CinémaHorreur

Les Abeilles – Alfredo Zacarias

abeilles

The Bees. 1978

Origine : Mexique / Etats-Unis 
Genre : Nature-fiction 
Réalisation : Alfredo Zacarias 
Avec : John Saxon, Angel Tompkins, John Carradine, Claudio Brook…

Une espèce particulièrement agressive d’abeilles a envahi le Brésil, faisant beaucoup beaucoup de morts. Pour éviter que le phénomène ne gagne “l’hémisphère ouest” (si si, c’est ce qu’ils disent dans le préambule), le Dr. Miller (Claudio Brook), un scientifique américain, s’est établi sur place avec sa femme pour rechercher un moyen de combattre ces abeilles. Mais ses ruches sont mal protégées et par un beau soir un paysan et son fils tentent d’y voler du miel. Ils libéreront des abeilles qui tueront le gamin. Verte de rage, la population arrive le lendemain et, de rage, met à sac la maison des Miller… et libèrent l’intégralité des “abeilles du diable”, qui s’empressent d’aller tuer le Dr. Miller ! Chapeau les villageois ! Ah ça c’est malin !
L’incident ne décourage toutefois pas des hommes d’affaire américains, qui décident d’importer ces abeilles en toute illégalité pour vendre du miel, fabriquer des cosmétiques etc etc… Evidemment, les insectes ne seront pas maîtrisés, et feront trembler l’Amérique. Le seul espoir est placé sur les anciens collègues du Dr. Miller : le Dr. Norman (John Saxon), assisté par la veuve Miller (Angel Tompkins) et par l’oncle de celle-ci, le Dr. Hummel (John Carradine).

Dans ce riche genre que constitue les films d’agressions animalières, les abeilles (et leurs collègues hyménoptères), si elles ne sont pas les plus réputées des bestioles tueuses, n’ont cependant pas été oubliées. Citons d’abord leur ancêtre, La Femme-Guêpe de Roger Corman, en 1960, qui à défaut d’abeilles normales nous proposait une improbable mutation humain-abeille dans la tradition des années 50. Puis avec les années 70, décennie riche en animaux méchants, apparurent Killer Bees (1974) et Savage Bees (1976). Jamais deux sans trois, et aimant beaucoup les années paires, les abeilles réapparurent sur les écrans en 1978 grâce aux efforts conjoints des États-Unis et du Mexique. Le casting est dominé par deux stars : John Saxon et John Carradine dans la peau des deux gentils scientifiques tentant de combattre avec leurs faibles moyens les honteuses pratiques du grand capital, prêt à tous les dangers pour se renforcer. Les capitalistes des Abeilles sont nettement plus vilains que la moyenne : les fonctionnaires sont de mèche avec les hommes d’affaires. Les premiers détournent sans vergogne les fonds du Ministère de l’Agriculture censés financer les services de sécurité du Dr. Miller, tandis que les seconds menacent outrageusement le Dr. Norman, qui refuse leur proposition d’association. Au cours du film, ils iront même jusqu’à embaucher des tueurs à gage ! Les Abeilles est un de ces films qui malgré leur faible budget n’ont jamais peur d’en faire trop. Cette histoire de manigances politico-économiques montera jusqu’à très haut, jusqu’aux Nations Unies, qui voient les abeilles sous l’angle économique. Seuls les pays communistes s’y opposeront. Pourquoi ? Parce que les pays capitalistes pensent que le miel est à terme déstiné à remplacer le sucre. Une alternative que les communistes ne voient pas d’un bon oeil, surtout le délégué cubain, dont le pays est justement l’un des plus gros producteurs de sucre ! Le réalisateur Alfredo Zacarias, habitué aux comédies, se fait volontiers satirique et construit la sempiternelle rengaine de la “nature qui se révolte” sur l’absurdité des raisonnements économiques humains. A une occasion, l’invasion sera même repoussée… pour reprendre de plus belle suite à un énième complot.

Pour autant, les personnages “gentils”, c’est à dire les trois scientifiques, ne sont pas pour autant des héros purs et durs. La veuve Miller est à peine rentrée aux États-Unis qu’elle plonge dans les bras du Dr. Norman (un bon blagueur malgré le contexte menaçant) sous les yeux de son oncle, le moitié sénile Dr. Hummel. Déjà plutôt restreints en nombre, ces potentiels sauveurs de l’humanité se distinguent par leurs propositions hasardeuses. Passons sur le sac à main abritant une ruche (malheur aux pick-pockets !) et parlons science. Comment stopper une invasion d’abeilles ? La réponse ne se trouve pas sous les sabots d’un cheval mais dans les écrits de Karl Marx : il faut que les ouvrières se retournent contre leur reine. Comme toute révolution communiste, cela ne marchera que modérément. C’est alors que l’idée de génie, foudroyante, traversera l’esprit insensé des bons docteurs. Sans aucune honte, ils affirmeront devant l’ONU qu’ils travaillent sur un procédé capable de rendre les bourdons homosexuels, et ce afin d’éviter toute reproduction. Si l’on pouvait jusqu’ici considérer que l’aspect humoristique des Abeilles était dû aux maladresses de ses scénaristes, l’illusion n’a plus court. Zacarias livre bel et bien un film pince-sans-rire, ce qui malgré les gros défauts de rythme le rend ma foi très attachant. Les absurdités scientifiques iront encore plus loin : le Dr. Hummel aura trouvé le moyen de comprendre le langage des abeilles, et dans une incroyable dernière scène, le Dr. Norman essaiera de convaincre les Nations Unies d’écouter les abeilles, qui se sont justement invitées au concert des nations !

Le film d’Alfredo Zacarias vaut donc essentiellement pour son humour, bien davantage que pour ses penchants horrifiques. A peine verrons-nous un visage tuméfié de piqûres. Il faut dire que filmer des agressions d’abeilles n’est pas chose aisée. Si placer quelques véritables abeilles sur les comédiens n’est pas un problème, en revanche en envoyer des nuées entières sur tout un groupe de personnages en pleine rue l’est beaucoup plus. A l’écran, ces assauts prennent la forme de multiples points blancs envahissant l’écran, pendant que les acteurs se contorsionnent dans tous les sens, simulant leur gêne. Ou encore, les essaims d’abeilles deviennent des nuages noirs dans le ciel bleu, sur fond de bruitages bourdonnant. Le son est justement l’un des “effets spéciaux” majeurs : ça bourdonne à tout va, y compris jusque dans la musique, aux accents très humoristiques (et parfois assez “funk”). Même dans l’horreur, Zacarias se prend d’envie de rire. Un rire suffisamment discret pour ne pas verser dans la parodie ouverte, et qui est en tout cas une bonne manière de gérer un budget aussi réduit.

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