CinémaPéplum

Maciste contre les géants – Michele Lupo

macistecontrelesgeants

Maciste, il gladiatore più forte del mondo. 1962

Origine : Italie 
Genre : Péplum 
Réalisation : Michele Lupo 
Avec : Mark Forest, Scilla Gabel, Jon Chevron, José Greci…

Une mystérieuse silhouette encapuchonnée offre une forte somme d’argent à un bandit pour que celui-ci monte une équipe de gladiateurs prêts à tout pour obtenir leur liberté. Leur mission : s’inviter au royaume de Mersabad, allié de Rome, sous prétexte d’offrir un spectacle pour le couronnement de la bienveillante princesse Thalima, tout en œuvrant en coulisses pour que Thalima ne soit pas couronnée. Sur place, ils vont commettre l’erreur de se faire remarquer en mettant à sac une taverne gérée par un ami de Maciste. Celui-ci commence à suspecter des choses louches…

Premier film pour Michele Lupo, qui devra attendre la fin de sa carrière au tournant des années 70/80 pour que son nom soit enfin associé à quelque chose, ou plutôt à quelqu’un : Bud Spencer, avec lequel il tournera cinq films, sans Terence Hill. Jusqu’à cette rencontre qui il est vrai n’a pas non plus fait énormément d’étincelles, Lupo demeura un réalisateur anonyme œuvrant dans quelques uns des genres en vogue du cinéma populaire italien. A commencer par le péplum avec ce Maciste contre les géants par lequel Lupo connait une promotion logique après avoir passé plusieurs années dans l’ombre en tant qu’assistant réalisateur (notamment pour Sergio Leone sur Le Colosse de Rhodes). Pour son galop d’essai, point d’envolée d’auteur : il prend les trains en marche. Le train du péplum, qui s’apprêtait alors à commencer sa décélération, et le train de Maciste, qui en était à mi parcours (une vingtaine de films entre 1960 et 1965). Lupo hérite aussi de l’italo-américain Mark Forest, le bodybuildé le plus souvent associé au rôle de Maciste. Ce qui ne veut pas dire que Forest est le seul Maciste : d’autres bodybuildés s’y sont collés, et Forest a également tenu le rôle d’Hercule. Comme ce sera aussi le cas pour les grandes figures du Western (Ringo, Django, Sartana, Trinita…), et même encore plus, les acteurs des péplums à gros bras sont aussi interchangeables que les héros qu’ils incarnent, et quand bien même un réalisateur aurait décidé de donner une personnalité propre à sa création, il ne peut guère espérer que ceux qui passeront derrière lui se montrent très consciencieux. D’autant plus qu’il n’y a jamais vraiment de séquelle officielle et que les producteurs se marchent sur les pieds. Vouloir s’y repérer dans cette jungle est tout aussi illusoire qu’inutile, et qui plus est les noms de héros peuvent changer d’un pays à l’autre au gré du distributeur. Tout ça pour dire que sauf exception, les péplums sont de véritables produits d’exploitation, et que si l’histoire ou la mythologie peuvent certaines fois être respectées, cela n’est que le fruit du hasard. Après tout, vu le nombre de péplums produits, il était inévitable que cela finisse par partir dans tous les sens. Dans le cas de Maciste encore plus qu’un autre, vu que le personnage est une création du début du XXe siècle trouvant ses origines au siècle précédent, où son nom était mentionné par certains savants comme étant un autre nom d’Hercule.

Comme tous les autres musclés du péplum italien de cette époque, le Maciste de Michele Lupo ne se distingue pas par sa personnalité, qui se résume en une moralité irréprochable mise au service d’autres parangons de vertu menacés par de vils usurpateurs. Il n’est même pas un demi-dieu, et les aventures que lui réservent le réalisateur et ses scénaristes contribuent à en faire un homme tout ce qu’il y a de plus normal (visiblement un paysan), mais en plus costaud. Pas l’ombre d’un élément mythologique ou fantastique, et à vrai dire même quand il utilise sa force, Maciste ne fait rien qui ne puisse être accompli par un être humain. Son héroïsme, il le déploie à travers sa bravoure : s’opposer à une meute de criminels élevés à la dure. Et en plus, le Maciste veut sauver sa princesse sans pour autant se placer pour de futures noces. Désintéressé, en plus de ça ! Ou alors a-t-il trop d’égard pour le courtisan de Thalima, le très gentil chef de la garde. Bref, les critères moraux sont aussi primaires qu’angéliques, et tout cela évoque davantage les gestes chevaleresques du moyen-âge que les épopées antiques. Mais enfin, la plupart des péplums italiens de l’époque étant construits dans le même moule, il était difficile de s’attendre à autre chose. Et puis avouons-le : même s’il se montre un peu trop sage, Lupo évite l’écueil de la leçon de morale. On peut donc lui pardonner… En revanche, on ne peut se montrer aussi magnanimes vis à vis des personnages secondaires, les amis de Maciste issus de rangs modestes. Tous sont traités comme des éléments comiques, et pas des plus discrets. Entre ce vieux patron de bar pleurant sur sa barbe coupée par les barbares et cet affranchi (noir, comme le veut le vieux cliché des éléments comiques) prompt au travestissement, nous tapons dans la comédie italienne la plus bas de plafond. Consternante est la scène où l’ex-esclave se déguise en mouton pour influer sur une bagarre au milieu d’un troupeau.

