CinémaHorreur

Massacre à la tronçonneuse 2 – Tobe Hooper

massacrealatronconneuse2

The Texas Chainsaw Massacre 2. 1986

Origine : États-Unis
Genre : Horreur
Réalisation : Tobe Hooper
Avec : Dennis Hopper, Caroline Williams, Bill Johnson, Bill Moseley…

Une dizaine d’années après que Sally Hardesty se soit échappée de la famille de cinglés cannibales qui massacrèrent ses amis et son frère en pleine brousse, les disparitions et les meurtres continuent au Texas. Malgré les dires de l’infortunée survivante (devenue folle), cette famille n’a jamais été retrouvée et fait figure de légende urbaine. Pas pour tout le monde : Lefty (Dennis Hopper), l’oncle de Sally, est depuis longtemps à la recherche de ceux qui ont détruit sa famille. Il trouve enfin une piste à exploiter lorsque Stretch (Caroline Williams), animatrice de radio, lui fait part d’un étrange appel téléphonique passé la veille par deux jeunes cons qui viennent d’être retrouvés en charpie.

Pas facile de se débarrasser d’une création aussi célèbre que Massacre à la tronçonneuse. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé : pendant les douze ans qui séparent le premier film de sa séquelle, Tobe Hooper se sera essayé aux bestioles voraces, aux vampires, à la science-fiction et même au fantastique familial à gros budget avec le spielbergien Poltergeist. Plusieurs de ces tentatives faisaient déjà écho à Massacre à la tronçonneuse, le plus souvent par la création d’une ambiance viciée. Le plus éloquent des exemples est sans nul doute Massacres dans le train fantôme et sa famille (un père et son fils monstrueux) martyrisant un groupe de jeunes enfermés dans le train fantôme pour une nuit. Aussi, lorsqu’il lui fallut rédiger le scénario de Massacre à la tronçonneuse 2, Tobe Hooper porta son choix sur L.M. Kit Carson, déjà auteur de Massacres dans le train fantôme. Il dût également se résoudre à être lui-même le réalisateur du film alors qu’il ne devait au départ qu’occuper le poste de producteur pour le compte de la Cannon avec laquelle il venait déjà de faire Lifeforce et L’Invasion vient de Mars. Mais faute de candidature intéressante il décida de prendre le taureau par les cornes… Une sage décision. Quitte à ce que quelqu’un ternisse l’image de Massacre à la tronçonneuse, autant que ce soit Hooper lui-même, ce qui permettrait d’éviter que le géniteur de Leatherface en vienne à se lamenter sur l’orientation donnée à son bébé par un tiers comme l’avait déjà fait John Carpenter pour son Michael Myers ou comme le fera peu après Wes Craven pour son Freddy Krueger (quant à Sean Cunningham, le profil bas s’impose puisque son Vendredi 13 inaugurait piteusement la carrière de Jason Voorhees sous le patronage de sa maman). Car il ne faut pas se voiler la face : donner une suite à l’un des plus prestigieux films d’horreur des années 70 à l’époque du slasher potache et sous l’œil des deux plaisantins que sont Goram et Globus laissait craindre le pire. Et même si il n’était pas encore devenu totalement manchot, Tobe Hooper avait déjà montré d’inquiétants signes de faiblesse, dont les plus criants étaient sans conteste dans… Massacres dans le train fantômes. Encore un mauvais présage, et cette fois très important compte tenu que Massacre à la tronçonneuse 2 se pose au moins dans sa seconde moitié comme une version démesurée du film déjà scénarisé par Kit Carson. Le train fantôme est remplacé par des galeries souterraines dans laquelle se joue le jeu du chat et de la souris, tandis que la première partie constitue une longue exposition, ce qui bien souvent (surtout à l’époque) signifie bavardages incessants et ennui mortel. Les premières minutes de Massacre à la tronçonneuse 2 sont effectivement effrayantes : les deux jeunes qui ont l’honneur de se faire assassiner les premiers sont typiques des têtes de cons que l’on trouve dans les slasher de l’époque, tandis que leur interlocutrice radiophonique s’apparente aux héroïnes facilement impressionnables prises dans un cercle vicieux. Quant au double meurtre en lui-même, il tombe en deux minutes dans ce que Hooper s’était bien gardé de faire dans le premier film : la surenchère. La tronçonneuse ne se contente plus d’effrayer, elle agit. Le tueur se fait blagueur en se cachant derrière un cadavre pour agir à la manière d’un ventriloque. Le tout se déroule dans des voitures en mouvement, ce qui marque définitivement la rupture entre l’original contemplatif et sa séquelle grand-guignol. Quant au personnage de Dennis Hopper, il se posera tout de suite après en Van Helsing moderne, laissant augurer là encore d’un filon facile et mille fois rabâchés. Au moins les choses sont claires : Hooper a pris ses distances d’avec son meilleur film. Au moins, si son film s’avère mauvais, il ne sera pas un remake.

