CinémaThriller

Mikey – Dennis Dimster-Denk

mikey

Mikey. 1992

Origine : États-Unis 
Genre : Thriller 
Réalisation : Dennis Dimster-Denk 
Avec : Brian Bonsall, Ashley Laurence, Josie Bissett, Mimi Craven…

Le petit Mikey (Brian Bonsall), 9 ans, se sent moins aimé que sa petite soeur par ses parents adoptifs. En conséquence, il noie la frangine, électrocute sa mère dans son bain et tue son père à coup de batte de base-ball. Lorsque la police le trouve prosterné dans un placard, il affirme s’être caché d’un assassin dont il donne la description. Alors que l’enquête piétine, il est placé chez Rachel et Neil Trenton, un couple ravi d’adopter un enfant après cinq ans de vaines tentatives. La législation leur interdisant d’avoir accès au dossier de Mikey, ils accueillent l’enfant sans se douter de son agité passé, persuadés de son innocence même lorsque l’institutrice Shawn (Ashley Laurence en rupture de Hellraiser) leur fait part de ses préoccupations devant les dessins macabres du bambin.

En dehors des légitimations maléfiques de La Malédiction voire de Halloween, bien rares sont les films à faire leur beurre sur la méchanceté des enfants. Ou lorsque c’est le cas, il s’agit surtout de montrer de vilains garnements brimer une pauvre tête blonde de façon à faire compatir le spectateur. Le cinéma américain étant ce qu’il est, c’est à dire un reflet d’une morale prédominante sacralisant l’enfance, il est logique de ne retrouver que peu de représentants tout entiers dévolus à un moutard psychopathe. Mikey fait parti du petit lot, lui qui annonce dans son accroche que “même Freddy Krueger a été un enfant” (on le sait bien, puisque La Fin de Freddy nous le montre dans un flash-back). Même si l’idée est louable, encore faut il qu’elle trouve une transposition efficace à l’écran. Dennis Dimster-Denk, réalisateur débutant et acteur télévisuel à ses heures perdues, opte pour une approche avant tout réaliste. Mikey n’est pas l’enfant du diable ni le mal incarné : c’est juste un garçon qui, apprend-on, fut victime de graves maltraitances dans sa famille biologique. Le réalisateur ne s’appesantit pas sur le sujet : son but n’est pas de sensibiliser, l’argument n’est là que pour éviter que le film soit taxé de réac (pré 68ard, dirait-on en France) et c’est tant mieux. Faire reposer son histoire sur une telle justification l’aurait très certainement conduit à développer un propos social extrêmement convenu excusant les actes de son jeune personnage principal. Ainsi l’acte de naissance du Mikey psychopathe est assez semblable à ceux des tueurs classiques s’illustrant dans les slashers : un traumatisme originel, et voilà, le tour est joué. Tout de même, signe du réalisme du réalisateur (ou bien tout simplement du bon sens, tant il aurait été fumeux de voir un mouflet agir en Jason Voorhees), les exactions de Mikey dérivent toutes d’un élément central : le manque d’amour. Au moindre signe qu’il juge être révélateur d’une désaffection, aussi minime soit-il, Mikey se laisse gagner par ses psychoses, jamais totalement tues. Le meurtre de sa première famille d’accueil (l’ouverture du film) démarre lorsque le gamin est pris a parti par sa mère, et que sa soeur refuse de le soutenir. Et le thriller en lui-même ne démarre véritablement que lorsque la seconde mère adoptive vent les poissons dont Mikey s’était fait le gardien. A partir de là, Mikey est de plus en plus dominé par ses sentiments vengeurs, bien aidé aussi par la présence d’un rival, le petit ami de Jessie (Josie Bissett), sa voisine adolescente dont il s’est fait le chevalier servant. Le choix le plus porteur de Dennis Dimster-Denk est sans conteste d’attribuer à Mikey la lucidité sur ses propres actes. Il sait qu’il fait le mal. Pour lui, c’est un recours naturel, le seul capable de remplir son besoin d’amour exclusif. Il agit non sans une certaine ironie sadique qui le pousse à se moquer de ses futures victimes, et quand il en a l’opportunité de les filmer en train de mourir. Ainsi se repasse-t-il le meurtre de son premier père en vidéo sous le nez de sa nouvelle famille, qui ne prête pas suffisamment attention à l’écran. Une fois qu’il s’est estimé trahi par les Trenton ou qu’il a décidé que le petit ami de sa voisine était susceptible de lui piquer sa belle (c’est qu’il est gonflé, le marmot !), il laisse parler ses vices, et le film de devenir alors de plus en plus malsain, comme en témoigne le point de vue du réalisateur, qui en vient à s’attarder davantage sur l’amourette avec Jessie que sur les querelles avec les parents, moins perverses. D’une grande intelligence, supérieure non seulement à celles des enfants de son âge mais aussi en bien des façons de celle des adultes, Mikey aime à user de l’incompréhension de son copain Ben (petit frère de Jessie) et de la niaise bigoterie de ses aînés à l’égard des enfants pour manipuler son monde. Qu’il simule un arrêt respiratoire pour que sa voisine lui fasse du bouche à bouche, et tout le monde en rigole. Qu’il lorgne sur la même Jessie en maillot de bain, et elle lui apprend qu’il peut regarder une fille, mais qu’il est malpoli de la fixer du regard. Qu’il reluque sa mère dans son bain (comme il l’avait déjà fait dans l’ouverture), et la femme encore optimiste malgré les avertissements de l’instit se dit qu’il n’a pas conscience de la nudité. Sa tactique inclue aussi le meurtre du chat de la jeune fille, qu’il place sous la roue du petit ami honni afin que celui-ci ne puisse que l’écraser, provoquant ainsi la colère de Jessie, puis la rupture, ce qui va lui permettre de se poser en figure consolatrice.