Tant et si bien qu’entre le transparent Maciste, les deux bout-en-trains débiles et la pompeuse princesse et ses grands discours humanistes, on en vient à se tourner vers les fameux gladiateurs mercenaires dont la méchanceté chevillée au corps a au moins le mérite de les rendre un peu moins lisses. Voire rigolos, lorsqu’ils mettent l’auberge à sac. L’un d’entre eux affiche même des scrupules, encore que Lupo évite de donner trop d’importance à ce cas particulier (il ne faudrait pas que Maciste perde son rang de moteur de l’intrigue). Si ces gladiateurs sont uniformément vils et ne ratent jamais une occasion de nous le prouver -après tout ce sont tous des barbares que Rome a capturé-, deux d’entre eux sortent malgré tout du lot : leur meneur officieux, tout simplement parce que c’est lui qui les représente, et un autre, qui doit beaucoup au jeu de Harold Bradley, bien plus menaçant que ce que proposent ses monolithiques collègues échappés de la salle de musculation, ou même que leur chaperon machiavélique. Dommage qu’il ne soit pas davantage mis en avant.

Lupo a donc opté pour un schéma aussi conformiste que simpliste, dans lequel les personnages sont bien trop rudimentaires pour pouvoir apporter quoi que ce soit au film -y compris de l’affection pour eux mêmes-, si ce n’est une naïveté surannée. C’est ainsi qu’était imaginée l’époque romaine dans les péplums italiens de la fin des années 50 et du début des années 60. Les mêmes qualificatifs peuvent aussi s’appliquer aux films de cape et d’épée sortis à la même époque, ainsi qu’aux films d’aventures exotiques. Il arrivait d’ailleurs que deux ères historiques soient mélangées (Maciste contre Zorro, d’Umberto Lenzi), prouvant ainsi que la période choisie, antique, médiévale ou autre se limitait surtout au décorum. Décorum que Lupo n’exploite pas beaucoup ici, si ce n’est peut-être pour l’amphithéâtre où doivent se produire les gladiateurs. En revanche, il joue à fond la carte des manigances. Il y a quelque chose de théâtral dans la façon dont est menée l’usurpation du trône de Mersabad, qui en fin de compte est véritablement la seule chose sur laquelle le réalisateur se concentre. La profusion de personnages n’y est pas pour rien, même si comme on l’a vu, ces personnages ne présentent en eux-mêmes aucune forme d’intérêt. La question du complot, avec ses tenants et ses aboutissants, est assez dense. Entre les gladiateurs, le dissident parmi eux, celui qui les a recruté, celui qui a contacté ce dernier, plus la sœur de la reine Thalima et son entourage, chacun apporte sa petite pierre à l’édifice. Tant et si bien que cette profusion pallie assez bien au manque d’envergure des personnages, permettant de rattraper la minceur de la psychologie par la variété des perspectives en jeu. Un petit bémol toutefois : vu le simplisme ambiant, il faudrait vraiment être aveugle pour ne pas distinguer le fond de l’affaire, et deviner par exemple l’identité de la silhouette encapuchonnée vue dans la première scène. Un peu téléphoné, tout ça.

A l’instar d’autres genres du cinéma italien (le plus figé étant encore les comédies sexy apparues une quinzaine d’années plus tard -mais les aventures du tandem Hill / Spencer ne sont pas mal non plus-), le péplum à gros bras est assez avare en surprises : héros chevaleresque, méchants d’opérette, plans machiavéliques et justice qui triomphe avec quelques scènes d’action au milieu. Si ce n’est pour quelques exceptions, ou éventuellement pour les films mythologiques se basant sur des éléments fantastiques, on sait grosso modo dans quoi on met les pieds en s’y aventurant. Ceux qui en raffolent ne seront jamais vraiment désagréablement surpris, et ceux qui n’aiment pas n’y retourneront pas avec plaisir. Lorsque l’on se situe entre ces deux extrêmes, un de temps en temps lorsque le cœur nous en dit, ça s’avale sans déplaisir. Maciste contre les géants se regarde dans cette optique, tout en sachant que son souvenir se confondra bientôt avec ceux d’autres péplums vus précédemment.

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