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Les Aventures de Bernard et Bianca – Wolfgang Reitherman

The Rescuers. 1977.

Origine : États-Unis
Genre : Aventures animées
Réalisation : Wolfgang Reitherman, John Lounsbery, Art Stevens
Avec les voix de : Eva Gabor, Bob Newhart, Geraldine Page, Jim Jordan…

Prisonnière de la méchante Medusa sur un vieux bateau à vapeur échoué dans les bayous, Penny lance un S.O.S. via une bouteille qu’elle laisse au bon vouloir des flots. Le hasard veut que ladite bouteille soit trouvée par des souris qui laissent le soin à la S.O.S. Société de définir un plan d’action afin de lui venir en aide. Touchée par les mots de la petite fille, Bianca se porte volontaire, et demande à faire équipe avec Bernard, la souris à tout faire de la société, pour la retrouver.

Se replonger, voire découvrir, les « classiques » des studios Disney relève parfois de la grosse désillusion. Voir, par exemple, un Peter Pan ou un Cendrillon aujourd’hui, c’est devoir supporter une musique omniprésente soulignant la moindre action des personnages jusqu’à satiété, alternant avec les chansons d’usage pour un résultat qui flirte dangereusement avec le supplice auditif. Ce mélange de film muet et de comédie musical, s’il participe de la dynamisation de l’ensemble, propre à garder les sens du jeune public en éveil, tend à hérisser le poil de ce même public une fois atteint l’âge de la majorité. C’est d’autant plus dommage que certaines qualités propres aux productions Disney, comme la caractérisation des personnages secondaires, demeurent intactes même au fil des ans. Heureusement, la déception n’est pas toujours de mise à la relecture de ses souvenirs d’enfance. En témoignent ces Aventures de Bernard et Bianca, pas le film le plus réputé du catalogue Walt Disney mais un chouette divertissement empli de mille trouvailles (au bas mot).

Sorti lors d’une année faste pour les studios Disney, avec pas moins de trois films au programme dont Les Aventures de Winnie l’ourson –en fait une compilation de trois anciens courts-métrages– et Peter et Elliott le dragon, Les Aventures de Bernard et Bianca marque en coulisses un tournant puisqu’il s’agit là du dernier dessin animé réalisé par les vieux sages du studio, Wolfgang Reitherman en tête (6 films à son actif). Ce film a été le théâtre d’une collaboration entre la vieille et la nouvelle génération en une sorte de passage de relais qui à l’écran n’aboutit à aucune révolution graphique. Au contraire, l’animation apparaît même volontairement surannée, chaque personnage en mouvement révélant les coups de crayon du dessinateur. Il en va de même des décors dessinés à l’aquarelle, ce qui confère un aspect frustre à l’ensemble. Loin d’être rédhibitoire, cet aspect “pas fini” participe grandement au cachet particulier de cette aventure. Une aventure qui exceptionnellement se conjugue au présent, sans pour autant que cela ait une réelle incidence sur une intrigue qui se passe pour moitié dans l’anonymat des bayous. Tout au plus, les décors figés de la ville illustrent l’inertie des hommes qui la peuplent, peu concernés par le sort d’une orpheline jugée « trop quelconque ». En creux se dessine une morale moins confortable qu’à l’accoutumée, Penny ne devant son adoption qu’à la soudaine renommée que lui a apportée la découverte du diamant tant convoité par Medusa. Autrement dit, la fillette ne devient intéressante à adopter qu’une fois son visage connu de tous, et donc plus si quelconque que cela. Ce constat doux-amer tranche avec les morales plus convenues que l’on retrouve à nouveau ici. Les efforts consentis par Bernard, Bianca et toute la faune des bayous pour sauver Penny des griffes de ses geôliers démontrent, outre que l’union fait la force, que peu importe la taille lorsqu’on a du cœur et un courage énorme. Une énième resucée de l’histoire de David contre Goliath qui néanmoins ne plombe pas le film, du fait notamment de la belle énergie déployée et d’une absence de pathos fort louable.

Tout mignons qu’ils soient, les héros du film se débattent dans un univers sombre, voire glauque, que leur statut de souris oblige à arpenter au ras du sol, là où le danger est le plus grand. De la grisaille urbaine à la brumeuse obscurité du bayou du diable, Bernard et Bianca ne voient littéralement pas le jour jusqu’à l’inévitable happy end. Les craintes et les superstitions de Bernard tranchent avec l’assurance et la légèreté de Bianca, composant de prime abord un duo mal assorti qui s’avérera finalement très complémentaire. A tel point que le studio avait envisagé de clore le film sur leur union, avant d’y renoncer afin de coller au plus près des romans desquels ces personnages sont tirés. Mais plus encore que le duo vedette, ce sont les personnages secondaires qui marquent les esprits. Premier d’entre eux par ordre d’apparition, l’albatros Orville, dont le nom renvoie aux pionniers américains de l’aviation Orville et Wilbur Wright, demeure inoubliable pour ses difficultés à décoller (ahanements à l’appui) et le doublage français assuré par Francis Lax, par ailleurs voix cette même année de Han Solo, le “gentil vaurien” pilote du Faucon millénium. Une petite friandise qui prend toute sa saveur lorsqu’on a déjà vu Star Wars, le « p’tit gars » qu’Orville adresse à Bernard acquérant alors une toute autre dimension. Et puis pas loin derrière vient Evinrude, libellule moustachue aux allures de gondolier vénitien, qui sert de moteur à propulsion pour la frêle embarcation qu’empruntent Bernard et Bianca. Rien d’étonnant à cela lorsqu’on sait qu’Evinrude provient du nom donné à une marque de moteurs de bateaux. A ces détails prompts à faire sourire le public adulte, et américain de préférence, s’ajoutent des trouvailles plus ludiques. Je pense notamment à cette scène s’axant autour d’un orgue dans lequel Bernard et Bianca pensent avoir trouvé refuge, et qui conduit Néron et Brutus, les deux gardes chiourmes crocodiliens de la fillette, de tenter de les débusquer en jouant de la musique. A ce moment là, la musique revêt une réelle utilité dramatique, chaque note pouvant amener l’un de nos héros à se faire capturer. Et de manière générale, l’utilisation de la musique s’effectue à bon escient, jamais trop présente, et surtout reléguant les passages de comédie musicale aux oubliettes. Si les chansons d’usage sont toujours belle et bien présentes, celles-ci jouent la carte de la discrétion, se bornant à accompagner les plages d’accalmies de l’intrigue. Par ailleurs, ce qui ne gâche rien, elles s’avèrent plutôt douces à l’oreille.

Ce 25e classique des studios Disney constitue un agréable divertissement, pétillant et amusant comme il se doit. Si la méchante de service, l’exubérante Medusa, ne compte pas parmi les figures maléfiques les plus connues des films estampillés Disney, elle n’en assume pas moins son statut avec une belle conviction, à la fois risible et dangereuse. Un personnage haut en couleurs qui n’est pas sans évoquer Cruella, une tornade rousse qui emporte tout sur son passage entre deux pétarades de son brinquebalant rafiot. Qu’il est doux de se confronter à son enfance lorsque le spectacle est de cette qualité !

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