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The Buddy Holly Story – Steve Rash

buddyhollystory

The Buddy Holly Story. 1978

Origine : Etats-Unis
Genre : Biopic
Réalisation : Steve Rash
Avec : Gary Busey, Don Stroud, Charles Martin Smith, Maria Richwine…

L’histoire de Buddy Holly, l’un des plus importants pères fondateurs du rock’n’roll, a commencé à interesser Hollywood dès 1973, 14 ans après la mort du chanteur dans un accident d’avion. Il n’est pas vraiment étonnant que Holly ait été l’un des premiers des grands rockers (avec Elvis Presley, bien entendu) à inspirer l’industrie du cinéma : son parcours fut aussi furtif (deux ans) que brillant, laissant à la postérité pléthore de chansons devenues des classiques repris par de nombreux artistes : “That’ll be the day”, “Words of love”, “Everyday”, “Peggy Sue”, “Rave On”, “Oh Boy”… Les Beatles (“les scarabées”) eux-mêmes choisirent en partie leur nom en hommage aux Crickets (“les grillons”), le groupe qui accompagna Buddy Holly pendant la quasi intégralité de sa courte carrière. Paul McCartney est du reste l’actuel propriétaire du répértoire de Buddy Holly, il finança à son sujet un reportage (The Real Buddy Holly Story) et il organise tous les ans une nuit dédiée au génial bigleux, au sein de laquelle il passe invariablement le film de Steve Rash à ses invités. Rash, lui-même un mélomane travaillant pour la télévision au début de la décennie 70, décida donc en 1973 avec quelques collègues de monter un film à propos de Holly. Mais il allait connaître bien des difficultés pour monter le projet, bien qu’il soit soutenu par différentes majors hollywoodiennes : la Universal essaya par trois fois d’obtenir l’autorisation de porter à l’écran la vie du chanteur, mais elle se heurta à chaque fois au refus des ayant droits de Buddy Holly. La Twentieth Century Fox prit le relais en 1975, allant jusqu’à commencer le tournage d’un film qui aurait dû s’appeler Three-Sided Coin (ou Not Fade Away selon les sources) s’il n’avait pas été annulé après deux semaines par les avocats de la production, qui arguèrent qu’ils n’avaient pu obtenir les signatures suffisantes pour autoriser le projet. Steve Rash, ne lâchant pas le morceau, alla donc directement parlementer avec Maria Elena Holly, la veuve de Buddy, et réussit à obtenir son accord après avoir accepté de monter le projet au sein d’un studio indépendant, qui fut créé spécialement pour l’occasion. Quant aux droits de distribution, ils échurent finalement et un peu plus tard à… la Columbia.

Restait donc à trouver l’acteur qui tiendrait le rôle principal. La tâche ne fut pas trop ardue, puisque les premières tentatives de produire le film avaient déjà déjà donné lieu à des castings. C’est Gary Busey qui obtint le job. Une promotion pour lui, qui aurait dû tenir le rôle d’un des Cricket dans le Three-Sided Coin de la Fox. Il avait donc pour lui d’être déjà familiarisé avec la vie de Holly, mais, surtout, il remplissait les conditions artistiques : avant d’être acteur, il fut musicien professionnel. Chose non négligeable, puisque les chansons du films devaient être interpretées par l’acteur lui-même. Un choix pour le moins osé. Mais à la vision du film, on ne peut que constater que Busey s’en sort plus qu’honorablement, livrant des prestations très enlevées des chansons rock’n’roll de Buddy Holly, notamment lors d’une mémorable scène de concert dans laquelle il interprète “Oh Boy”, “It’s so Easy” et “Rave On”. Une scène clef, puisqu’elle montre Holly et les Crickets, des blancs, réussir à gagner le coeur d’une foule intégralement composée de noirs. On sera moins convaincus par son rendu pour les chansons plus douces, pour lesquelles la voix de Buddy Holly est il est vrai difficilement imitable. Ce sera tout de même particulièrement regrettable pour “True Love Ways”, magnfique chanson jouée par Holly dans son ultime concert, et qui fut écrite pour sa femme (la légende veut que la veuve de Buddy Holly se soit mis à pleurer au moment de cette chanson durant la première du film… comme quoi, elle aura été pour sa part convaincue…). Dans l’ensemble Busey offre donc une performance de très bonne facture, et on se doit d’autant plus de saluer sa prestation que le film est généreux en morceaux musicaux de tous poils : de la country, du rock’n’roll, des slows, parfois en live, parfois en studio, parfois a cappella, à interpréter selon l’état d’esprit de Buddy Holly à différents moments (la lassitude, la conviction, l’enervement, et même une fois avec des dents cassées). Donc oui, musicalement, The Buddy Holly Story est une prouesse.

