CinémaHorreur

The Dead Don’t Die – Jim Jarmusch

The Dead Don’t Die. 2019.

Origine : Suède/États-Unis
Genre : Cinéma décrépi
Réalisation : Jim Jarmusch
Avec : Bill Murray, Adam Driver, Chlöe Sevigny, Tom Waits, Danny Glover, Tilda Swinton, Caleb Landry Jones, Steve Buscemi.

Des montres qui s’arrêtent, le jour qui perdure au-delà du raisonnable et des animaux aux comportements aussi étranges qu’agressifs, quelque chose ne tourne décidément pas rond dans la pourtant paisible bourgade de Centerville. Sans réponse face à ces multiples mystères, le chef de la police Cliff Robertson et ses deux officiers Ronnie Peterson et Mindy Morrison poursuivent, imperturbables, l’accomplissement de leur devoir. Même l’imminence d’une apocalypse zombie ne parvient pas à les perturber outre-mesure.

Plus vivaces que jamais, les morts-vivants essaiment de partout. Littérature, séries télés, cinéma, ils apparaissent sous toutes les formes et pour tous les publics. A tel point que l’indigestion guette. Toute coqueluche de festivals de cinéma du monde entier que soit Jim Jarmusch, il s’intéresse subitement à un genre particulièrement embouteillé et qui sur le plan cinématographique peine à se renouveler. Cependant, il faut bien reconnaître que voir son nom rattaché à un film de morts-vivants titille davantage la fibre cinéphilique que celui d’un obscur Christopher Landon (Manuel de survie à l’apocalypse zombie), par exemple. D’autant plus que le bonhomme n’en est pas à sa première incursion dans le fantastique. Avec Only Lovers Left Alive, il a réussi un beau film sur le vampirisme en un habile mélange de traditions et de marottes personnelles, et où son fétichisme assumé a trouvé l’écrin parfait. Le voir subitement se confronter à la figure du mort-vivant ne peut dès lors qu’intriguer quant à l’approche adoptée. The Dead Don’t Die marchera t-il dans les pas de la trilogie originelle de George A. Romero en filant l’allégorie ou cédera t-il au second degré, constituante désormais quasiment incontournable du genre ? Une certitude, néanmoins, ce n’est pas chez Jim Jarmush que nous risquons de voir des morts-vivants piquer des sprints.

Sans surprise, The Dead Don’t Die démarre sur un rythme indolent à l’image du Shérif Cliff Robertson, fonctionnaire en bout de course et à bout de souffle auquel Bill Murray prête sa mine de Droopy sans la moindre once d’ironie. Au côté de son jeune partenaire Ronnie Peterson (le flegmatique Adam Driver), il sillonne la ville avec un manque d’entrain évident, s’étonnant mollement des quelques bouleversements que présente leur quotidien. Centerville brille par sa morosité, petite bourgade campagnarde sans attrait aux commerces épars et à l’animation déclinante. En somme, il s’agit d’une ville déjà morte que le soudain réveil des cadavres contribue à animer une dernière fois. Observateur privilégié de ce petit monde, Bob l’ermite émet la sentence selon laquelle les habitants de Centerville sont des zombies depuis toujours, prisonniers du matérialisme ambiant. A travers ce personnage, Jim Jarmusch fustige l’apathie du genre humain, laquelle conduit à sa fin irrémédiable. Les morts se relèvent à cause des dérèglements climatiques qui ont fini par affecter l’axe de rotation de la Terre, bras vengeurs d’une Mère-Nature bien décidée à régler le problème à sa façon. Jim Jarmusch ne ménage aucun échappatoire à ses personnages, n’accordant à son duo de flics qu’un vain baroud d’honneur aux accents westerniens qui ne trompent guère quant à la misanthropie de l’entreprise, même s’il préserve trois représentants de la jeunesse comme un écho aux louables efforts de Greta Thunberg pour secouer l’opinion. Cependant, on relève de sa part un je-m’en-foutisme caractérisé et parfaitement assumé aussi bien vis à vis des personnages – un agglomérat de caricatures, du geek timide au plouc pro-Trump en passant par la légiste décalée – que vis à vis du public. Jim Jarmusch multiplie les personnages comme autant d’offrandes faites aux acteurs sans leur conférer la moindre utilité dramatique autre que celle du clin d’œil cinéphilique. Il en va ainsi de Zoe, interprétée par la star pour adolescents Selena Gomez, jeune femme férue de cinéma d’horreur au point de rouler dans la Pontiac Lemans 68 vue dans La Nuit des morts-vivants. Mais le plus déplorable intervient lors d’échanges métadiscursifs entre Cliff et Ronnie d’où il ressort que le calme du jeunot découle de sa lecture du scénario du film dans son intégralité à la différence de son comparse, auquel l’infâme Jim Jarmusch n’a soumis que ses seules répliques. A cela s’ajoute un rebondissement aussi saugrenu qu’inutile sur le plan narratif qui achève de faire de The Dead Don’t Die une vaste plaisanterie qui n’a dû faire rire que son propre concepteur.

Dire qu’on s’ennuie ferme devant le spectacle proposé relève de l’euphémisme. Tout est morne et sans vie, ce qui en soi dénote une certaine cohérence avec le sujet, et surtout dénué d’idées neuves sous couvert de rendre hommage aux grands anciens. Jim Jarmusch a réalisé un film amidonné, jamais drôle ni ironique et encore moins horrifique. The Dead Don’t Die ressemble à une commande, le genre de film réalisé à des fins contractuels plutôt que mû par un véritable désir d’apporter sa pierre à l’édifice.

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