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Les Frissons de l’angoisse – Dario Argento

frissonsdelangoisse

Profondo Rosso. 1975.

Origine : Italie
Genre : Giallo
Réalisation : Dario Argento
Avec : David Hemmings, Daria Nicolodi, Gabriele Lavia, Macha Méril…

Quand Dario Argento réalise Les Frissons de l’angoisse, il n’en est pas à son premier giallo, au contraire, il a déjà bien testé les possibilités offertes par le genre dans ses trois premiers films : L’Oiseau au plumage de cristal, Quatre mouches de velours gris et Le Chat à neuf queues.
Le giallo, « jaune » en italien, fait d’abord référence à des romans de gares des années 20, ayant en commun leur couverture jaune et leurs histoires à énigmes. Le cinéma s’empare du genre avec le précurseur Mario Bava qui en réalise les premiers avatars : La Fille qui en savait trop et surtout Six femmes pour l’assassin, mais c’est véritablement Argento qui donne ses lettres de noblesse au genre.
Les gialli se caractérisent tous par des codes immuables : des meurtres à l’arme blanche, et un tueur ganté de noir dont on ne voit jamais le visage et dont l’identité constitue l’enjeu narratif du film.

Les Frissons de l’angoisse nous fait suivre les péripéties de Marcus Daly, un pianiste de Jazz installé à Turin. Un soir il assiste au meurtre de Helga Ullman, une célèbre para-psychologue de passage en Italie pour un congrès. Il tente de lui porter secours, mais en vain. Alors, il décide de mener sa propre enquête avec l’aide d’une journaliste…

Vue comme ça, cette histoire est somme toute très classique pour un giallo, et on pourrait penser à tort que Les Frissons de l’angoisse s’inscrit dans la droite ligne des premiers excellents films réalisés par Argento. Mais il n’en est rien, car le film est radicalement différent et détermine la nouvelle voie et le style particulier que prendra la carrière du réalisateur romain. Il se pose ainsi en film charnière ayant à la fois de nombreux aspects novateurs et des réminiscences de ses premiers films. Avant de se lancer dans la réalisation de films, Argento était critique de cinéma. Au cours de ses années de critiques il aura l’occasion de rencontrer Michelangelo Antonioni, et surtout Sergio Leone, qui auront tous deux une influence déterminante sur son cinéma et sur Les Frissons de l’angoisse.

Ce qui marque avant tout dans son film c’est le contraste entre des aspects glauques et gores, issus d’un cinéma populaire et « de genre », et des aspects plus intellectuels et techniques comme une mise en scène déjà baroque et une conception du film en tant que rythme et cadrage. Ainsi, moments forts du film par excellence, les scènes de meurtres sont particulièrement représentatives de cette dichotomie. Bien que très graphiques, elles ne sont pas dénuées de cet esthétisme baroque et de cette mise en scène calculée au millimètre près qui seront par la suite hautement caractéristiques du cinéma d’Argento. Pour la première fois dans sa filmographie Argento soigne ses mouvements de caméra. Cela ne veut en aucun cas dire que ses premiers films souffrent d’une réalisation plate, bien au contraire, cependant les prises de vues complexes et les longs travellings amples qui font que les films d’Argento sont si reconnaissables apparaissent ici pour la première fois. De même, comme le titre original Profondo Rosso (« Rouge profond » en français) le suggère, le film est assorti d’un travail sur les couleurs et sur l’image. Mais si tout ceci est encore embryonnaire, le style d’Argento n’éclatera vraiment qu’avec le flamboyant Suspiria, Les Frissons de l’angoisse n’en demeure pas moins un film fondateur dans la filmographie de son auteur.

C’est également le film qui voit la rencontre entre Argento et ce qui deviendra son groupe fétiche : les Goblins. Dans ses premiers gialli, la musique, composée par Ennio Morricone, ne jouait qu’un rôle accessoire, mais cependant nécessaire puisqu’elle contribuait à créer les émotions relatives à chaque scène. Dans Les Frissons de l’angoisse elle prend part au récit et est d’une importance primordiale. Argento s’est tourné vers les Goblins justement dans cette volonté de changer de registre, pour obtenir quelque chose de plus moderne et de plus simple à la fois. En effet nombre de musiques du film ne sont que de simples ritournelles ou des petites mélodies métalliques qui font des apparitions récurrentes dans le film. Ceci tire ses racines des films de Leone, Il était une fois dans l’ouest tout particulièrement, avec son thème joué à l’harmonica dont les apparitions régulières donnent son rythme au film. Ceci aura bien entendu une influence très forte sur le cinéma d’horreur, et Halloween, notamment, utilisera son thème de façon similaire. Soulignons enfin la présence dans le casting de David Hemmings (héros du Blow Up d’Antonioni auquel Argento se réfère énormément dans son film) et de Daria Nicolodi, qui sera présente dans tous les prochains films d’Argento jusqu’à Opéra, et qui sera également sa femme et la mère de ses deux filles.

Bref, bien plus qu’un simple thriller basique, Les Frissons de l’angoisse est le fruit d’un véritable travail à la fois sur le son et l’image, tant est si bien que le ressort narratif du film, à savoir l’identité du tueur, ne nous est pas dévoilée par une astuce scénaristique, mais bel et bien par un jeu avec l’image, le héros ayant aperçu sans s’en rendre compte le coupable dès les premières minutes du film. Ainsi, en montrant la même séquence de deux manières différentes au début et à la fin du film, Argento réussit à berner le spectateur. Enfin, si le rythme parfois lent du film risque de décourager certains spectateurs, la pertinence de la mise en scène et l’utilisation judicieuse de la musique font des Frissons de l’angoisse une œuvre majeure à la fois dans la filmographie de son réalisateur mais également dans l’histoire du film d’horreur.

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