Mais pour autant, nous n’assistons pas à un concert : il s’agit d’un film, d’un biopic, et Rash ne peut donc se limiter aux chansons. Il se doit de raconter l’histoire de Buddy Holly (c’est même le titre du film). Et malheureusement, c’est là que ça coince. Les libertés prises avec les vrais évènements sont nombreuses et parfois grossières. Ainsi, le vrai nom de Buddy Holly est Buddy Holley, son nom de scène n’étant que le résultat d’une faute d’orthographe d’un éditeur qui est passée à la postérité avec l’aval du chanteur. Cela pris également plus d’une soirée au chanteur et à son groupe pour gagner les faveurs des spectateurs noirs de l’Apollo. Les Crickets, après avoir rompu avec leur leader, ne se pointèrent pas chez madame Holly juste avant la nuit du drame. L’accident de “la dent cassée” n’intervint pas avant le Ed Sullivan show mais avant un concert en Angleterre… On pourrait continuer longtemps, mais cela serait vain, entre les simples arrangements avec la réalité, les erreurs factuelles et les omissions. Les plus notables trahisons étant au nombre de deux : la première est l’oubli pur et simple du manager Norman Petty, qui co-écrivit et enregistra les premiers hits de Holly, et la seconde est le sort reservé aux Crickets, qui en plus de ne pas avoir leurs vrais noms passent de trois dans la réalité à deux dans le film (ce qui énerva les vrais Crickets, qui ne purent influencer le film puisqu’ils avaient déjà vendus leurs propres droits à l’image à une autre compagnie). Ces libertés auraient pu convenablement passer à l’écran si le film s’était doté d’une véritable vision de réalisateur, comme le feront plus tard La Bamba de Luis Valdez (au sujet de Ritchie Valens) et Great Balls of Fire de Jim McBride (au sujet de Jerry Lee Lewis). Mais ce n’est pas vraiment le cas : Rash, certainement par manque d’expérience en tant que réalisateur cinéma, ne se contente que d’esquisser un thème propre à Holly (les autres personnages sont tous assez plats), qu’il ne prend même pas la peine de faire évoluer.

Ainsi, on découvre que Buddy Holly a construit son succès à la seule force de son culot, et toutes les différentes étapes du film seront les illustrations de son audace. Le refus de se plier aux désidératas des stations radio anti-rock’n’roll, le refus d’écouter l’avis du pasteur qui y voit ‘”la musique du diable”, le refus de jouer du hillbilly pour sa première expérience dans un studio d’enregistrement professionnel, le refus de se voir imposer un producteur, le courage d’aller demander la main de sa fiancée à la tante vieux jeu de celle-ci, le courage d’aller chanter à l’Apollo (où il fut -et là c’est la stricte vérité- programmé par erreur par un directeur pensant que lui et les Crickets étaient noirs), le refus d’écouter les conseils vestimentaires de son entourrage (comme quoi les costumes et les grosses lunettes noires ne seraient pas rock’n’roll), sa volonté de se mettre lui-même à la production, celle d’utiliser des instruments a priori guère adaptés au rock’n’roll (ce qui prouve son avance sur son temps, en cette époque où toute l’industrie du disque semblait immuable)… Tout cela montre certes la personnalité de Holly et présente quelques facettes (assez banales) de la société de la fin des années 50, mais n’approfondit pas vraiment le film, qui ne va pas assez au bout des choses. La seule évolution de cette structure sera la fin du film, où pour la première fois Holly fait ce qu’il n’avait pas envie de faire, à savoir partir en tournée hivernale. Il le payera de sa vie, après un ultime concert à Clear Lake, Iowa, un soir de février 1959. Rash évite à cette occasion de montrer l’accident d’avion, bouclant brutalement son film sur l’image de Buddy Holly sur scène et plaçant un panneau disant que “Buddy Holly est mort plus tard cette nuit là, avec ‘The Big Bopper’ Richardson et Ritchie Valens dans le crash d’un avion privé juste en dehors de Clearlake… et le reste n’est que rock ‘n’ roll !”. Assurément une belle fin pour le film, qui reste ainsi sur l’image d’un Buddy Holly rock’n’roll, sur scène, en compagnie du jeune Ritchie Valens et du sympathique Big Bopper (lequel aura eu droit préalablement à sa propre scène, interprétant son “Chantilly Lace”… ce n’est que justice, puisque Valens aura son propre biopic quelques années plus tard).

Grâce à cela, ainsi qu’avec la brillante prestation de Gary Busey, le film de Steve Rash finit par gagner l’affection du spectateur. Si l’on voulait être vraiment honnête, on pourrait tout de même dire qu’il est un cran en dessous de Great Balls of Fire, film aux thèmes plus poussés et générant une implication émotionnelle plus accentuée. Mais c’est Buddy Holly, quand même, et ayant une grande affection pour le bonhomme, je serai malhonnête.

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