C’est donc au prix de cette peu rassurante entrée en matière que Hooper se dégage du principal poids qui pesait sur lui, celle de la comparaison. Il affirme haut et fort que la séquelle ne sera pas meilleure que l’originale et qu’elle ne cherchera pas à l’être. Tout le climat malsain qui a fait du premier Massacre à la tronçonneuse un film aussi impressionnant est supprimé avec vigueur, et avec lui la chaleur du sud de l’État du Texas. Plus d’autostoppeur au milieu de nulle part, plus de jeunes réalistes, plus de plans sur des ossements ou des chairs en décomposition. Un procédé honnête de la part du réalisateur, qui en plus sait bien qu’il ne peut plus jouer sur l’effet de surprise. Souvenons-nous de la première apparition de Leatherface, qui ouvrait sauvagement la porte de son atelier puis la refermait aussi sec une fois sa victime maîtrisée. Une grande sauvagerie se dégageait de cette scène dont la force résidait dans l’apparence de Leatherface autant que dans sa très courte durée. Ici, l’homme à la tronçonneuse en fait des tonnes pour se montrer à des imbéciles qui finalement méritent bien leur sort (ils ont trouvé plus cinglés qu’eux). L’impression qui se dégage est celle qu’inspire les comédies horrifiques. Le réflexe pavlovien veut alors que l’on soit dubitatifs. Une fois ceci assimilé, il n’y à plus qu’à attendre le spectacle forcément outrancier, ce qui ne met pas beaucoup de temps. Leatherface et son frère Chop Top (équivalent de l’auto-stoppeur) débarquent à la station de radio pour supprimer le témoin gênant avec force et fracas. Hooper en fait vraiment beaucoup, allant même jusqu’à employer des éclairages bariolés surréalistes. Le film est gore, ce qui est logique pour les ambitions affichées par Hooper, et Chop Top est bien un taré de haut niveau, mais l’incertitude sur la suite ne disparait pas tout à fait, la faute à l’incroyable réaction de Leatherface face à l’animatrice radio, dont il tombe amoureux. Il utilise alors sa tronçonneuse comme un grossier symbole phallique, développant ainsi l’aspect potache qui, si il venait à être développé de la sorte, ne pourrait que faire sombrer Massacre à la tronçonneuse 2. Ce sera pourtant l’inverse qui va se produire : l’amourette de Leatherface ne sera qu’un gag en passant (pas le meilleur) enrobé dans une frénésie devant bien plus à Chop Top et surtout au père de famille, un boucher à succès, qu’à la “star” Leatherface. Celui-ci sera réduit au rang d’ado pubère raillé à juste titre par sa famille.

En fait, sitôt sorti de la station radio, le film qui n’en est à peu près qu’à sa moitié devient incontrôlable : l’animatrice et le personnage de Dennis Hopper suivent les deux fêlés jusque dans leur antre et n’en sortiront plus jusqu’à la fin. Hooper parodie ouvertement Massacre à la tronçonneuse premier du nom, avec un manque de respect salutaire symbolisé par la découverte du squelette de Franky dans son fauteuil roulant (moment à partir duquel le personnage de Dennis Hopper deviendra fou furieux, tronçonnant toutes les poutres qu’il trouve jusqu’au règlement de compte final). Bien que l’humour de la famille texane répondait déjà présent dans le premier film, il acquérait une saveur particulière face au calvaire infligé à Sally et au cadre de vie très vicié de ce coin du Texas. Ce qui n’est plus le cas ici : l’humour existe par lui-même, mais il parvient à faire mouche pour la simple raison que Hooper retrouve la folie furieuse qui caractérisait les personnages et la mise en scène de son premier film. L’héroïne n’existe pas : elle n’est bonne qu’à hurler et à se retrouver au milieu des cinglés cannibales ou des preuves de leur méfaits (le collègue de Sally déjà bien “entamé”) jusqu’à ce qu’elle soit à son tour placée sous le marteau du papy grabataire. La gouaille et la vulgarité du père de famille, véritable moulin à paroles non-sensiques, ainsi que les gesticulations et les exclamations perpétuelles de Chop Top (l’ancien du Vietnam) sont de vrais délices que Hooper accentue par une mise en scène en continuel mouvement et par un superbe décor de dépotoir labyrinthique décoré n’importe comment et éclairé dans des teintes orangées assez dégueulasses. Au même titre que Leatherface, ridiculisé par son côté niais, l’héroïne est la cible des moqueries. Elle est poussée à bout par la folie qui l’entoure, et qui est encore développée par son pseudo-sauveteur, un Lefty qui s’est en fait servi d’elle pour en découdre avec ses ennemis. En même temps qu’il parodie Massacre à la tronçonneuse, Hooper parodie les clichés relatifs au Texas, avec d’un côté le cow-boy (les tronçonneuses de Dennis Hopper remplaçant les colts) et de l’autre la famille tuyau-de-poêle composée de beaufs campagnards. L’opposition entre les deux camps prend des allures de rodéo gore et profondément festif. Il s’agit bien de grand-guignol, mais d’un grand-guignol très bien pensé, irrespectueux et anarchique. L’entrain avec lequel Hooper mène son film est communicatif et fait même digérer les gags les moins inspirés (ceux sur le béguin de Leatherface, par exemple, qui ne trouvent leur sens qu’au milieu de la tempête).

Toutes les incertitudes sur l’orientation prise par Massacre à la tronçonneuse 2, liées entre autres à la platitude du début de film, forment en fait un temps d’attente permettant à la rupture de s’effectuer avec davantage de force. Une fois qu’il a basculé dans la folie, Hooper ne s’arrête plus. Ce n’est pas un état de grâce mais ça y ressemble, comparé à ce que le réalisateur fera par la suite. Il s’agit là du dernier des trois ou quatre bons films que compte sa filmographie et il serait dommage d’aller y chercher la petite bête.

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