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Permis de tuer – John Glen

permisdetuer

Licence to kill. 1989

Origine : Royaume-Uni / États-Unis 
Genre : Action 
Réalisation : John Glen 
Avec : Timothy Dalton, Robert Davi, Carey Lowell, Talisa Soto…

A bien des égards, Permis de tuer représente la fin d’une époque, encore plus qu’On ne vit que deux fois, que Les Diamants sont éternels, que Dangereusement vôtre ou que Meurs un autre jour. C’est en effet le dernier film 007 à être réalisé par John Glen, qui en réalisa cinq d’affilée entre 1981 et 1989 (un record), c’est le dernier sur lequel travailla activement Albert Broccoli, le producteur historique de la série, c’est la dernière apparition de l’éphémère Timothy Dalton dans le rôle principal et c’est celui avec lequel la série commence à s’affranchir des romans de Ian Fleming (l’histoire est en fait un mélange de plusieurs écrits de Fleming, et le titre est le premier de toute la saga à ne pas avoir été repris d’un des romans). C’est aussi celui qui boucle un cycle à la régularité épatante, puisque depuis 1962 et Dr. No, jamais le délai entre deux films ne dépassa trois ans, la plupart étant même séparés de deux voire une seule année. Après Permis de tuer, il fallut attendre 1995 pour revoir James Bond à l’écran. Cette pause, que certains attribuent aux résultats commerciaux modestes du film de John Glen, ne semble pourtant pas avoir été une surprise pour la production, puisque le générique final brise la tradition voulant que le titre du prochain épisode soit révélé. “James Bond reviendra” : telle est la seule indication qui nous est laissée.

Le scénario du film en lui-même marque à priori une nette rupture avec les films précédents, y compris avec Tuer n’est pas jouer, le film précédent, déjà avec Timothy Dalton, qui y jouait un Bond classique, empêtré dans un film d’action aussi brouillon que boursouflé. Permis de tuer semblait s’éloigner de cette routine (qui allait revenir en force sous l’ère Pierce Brosnan) pour nous dévoiler un Bond solitaire, qui agit contre l’avis des services secrets de sa Majesté pour venger Felix Leiter et sa femme, lui sérieusement blessé et elle assassinée par les hommes de Franz Sanchez (Robert Davi), célèbre trafiquant de drogue opérant en Amérique latine que Leiter avait réussi à faire coffrer avec l’aide de 007. Très vite évadé, Sanchez organisa donc l’agression contre le couple Leiter, et s’en retourna à ses besognes habituelles. Mais Bond décida de venger ses amis, s’opposant ainsi aux ordres de M. Il fut donc poussé au chômage, et son permis de tuer lui fut retiré. Pas un soucis pour Bond, bien décidé à mener à bien sa vendetta personnelle.

Voici une histoire pour le moins osée dans une saga assez frileuse à tout changement ! C’était du moins ce que l’on pouvait se dire à l’entame du film. Malheureusement, la suite ne fera que bafouer cette intrigue très intéressante. Sans avoir l’air d’y toucher, après un départ dans lequel Bond s’oppose vigoureusement à ses habituels alliés jusqu’à un point de non-retour des plus inventifs (l’engueulade entre Bond et M), John Glen et ses scénaristes réintégrèrent petit à petit tous les éléments desquels Bond s’était éloigné dans le début du film. Petit à petit, l’ex-agent voit ses sentiments passer de la colère quasi “mad-maxienne” à la sérénité qu’on lui connait. Il se fera des alliés, d’abord une Bond Girl (Carey Lowell) et puis une deuxième (Talisa Soto), et il se mêlera comme à son habitude à des scènes d’action massive, oubliant sans aucune conséquence qu’il n’est plus détenteur du permis de tuer… Le vieux Q lui-même, très paternel, débarquera dans cette République bananière qui accueille l’intrigue pour aider Bond sur place, en prenant bien entendu avec lui une mallette de gadgets ! Malgré leurs quelques tentatives du début de film, M et tous les anciens collègues de Bond ne se manifesteront plus, laissant leur ex-agent devenu un civil faire les quatre cent coups sans être dérangé, tentant mollement de dire à ses comparses de le laisser seul (il n’y arrivera pas… mais le voulait-il vraiment ?). Conséquence logique : Bond sera finalement réintégré aux services secrets britanniques dans le dénouement et le film aura ainsi gâché sa meilleure idée, celle qui aurait pu permettre à Permis de tuer de se distinguer tout à fait des autres films de la saga !

Maintenant, il ne faudrait pas tout à fait mettre le film sur un même plan que ses prédécesseurs immédiats. Si au fur et à mesure de sa très (trop, certainement) longue durée il tend à se rapprocher du tout venant, il subsiste malgré tout plusieurs aspects qui en font un bien meilleur film. Sa violence, déjà. Les crimes commis dans Permis de tuer sont ainsi bien plus durs qu’à l’accoutumée : des gens bouffés par des requins, un homme qui passe dans une broyeuse, un autre qui explose littéralement dans un sas de décompression d’un navire, un autre en feu… De quoi épouvanter la censure. Il faut attribuer ce mérite à l’intention de base du film, celle d’être plus réaliste, de montrer vraiment des méchants cruels, plus crédibles (un dealer de grande ampleur et non un terroriste mégalo) et un Bond plus humain, se laissant aller à la rancoeur. Une bonne intention qui comme dit plus haut est petit à petit trahie, mais qui ne s’efface jamais totalement. On retrouve la même volonté d’humanisation dans les rapports entre Bond et ses Girls : le personnage de Carey Lowell tombe amoureuse de Bond et le montre sans emphase, en faisant preuve de jalousie envers sa rivale jouée par Talisa Soto. La première est une alliée active de Bond, élégante et intelligente, et la seconde est une opportuniste nymphomane cherchant à se débarrasser de son dictatorial mari Sanchez. Peut-être un peu trop inactives, aucune des deux ne restera inoubliable. Mais elles resteront tout de même bien moins ridicules qu’une Denise Richards, qu’une Tanya Roberts ou qu’une Maryam d’Abo. Quant à Sanchez, il est un méchant mafieux marchant un peu sur les traces de Scarface. Il est à sa place, n’en fait pas trop, et il est aidé par des sbires dotés parfois d’une certaine forme d’intelligence voire d’un grand sadisme dans le cas du personnage brillamment interprété par le tout jeune Benicio Del Toro.

Si l’on n’observait que le traitement qu’il réserve aux figures imposées de la saga, Permis de tuer serait un bon film. Il l’est assurément, et avec lui, Timothy Dalton réussissait à se trouver une identité propre, différente de Sean Connery et de Roger Moore. Mais malgré tout, on ne peut que regretter que cette vision plus radicale et plus humaine de l’agent 007, avec notamment sa quête de vengeance personnelle et son départ des services secrets, n’ait pas assumé jusqu’au bout sa différence. Il y a du gâchis dans l’air, et si John Glen a raison de considérer ce film comme son meilleur James Bond, on ne peut s’empêcher d’avoir un sentiment mitigé.

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