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Un justicier dans la ville – Michael Winner

justicierdanslaville

Death Wish. 1974

Origine : États-Unis 
Genre : Vigilante 
Réalisation : Michael Winner 
Avec : Charles Bronson, Vincent Gardenia, Hope Lange, Steven Keats…

Michael Winner est un cinéaste qui ne s’est jamais beaucoup caché de ses penchants conservateurs, voire réactionnaires. C’est donc logiquement qu’on le retrouve à la tête d’un film “vigilante”, ces films basés sur les revanche entreprises par un ou des personnages improvisés justiciers suite à un malheur personnel, le plus souvent le meurtre d’un proche. C’est ce qui arrive ici à Paul Kersey, honnête architecte dont la femme s’est faite assassinée et la fille violée par trois individus ayant pénétré dans leur bel appartement bourgeois New Yorkais. Kersey va donc se venger, mais sa vengeance ne concernera pas ceux qui ont violenté sa famille : elle concernera n’importe quels criminels d’une ville qui en regorge. Car il est vrai que pendant ces années 70, la criminalité allait gallopante dans la Grosse Pomme, et voir Michael Winner s’intéresser au sujet n’est pas une surprise.

Un justicier dans la ville fut l’objet de polémiques et d’accusations de fascisme. Mythe ou réalité ? Difficile à dire. Mais une chose est sûre : c’est au moins un film très conservateur. Les honnêtes gens se font agresser, il y a des criminels à tous les coins de rue, et la police met plus d’entrain à essayer d’arrêter le vigilante qu’elle n’en met à élucider les crimes perpétrés contre les bons citoyens. Le commissaire chargé de l’enquête sur le meurtre et le viol de la femme et de la fille Kersey dit ainsi tout net au père qu’il n’y a que peu de chances pour que les coupables soient appréhendés. C’est donc parce qu’il est poussé dans ses derniers retranchements moraux que Kersey va choisir de devenir justicier. Un voyage en Arizona au pays des pionniers et des pistoleros va le conforter dans son choix de revenir aux racines de l’Amérique, et plus spécifiquement à celle concernant le droit de porter une arme dans un but défensif. Le film évite ainsi le fascisme ouvert : en agissant uniquement lorsqu’il est victime d’une agression ou lorsqu’il est lui-même agressé, Kersey ne se présente pas comme un redresseur de torts qui tire d’abord et discute ensuite. Il est un défenseur de l’ordre. Ceci dit, petit bémol : il fait tout pour être agressé… Et la présentation de la police que dresse Winner se révèle très négative : l’inspecteur chargé de retrouver ce “vigilante” est franchement antipathique et de plus soumis à des ordres venant de sa hiérarchie qui raisonne avant tout en terme d’image : au fur et à mesure que le justicier zigouille des criminels, le public commence à prendre fait et cause pour lui, ce qui rend donc d’autant plus difficile l’annonce de l’appréhension de Kersey, dont l’identité sera pourtant relativement vite découverte par les flics. Le travail de la police sera donc motivé par l’opinion publique, qui en rendant hommage à Kersey condamne implicitement la police, incapable de résoudre quoi que ce soit… L’arrestation de Kersey, le seul qui impose la loi et qui parvient à effrayer tous les criminels de la ville après trois ou quatre “descentes” (ce qui est tout de même un peu gros) serait donc forcément mal vue, surtout qu’il s’agirait d’un des seuls “succès” des forces de l’ordre.

L’image médiatique est donc au coeur de tout, et Kersey lui-même sera encouragé par la chaude réception faite à ses actes par le public (qui ne connait pourtant pas son cas, puisque la police déclare ne jamais l’avoir trouvé, tout comme elle cache que le taux de criminalité est en forte baisse). Et du reste ces mêmes actes vont également pousser d’autres citoyens à se protéger eux-même, chose sur laquelle Winner pèse le pour et le contre : d’un côté la légitime défense nécessaire lorsque la police ne remplit plus ses fonctions et de l’autre les abus qui ne manqueront pas d’être commis (ce qui reste à l’état de théorie, puisque jamais dans le film ne nous est montré de débordement). La question est épineuse, et au final on sent tout de même que Winner, si il ne milite pas vraiment pour des idées fascistes, reste convaincu que le port d’arme est légitime dans un tel climat d’insécurité. Il fait confiance aux bons citoyens, et il ne s’arrête d’ailleurs pas aux critère raciaux (si les criminels sont avant tout des noirs, l’un des personnages qu’inspire Kersey est une vieille mama noire également). Les spectateurs sont laissés libres d’approuver ou non les idées de Winner (qui laisse toujours une porte de sortie entrouverte en évoquant en filigranes les aspects négatifs de la quête de Kersey). Pour ma part, je suis très loin de son point de vue…

Il faut dire aussi que Kersey est incarné par un Charles Bronson très sobre voire inexpressif, qui ne montre pas grands sentiments lors du décès de sa femme, pas plus qu’il n’en montre lors des meurtres auxquels il procède. Peut-être est-ce dû à la faible inspiration de l’acteur, mais en tout cas ce manque d’enthousiasme contribue à la fois à véhiculer l’idée de fatalisme sur l’insécurité, qui confrontera obligatoirement les citoyens au crime, et également à montrer la vengeance comme quelque chose qui n’est pas véritablement jouissif. Kersey n’est pas un fou meurtrier, il ne sombre pas dans la violence comme le fera plus tard un Max Rockatansky (alias Mad Max) foncièrement plus humain que lui, et le film reste d’ailleurs assez soft. Le montage contribue bien à le rendre assez sec, mais les meurtres ne relèvent ni de l’art stylisé ni de l’ultraviolence et donnent au film un cachet réaliste encore accentué par les rues de New York, sales et sombres. On déplorera cela dit la fin, incroyablement hollywoodienne et qui appelle une séquelle à corps et à cris…
Au bout du compte, je ne peux pas vraiment dire que ce Justicier dans la ville m’ait passionné. Les propos de Winner, s’ils ont le mérite d’exister, sont non seulement incompatibles avec mes propres opinions, mais ils s’accompagnent en outre d’un style assez étrange, à l’image de Bronson : d’une platitude déterminée à la fois chiante et logique.

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