ce nouveau film, Du Welz entreprend de désorienter le spectateur dès les premiers instants, en adoptant une mise en scène très sensitive qui fait peu de cas de l’intelligibilité du propos. Ainsi la première scène nous fait vivre le tsunami “de l’intérieur” via une jolie scène plutôt abstraite ou l’on n’aperçoit que des bulles sur un fond sonore dont le volume augmente soudainement. Le reste du film est à l’avenant, d’un rythme langoureux, voire onirique et surtout éminemment subjectif. Du Welz plonge violemment le spectateur dans son film au moyen d’un son mixé très fort et d’effets de mise en scènes qui illustrent constamment la désorientation des personnages. Et dans le même temps, il n’explique rien et laisse même le scénario s’effilocher au fur et à mesure de l’avancée du film, se désintéressant très clairement des enjeux posés dans l’introduction pour se contenter de créer des images à partir du paysage psychologique à l’intérieur de ses personnages. Évidemment tout ceci fait de Vinyan quelque chose de très hermétique qui désoriente réellement et risque donc de ne pas plaire à une grosse partie de ses spectateurs. Pourtant le film n’en est pas raté pour autant, surtout que les meilleurs passages me paraissent même être ceux qui sont le moins directement compréhensibles et les plus oniriques.
En effet, le principal écueil du film reste encore toute cette partie introductive qui nous présente des personnages assez peu intéressants, où le ressort dramatique est des plus classiques (la recherche de l’enfant perdu) et où il ne se passe finalement pas grand chose de remarquable, que ce soit dans l’intrigue ou dans la mise en scène. On ne retiendra de cette morne première partie qu’une intrigante scène de foule, où la caméra mouvante et le son enivrant créent une atmosphère onirique et capiteuse très belle. Heureusement quand les personnages arrivent dans la forêt, Du Welz semble être plus à l’aise et s’intéresse manifestement plus à ses images. On retrouve alors ces sublimes plans où les arbres et la végétation prennent un aspect inquiétant et irréel déjà présents dans le fantastique final de Calvaire. Épaulé par le directeur de la photo Benoît Debie (qui avait déjà fait des merveilles sur Calvaire mais aussi sur Irréversible de Gaspar Noé et Innocence de Lucile Hadzihalilovic) Du Welz crée tout un tas de très belles scènes qui prennent toute leur ampleur dans cette seconde partie de Vinyan. Les images sont brumeuses et granuleuses, et on retrouve cet intérêt porté pour la matière et la texture des images qu’il y avait déjà dans Calvaire. Du Welz et Debie se sont ainsi amusés à triturer leurs images, usant de filtres ou pas, d’effets de flous, ajoutant du grain à l’image, modifiant sans arrêts les éclairages et les teintes du film, etc. Tout ceci crée rapidement un chaos assez impressionnant qui encore une fois, désoriente complètement le spectateur peu habitué à voir de telles ruptures dans la photo d’un film. On retrouve le même travail effectué sur le son. La bande son étant d’ailleurs assez difficile à décrire, marquée par son aspect iconoclaste et décousu.

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Vinyan est un exercice de style étrange, où la trame scénaristique est rapidement parasitée par les émotions des personnages qui semblent interférer avec le bon déroulement de l’intrigue et qui finissent par plonger personnages et spectateurs dans des scènes mystiques et hallucinées. Et finalement malgré les nombreux liens qu’on peut tisser entre ce film et Calvaire il est assez difficile de les comparer et tout à fait impossible de dire lequel est mieux réussi même si mes gouts me conduisent à préférer l’étrange beauté glauque de Calvaire. Avec ce nouveau film radicalement différent, Fabrice Du Welz prouve en tout cas qu’il est un réalisateur à suivre de près et qui risque de nous désorienter à nouveau avec son prochain film.

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