CinémaScience-Fiction

Tarantula – Jack Arnold

tarantula

Tarantula !. 1955

Origine : États-Unis 
Genre : Science-fiction 
Réalisation : Jack Arnold 
Avec : John Agar, Mara Corday, Leo G. Carroll, Nestor Paiva…

Quelque part dans le désert d’Arizona, un éminent savant est retrouvé mort et défiguré. C’était le Professeur Jacobs, qui selon son non moins éminent collègue le Professeur Gerald Deemer (Leo G. Carroll) est mort d’acromégalie, une maladie hormonale plus ou moins semblable au gigantisme. Intrigué par la fulgurance d’une maladie qui généralement se développe sur une plus longue période, le médecin du coin, le docteur Matt Hastings (John Agar) tente d’en savoir plus. Il est aidé par Stephanie Clayton, dite Steve (Mara Corday), la nouvelle assistante de Jacobs débarquée juste après la mort de son employeur. Ils apprennent vite que Jacobs et Deemer travaillaient sur un procédé censé solutionner le problème du manque de nourriture dans un monde surpeuplé, mais qui pour l’heure ne conduit qu’à faire grandir les animaux servant de cobayes. Ce que Matt et Steve ne savent pas, c’est que Jacobs avait tenté l’expérience sur lui-même ainsi que sur un de ses assistants, qui en se battant avec Deemer avant de mourir avait provoqué la destruction du laboratoire et de ses habitants… Sauf de la tarentule, qui s’est échappée à l’insu de tout le monde, et qui poursuit innocemment sa croissance démesurée dans le désert.

Roi de la science-fiction, Jack Arnold domina exagérément le genre durant la première moitié des années 50. Le Météore de la nuit, L’Étrange créature du lac noir, sa suite La Revanche de la créature, un apport notable aux Survivants de l’infini... Que des classiques. L’arrivée de Them! (Des monstres attaquent la ville) et de la mode des animaux géants ne pouvaient le laisser insensible. Malin, si il réduisit le nombre de bestioles à un seul specimen, il opta pour l’araignée, probablement l’animal faisant le plus trembler dans les chaumières. Avec le recul, son pari peut être considéré comme réussi : Tarantula est bel et bien devenu l’un des titres phares du cinéma de l’époque, et est désormais passé dans la culture populaire (notons par exemple la référence au film qui est faite dans la chanson d’ouverture du Rocky Horror Picture Show). Et pourtant, toujours à l’aune de ce qui a été produit depuis, le film ne peut certainement pas être considéré comme l’un des meilleurs de son réalisateur. Un film fondateur, certainement, mais assez loin des œuvres pré-citées. Preuve en est la facilité avec laquelle toutes les œuvres postérieures ont su copier ses recettes (devant elles-mêmes déjà beaucoup à Them!), et même parfois les améliorer. Tarantula ne propose pas grand chose d’autre que le schéma propre à tous films d’animaux géants -ce qui n’est pas un défaut en soi-. Intelligemment, le désert pris pour unique cadre de l’action permet surtout aux concepteurs des effets spéciaux d’éviter la reconstitution en miniature de décors trop élaborés (la ville, principalement), qui n’auraient pas forcément été très crédibles une fois la véritable araignée amenée sur place. La conception de ces effets spéciaux est probablement la plus grande influencée suscitée par le film de Jack Arnold : là où bien des films tentèrent sans succès de créer un monstre de toute pièce, celui-ci eut l’idée d’adapter les décors en fonction de l’animal. La simplicité du désert (puisqu’à l’aide des perspectives de caméra une simple bosse peut passer pour une dune) fait le reste. Tarantula est bien un film exceptionnel au niveau de ses effets spéciaux, et même les quelques effets de maquillage (les humains défigurés) y sont très réussis. Bien plus conventionnel est en revanche le traitement des personnages. Le héros est un scientifique du coin recueillant sous son aile une héroïne un peu perdue et tentant d’alerter les autorités concernées avec un rare don de la juste prédiction. Le bon sens de l’Amérique rurale s’exprime ici dans toute sa sagesse, contrastant avec l’inconscience des scientifiques plus huppés, auxquels le shérif accorde volontiers toute sa confiance. Comme d’habitude, la science est donc sujette à caution, et le message de prudence scientifique s’impose comme le principal propos moral du film. A noter que les scientifiques ne sont pas mauvais en eux-mêmes (Deemer travaille pour prévenir la faim dans le monde, ce qui est très gentil de sa part, et on le prend volontiers en pitié face à la gêne qu’il ressent), mais la grande question de cette époque nucléaire demeure de savoir jusqu’où peuvent mener les manipulations d’une science que l’on ne maîtrise pas. Vaste débat, toujours d’actualité de nos jours (les expérimentations de Deemer font figures de précurseurs aux OGM), mais sempiternellement évoqué par les films d’époque.

