CinémaHorreur

Prince des ténèbres – John Carpenter

princeofdarkness

Prince of Darkness. 1987

Origine : États-Unis
Genre : Epouvante
Réalisation : John Carpenter
Avec : Donald Pleasence, Victor Wong, Jameson Parker, Lisa Blount…

Au moment de démarrer Prince des ténèbres, une production indépendante née du mutuel rejet entre les gros studios et lui-même, John Carpenter se prend de fascination pour tout ce qui touche à l’antimatière et qu’il transpose ici à un niveau théologique, remettant en question tous les fondements de l’univers sous couvert d’une intrigue en forme de huis-clos somme toute assez banale, vue sous cet angle westernien déjà de nombreuses fois exploité par le réalisateur. Déjà, qu’est ce que l’antimatière ? On ne peut pas dire que le film soit fort clair sur le sujet et qu’en effet l’exploitation de ce sujet relevant de la physique quantique se fait assez peu claire pour le spectateur qui, comme moi, n’y comprend rien. Il convient donc de se pencher un peu sur l’antimatière pour bien appréhender toutes les questions posées par le film de Carpenter. Après quelques recherches menées dans des textes plus ou moins vulgarisateurs, j’ai appris que l’antimatière serait le pendant à la matière telle que nous la connaissons, toutes deux seraient nées du “big bang” créateur et, lorsqu’opposées, se détruiraient mutuellement. Selon certains scientifiques (surtout ceux versés dans la science-fiction), l’antimatière se trouverait en quantité infime dans notre univers du fait que le big bang aurait créé deux univers parallèles : l’univers de matière (le nôtre) et l’univers antimatière.

Hors, le sujet de Prince des ténèbres, tournant autour de la présence d’un container abritant de l’antimatière placée là par l’anti-dieu, place donc la destruction pure et simple de la planète mais aussi des croyances religieuses. Car le container abriterait le fils de cet anti-Dieu, nommé Satan. Celui-ci ne serait donc pas l’ange déchu mais bel et bien l’antichrist (et non l’antéchrist), venant sur Terre pour détruire tous les principes véhiculés par Jésus. Une perspective totalement originale dans le cinéma horrifique, et que Carpenter entoure d’un global rejet du catholicisme, qui, bien que depuis le début conscient de la présence de cet envoyé de l’anti-Dieu, a, pour reprendre les termes employés par le prête incarné par Donald Pleasence, “vendu leur produit”, c’est à dire leur religion et ses mensonges. Notre perception des choses théologiques seraient donc erronée, et le mal ne serait pas seulement un phénomène intrinsèque à la nature humaine, mais il aurait aussi une forme naturelle, qui justement se retrouve condensée dans le container stocké depuis des siècles dans le sous-sol de cette église ayant abrité une secte nommée “Les Apôtres du Dormeur des ténèbres”. La perspective de voir ce Dormeur se réveiller n’est donc guère réjouissante, et c’est ce à quoi seront confrontés les protagonistes du film, des étudiants convoqués dans cette église maudite par le Père Loomis (Pleasence), héritier de ce Secret séculaire et par leur professeur de science quantique, lui-même appelé à la rescousse par le religieux pour percer le mystère du container et du livre posé à côté, en réalité une anti-Bible.

Si Carpenter reste assez confus pour tout ce qui touche à cette anti-matière, en revanche son film est tout simplement l’un des plus effrayants du cinéma d’épouvante, se classant à côté d’oeuvres tels que La Maison du diable et L’Exorciste. Son intrigue ouvre non seulement des perspectives démoniaques terribles n’ayant d’équivalent qu’en littérature chez H.P. Lovecraft, mais elle est aussi ficelée d’une main de maître par un réalisateur maîtrisant pleinement le sens du huis-clos, lui qui s’y était déjà exercé avec brio dans Assaut et dans The Thing. Le réalisateur maîtrise ici pleinement son cadre et use de profondeurs de champs au fond desquelles se trouvent les figures silencieuses des émanations d’un mal qui trouve le moyen de se propager au-delà du container. Le huis-clos, déjà créé par la présence dans les environs immédiats de l’église de clochards schizophrènes (dont le leader est le grand Alice Cooper, auteur d’une chanson pour le film) transformés en véritable zombies psychopathes par le réveil de Satan, s’intensifie même vers la fin, lorsque le mal gagne les protagonistes, les survivants se trouvant alors isolés dans cet endroit qui n’a plus rien d’un refuge.

La photographie est bien entendue très sombre, l’église désaffectée étant peu à peu gagnée par le climat vicieux que l’on ne trouvait au départ qu’au sous-sol, antre du container maléfique. Le ciel lui-même prend des allures sinistres, et la lumière s’en ressent fortement notamment dans les séquences de nuit, où une lune blafarde dévoile le spectacle d’un cadavre pourrissant véhiculant le message adressé par l’anti-Dieu à ces quelques scientifiques et à ce religieux enfermés dans son repère, et dont l’un d’entre eux est voué à être le support de l’incarnation de Satan. Carpenter parsème méticuleusement son film de visions cauchemardesques allant de la simple présence d’insectes répugnants à la personnification progressive et monstrueuse de Satan dans une chambre plongée dans le noir et gardée par deux cerbères autrefois humains. Tout ceci s’achèvera d’une façon on ne peut plus typique du cinéma de Carpenter, très loin du happy end mais pas non plus tout à fait pessimiste. Le réalisateur lévera l’explication sur les cauchemars prémonitoires ayant frappés les protagonistes tout au long du film, et qui jusqu’ici s’étaient contentés d’apparaître comme des mystérieux avertissements en provenance du futur, d’autant plus effrayants qu’étant formellement différents de tout le film et même de tous les standards du cinéma.

Prince des ténèbres est un chef d’oeuvre du genre, et pour ma part, du fait de ma préférence pour le cinéma d’épouvante sur les autres formes de cinéma dans lesquelles Carpenter s’est brillament illustré, je le considère comme le meilleur film du réalisateur.

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