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The Killer must kill again – Luigi Cozzi

killermustkillagain

L’assassino è costretto ad uccidere ancora. 1975

Origine : Italie / France 
Genre : Giallo 
Réalisation : Luigi Cozzi 
Avec : Antoine Saint-John, Cristina Galbó, Alessio Orano, George Hilton…

Tout commence lorsque l’architecte Giorgio Mainardi (George Hilton) fuit une scène de ménage et se retrouve sur le bord d’un quai. Là, il remarque qu’un homme (Antoine Saint-John sous le nom de Michel Antoine) est en train de précipiter à l’eau une voiture et le cadavre de sa propriétaire. Giorgio a alors l’idée du siècle : en échange de son silence et d’un bon gros paquet de fric, il propose au tueur d’assassiner sa femme. N’ayant d’autre choix, le meurtrier accepte. Le crime est réglé comme du papier à musique : profitant que l’épouse Mainardi soit seule, le tueur doit se faire passer pour un collègue de Giorgio afin de pénétrer dans la maison et accomplir sa basse besogne. Ce qu’il parvient à faire. Le cadavre est dans le coffre de sa voiture, il ne lui reste plus qu’à aller effacer ses empreintes dans la maison. Lorsqu’il revient à la voiture, stupeur : quelqu’un la lui a volée ! Tout amateur de giallo pense alors assister au premier rebondissement d’une machination courue d’avance. Pas du tout : les voleurs forment un couple de morveux (Cristina Galbó et Alessio Orano) désireux de voyager jusqu’à la côte. Le tueur vole à son tour une voiture et la recherche s’engage, pendant que Giorgio est bien embêté avec la police.

Facétieux Luigi Cozzi, ami et ancien assistant de Dario Argento, qui nous pond une entame on ne peut plus conventionnelle (un tueur inquiétant et pervers, des effets de mise en scène psychédéliques, un couple de bourgeois hypocrites) pour bifurquer sans crier gare vers une parodie subtile où les improbables rebondissements propres aux gialli sont détournés par deux jeunes inconscients. Michel Antoine poursuivant les deux blanc-becs, ce n’est pas seulement un tueur voulant récupérer son cadavre : c’est aussi le giallo qui cherche vainement à reprendre ses droits. Mais il était dit que le sort s’acharnerait sur ce tueur, tout émacié et impressionnant soit-il. Il y a des jours avec et des jours sans, mais la nuit (et la journée qui suit) du personnage de Michel Antoine est définitivement “sans”. C’était prévisible d’ailleurs, puisque après tout il fut embauché après avoirété démasqué lors de son meurtre précédent. Luigi Cozzi s’attarde peu sur cet homme, hormis dans l’introduction où il nous le montre en train de peloter le cadavre qu’il s’apprête à jeter à l’eau. Pour le peu qu’il nous le montre, il se retrouve obligé de payer les dettes laissées en chemin par ceux qu’il prétend être sa fille et le copain de celle-ci. Sans compter les frais de péages, sur lesquels s’attarde Cozzi au point de figer l’image et de la réduire à un petit cercle autour de la voiture. Dans sa chute, le tueur entraîne son employeur Giorgio, coincé avec un flic (Eduardo Fajardo, en phase de reconversion après ses westerns) qui ne croit pas un mot de ses bobards, mais qui fait durer le plaisir jusqu’à ce que l’architecte se soit trahi. Les habituels comploteurs se retrouvent dans de sales draps, et au lieu de se dorer la pilule au bord d’une villa en bord de mer comme bon nombre de leurs collègues, l’un se retrouve à crapahuter jusqu’à une plage boueuse et l’autre se retrouve immobilisé dans son immonde baraque toute jaune.

Tout ceci à cause de Laura et de Luca, deux personnages tout à fait antithétiques de ceux que l’on croise habituellement dans les gialli. Voler une voiture est pour eux l’ultime pied de nez fait à papa / maman et à la société. Mais tout de même, ils ne peuvent s’empêcher d’avoir peur. Surtout Laura, prude jeune femme qui hésite à perdre sa virginité et qui ose à peine dévoiler un bout de sein pour distraire le pompiste pendant que son homme lui vole ses sous. Si Luca n’est qu’une petite frappe tentant de jouer les Clyde Barrow, Laura pour sa part n’essaie même pas d’être une Bonnie Parker. Peureuse, elle se fige au moindre imprévu, étant par exemple à deux doigts de trahir leur vol de voiture lors d’un contrôle policier. Cozzi prend un évident plaisir à la maltraiter, principalement lorsque le couple investit une maison abandonnée au bord de mer. Sale et sombre, l’endroit est plein de coins et recoins qui doivent être explorés par la pleureuse pendant que Luca est ailleurs. Le réalisateur utilise alors quelques procédés outranciers pour effrayer Laura : une musique digne de celle des Vendredi 13, un tas d’accessoires qui trouveraient leur place dans la salle aux ossements de Massacre à la tronçonneuse… Ces artifices servent en outre à préserver toute la tension du film, là où paradoxalement il ne se passe rien si ce n’est que la tête d’affiche crève de trouille. Et plus elle crève de trouille devant du vide, plus le tueur est humilié. Lorsque vient l’inévitable et tant attendue rencontre, forcément brutale, Cozzi ne se prive pas pour la faire alterner avec une autre scène qui se déroule loin de là. Seule pendant que Luca est parti cherché à manger et qu’il butine en chemin une blonde écervelée jouée à grands renforts de gloussements par une Femi Benussi teinte en blonde, Laura se fait violer par le tueur en colère. Ce dernier semble alors être libéré de sa poisse, et à force de trop stresser, Laura a fini par s’attirer les pires ennuis. Outre l’indélicatesse avec laquelle est traitée la jeune femme (après Mais qu’avez vous fait à Solange ?, Cristina Galbó se spécialise dans les rôles de filles humiliées), l’ironie est accentuée par le fait que Laura avait promis de s’offrir à Luca dès son retour. Son dépucelage n’aura donc été qu’un peu avancé. Cozzi s’en amuse beaucoup, montrant en alternance le viol de Laura, abject, et la burlesque séance de jambes en l’air entre Luca et sa blonde débile. La musique suit ce mouvement en deux temps, et l’on se prend alors à penser à La Dernière maison sur la gauche et son alternance entre le sordide (les filles aux mains de la bande à Krug) et le cocasse (le flic ridiculisé par la vieille fermière). The Killer must kill again n’est toutefois pas aussi provocateur que le film de Craven. N’eût-il été rempli de cet humour quelque peu sadique, et surtout n’eût-il finalement replongé dans la parodie du giallo (après son viol et quelques autres brutalités, le tueur revoit la malchance débarquer), il ferait plus figure de précurseur au Avere vent’anni de Fernando Di Leo et à ses deux filles qui jouèrent avec le feu pendant tout le film avant de recevoir la monnaie de leur pièce. En fin de compte tous les personnages s’en seront prit dans la gueule, le tueur comme Giorgio Mainardi, Luca comme Laura, la femme Mainardi comme la blonde de Luca. Derrière ses atours comiques, The Killer must kill again est bien plus efficace que certains gialli qui se prennent les pieds dans leurs propres rebondissements.

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