Autre aspect n’ayant pas pleinement réussi à échapper à l’épreuve de la concurrence acharnée, et chose un peu plus grave : le rythme du film. Jack Arnold se situe alors dans la phase d’émerveillement du spectateur, qui n’avait alors pas souvent eut l’occasion de voire débarquer des araignées géantes. C’est pourquoi il ne montre son arachnide qu’avec parcimonie, mais en sortant la fanfare à chacune de ses apparitions. Celles-ci se contentent pendant une large partie du film de faire dans le sensationnel inoffensif, favorisant les plans iconiques reposant sur la peur primaire envers les araignées que les spectateurs ne manqueront pas de ressentir. Ces interventions à destinations du public se font au détriment des personnages, qui en sont encore réduits à enquêter sur la mort de Jacob, les travaux de Deemer, les cheptels massacrés, les flaques de venins par terre… Ils apparaissent ainsi clairement comme les dindons de la farce. De deux choses l’une : soit Arnold cherchait à faire monter progressivement le sentiment de peur, soit il cherchait au contraire à verser tout de suite dans le feu de l’action pour livrer un film avant tout spectaculaire. Tarantula se trouve entre les deux, dans une position inconfortable. Montrer l’araignée géante au public sans que les personnages ne soient au courant de son existence revient à empêcher toute montée de tension (puisqu’elle est très vite montrée, il n’existe plus aucune attente au sujet de l’araignée). Mais la montrer trop peu souvent empêche aussi de faire un film spectaculaire : il faut attendre les quinze dernières minutes pour qu’enfin le monde soit au courant de l’existence de Tarantula. Il ne reste donc plus que l’appréhension potentiellement ressentie pour des personnages que l’on sait menacés. Le film perd alors de sa saveur, d’autant plus qu’entre chaque apparition de l’immonde bestiole le film se concentre sur les discussions scientifiques standards évoquées plus haut dans ce texte et sur le flirt entre le héros et l’héroïne.

Fait assez rare pour être signalé, le genre des gros monstres des années 50 s’est construit au gré des ajouts faits à un schéma de base classique. Contrairement à certaines modes qui suivront et qui démarreront avec un chef d’œuvre suivi d’une foule de plagiaires rarement au niveau du modèle, ce sous-genre de la science-fiction se bonifiera au cours de la décennie. Il n’en demeure pas moins que les films tels que Tarantula, si ils n’en sont pas les meilleurs représentants, ont été déterminants. A ce titre, leur célébrité est méritée. D’autant plus que dans le cas du film de Jack Arnold, il s’agit d’un des tous premiers films de Clint Eastwood (30 secondes à l’écran avec un masque sur la moitié du visage), peu de temps après son démarrage dans La Revanche de la créature, du même Jack Arnold. Un film déterminant dans la carrière du futur réalisateur oscarisé puisqu’il y rencontra Mara Corday, future playmette à qui il donnera des caméos dans quatre de ses films !

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