En fait Mikey est un adulte pervers dans un corps de gamin, un peu à la manière de Chucky, si ce n’est que le réalisateur s’emploie davantage à lui faire briser les convenances qu’à le faire tuer. L’aveuglement des parents et de Jessie est un coup direct porté par le réalisateur à cette idolâtrie à l’égard des enfants. Et du même coup, les bambins, quand ils ne sont pas sots comme le frère de Jessie, sont vus comme des profiteurs parfaitement conscients de leurs actes. Les parents de Mikey sont ainsi totalement imperméables aux avertissements de l’institutrice et font figure de grands benêts. Dans le rôle de la mère, Mimi Craven (femme de Wes, auquel Dimster-Denk rend hommage en faisant des Griffes de la nuit le film préféré de Mikey) fait sensation par sa béatitude totale, qui en d’autres circonstances aurait fait figure de non-jeu. L’instit incarnée par Ashley Laurence et quand à elle la seule à rendre compte des troubles de Mikey, mais son incertitude (il est impensable qu’un gamin soit aussi méchant !) et les premières réticences du directeur (voyons, moi aussi je dessinais des choses gores, à son âge !) lui font perdre un temps précieux. Mikey réserve d’ailleurs quelques surprises, ou plutôt d’autres preuves d’audace de la part d’un réalisateur décidément aussi opposé à l’angélisme éprouvé par les adultes qu’à la tyrannie des enfants rois.

Tout ceci aboutit à un petit film très sympathique, qui compense hardiment l’absence de meurtres directs par un jeu de perversions secrètes associé à un enfant infiniment plus cinégénique qu’un Macaulay Culkin (qui l’année suivante tenta de se faire passer pour Mikey dans Le Bon Fils). Pour l’anecdote, au même titre que son personnage promis à un avenir de plus en plus trouble, l’acteur Brian Bonsall ne se distingua pas par son conformiste, puisqu’après s’être fait piercé et tatoué pour les besoins de la cause punk, il se fit remarquer en tabassant sa petite amie et en se dérobant aux convocations de la justice. Il est actuellement toujours en fuite. Et Mikey reste à ce jour banni du Royaume-Uni, où il fut interdit suite au meurtre d’un enfant de 3 ans par deux morveux de 10 ans en 1993. Et pourtant, cette affaire prouve que derrière sa méchanceté gratuite, le film de Dimster-Denk n’avait peut-être pas tout à fait tort. La censure du film n’est finalement que le symptôme d’une politique de l’autruche face à un problème social, celui des enfants criminels, qui aussi épineux et peu fréquent soit-il mérite l’attention.

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