CinémaHorreur

Le Dernier monde cannibale – Ruggero Deodato

derniermondecannibale

Ultimo mondo cannibale. 1977

Origine : Italie 
Genre : Horreur 
Réalisation : Ruggero Deodato 
Avec : Massimo Foschi, Ivan Rassimov, Me Me Lai, Sheik Razak Shikur…

Croyant avoir découvert un gisement de pétrole, Robert Harper (Massimo Foschi) se rend en Amazonie avec Ralph (Ivan Rassimov), son ami anthropologue. Les deux hommes sont accompagnés par l’inévitable pilote d’hélicoptère, par une femme du pays, et ils doivent retrouver sur place une équipe déjà installée et prête à trimer. Mais une fois arrivés au beau milieu de la jungle hostile, ils ne trouvent personne. Et pour cause : une petite virée dans l’enfer vert leur apprendra que tout le monde a été bouffé par des cannibales. Sagement, nos quatre badauds décident d’attendre dans l’hélicoptère que le jour se lève pour pouvoir redécoller et s’enfuir. Mais une nuit, c’est long, et la femme, n’y tenant plus, part satisfaire un besoin naturel hors de l’abri. Elle est aussitôt kidnappée par les cannibales. Bon prince, le pilote d’hélicoptère persuade ses compagnons de partir à sa recherche dès l’aube. Mais elle aussi s’est faite mangée. Pour découvrir cela, les survivants (bientôt réduits à deux après que le pilote ait été empalé par un piège forestier) se seront égarés dans la jungle… Ils vont vite être séparés après que leur radeau ait chut dans une cascade. Harper sera retenu prisonnier par les cannibales avec pour seule consolation la présence d’une belle indigène (Me Me Lai).

Si il a donné aux films de cannibales leur représentant de loin le plus renommé, Ruggero Deodato n’est pas pour autant l’inventeur de ce sous-genre atypique. L’origine, si tant est qu’elle puisse être fixée, remonte à 1973, lorsqu’Umberto Lenzi réalisa Cannibalis en marchant sur les pas du mondo, autre genre né dix ans plus tôt avec Mondo Cane de Franco Prosperi. Les films mondo prétextèrent de faux reportages sur les us et coutumes de la planète pour pouvoir montrer un peu tout et n’importe quoi. En réalisant Le Dernier monde cannibale (en remplacement de Lenzi qui demandait trop cher), le premier de ses trois films sur l’anthropophagie, Deodato s’inscrivait encore dans la lignée du mondo basique. Ce qui explique que son scénario soit pour une large part dévolu à la description de la vie des cannibales. Pendant une longue, très longue, trop longue partie, le personnage principal se retrouve emprisonné par les cannibales, et assiste à leur vie quotidienne, les sacrifices (principalement d’animaux) occupant une large part. Le découpage d’un caïman s’inscrit en point d’orgue de ces pénibles minutes, dans lesquelles Robert Harper se fait pisser dessus par les gamins, se fait jeter des morceaux de bidoche, se bat avec un toucan et suite à un malentendu (il lui demandait de l’eau !) se fait masturber par Me Me Lai, laquelle revient dans la jungle après avoir été présente dans le Cannibalis de Lenzi… Sans aucun dialogue, sans aucune portée anthropologique crédible, sans aucun scénario, cette partie du film ennuie plus que de raison, et c’est à la seule force de la bonne volonté que le spectateur en viendra à bout. Le seul plaisir de Deodato semble être ses scènes animalières ainsi que la nudité des personnages. A ceux qui se demanderaient pourquoi le prisonnier n’a pas été consommé, une explication sera livrée par le personnage lui-même : l’ayant vu arriver en avion, les cannibales ont pensé que leur invité savait voler, et ils escomptent bien lui faire rééditer cet exploit. La belle excuse.

Quand il redémarre suite à l’évasion de Harper en compagnie de Me Me Lai, le film s’oriente vers un récit d’aventure qui, sans être palpitant, loin de là, a le mérite de sortir de la stagnation. Le scénario s’emballe, même si nous ne sommes pas loin du n’importe quoi : la jeune cannibale s’enfuit, se fait rattraper et violer par l’occidental. Cette scène est probablement la seule à annoncer le futur Cannibal Holocaust, autrement plus percutant. Dérangeante sur le coup, sa portée est annihilée dès la scène suivante, puisqu’après ce viol, Me Me Lai se sent propriété de Harper, et lui concocte des bons petits plats avec ce qu’elle trouve dans la jungle. Puis le joli couple retrouve Ralph, qui s’est construit une petite habitation dans une grotte, et c’est parti pour une traversée de la jungle à peine plus intéressante que la vie de Harper dans la geôle cannibale. Les personnages marchent, tirent des plans sur la comète, croisent la route d’animaux dangereux fort peu gracieusement montés dans le film à coup de stock shots pas raccord, et retombent sur les cannibales. Au final, une seule scène de cannibalisme sera montrée. Différente de celles de Cannibal Holocaust, elle manque cruellement de spontanéité. Deodato s’y attarde volontiers, décrivant tout le processus : le meurtre, l’éviscération, et, comble du raffinement, la cuisson de la viande. Car ces cannibales sont fins gourmets et font cuire les aliments avant de les manger. Tout ceci est certes assez gore, mais la volonté vaguement documentariste de Deodato l’éloigne de la sauvagerie qui sera la sienne dans son meilleur film. Ses personnages ont beau faire mine d’être poussés à bout, ils ont beau avoir eux-même recours au cannibalisme, rien ne génère le malaise. Avoir prétexté dans le générique de début que le film raconte une histoire vraie ne suffit pas à prendre le spectateur aux tripes. Le Dernier monde cannibale sent la fiction à plein nez, reste prévisible. La sculpturale Me Me Lai elle-même jure grossièrement avec les autres membres de sa soi-disante tribu.

Avec sa seule scène réellement gore, Le Dernier monde cannibale démontre si il en était besoin que l’impact de Cannibal Holocaust résidait moins dans ses débordements sanglants que dans son scénario et dans la façon dont le film était conçu. Sans ces éléments, le premier film de cannibales de Deodato apparaît très quelconque, et même au demeurant plutôt chiant.

Une réflexion sur “Le Dernier monde cannibale – Ruggero Deodato

  • Excellent film, tant par sa portée sociologique, son étude de confrontation entre 2 mondes aux antipodes, que par sa superbe musique qui baigne le film et cette magnifique histoire d’initiation et de reconquète de sa propre personne (l’homme doit retourner à l’état primitif pour se retrouver vraiment). L’ensemble baigne dans une grande tristesse, et le salutaire final finit par nous décrocher une larme. C’était bôôôô. Le plus beau film du genre, le mieux raconté, le mieux interprété…bien au-dessus du un peu vulgaire et opportuniste ‘Canibal holocaust”.

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