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Le cri du cormoran, le soir au dessus-des jonques – Michel Audiard

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Le Cri du cormoran, le soir au-dessus des jonques. 1970

Origine : France 
Genre : Comédie 
Réalisation : Michel Audiard 
Avec : Michel Serrault, Bernard Blier, Paul Meurisse, Marion Game…

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Lassé de ne pas vivre aussi bien que Laurence Olivier, Alfred Mullanet (Michel Serrault) décide, solennel, de “prendre un pari avec la vie”. Il se lancera dans une quête éffrenée à l’argent, direction le turf. Ayant misé une fois de plus sur le mauvais cheval, il partira de l’hippodrome tête basse, mais aura la joie d’être kidnappé par Monsieur K (Bernard Blier) et ses hommes, décidés à l’envoyer dans un cercueil à Istanbul avec un beau costume que l’on devine rembourré avec de l’argent. Mais le gang de Kruger (Paul Meurisse) met la main sur le faux macchabé avant qu’il n’ait quitté le territoire. Pour Alfred, ce sera le début d’une longue aventure faite d’évasions, de reprises et de retournements de vestes…

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Le Michel Audiard réalisateur ne s’est pas montré très prolifique. Neuf films en tout et pour tout, avec des succès commerciaux étonnamment restreints (encore un coup de la Nouvelle Vague !). Et pourtant, ce n’était pas les qualités qui manquaient à ses réalisations aux titres saugrenus, comptant toujours en leur sein une brochette d’acteurs admirables. Dans Le Cri du Cormoran…, nous retrouvons donc des habitués d’Audiard : Jean Carmet, Robert Dalban, et puis bien sûr l’indispensable Bernard Blier. Quelques nouveaux débarquent également chez Audiard, et pas des moindre : Michel Serrault, Paul Meurisse, Romain Bouteille, Carlos, ainsi qu’un Gérard Depardieu dont il s’agit du premier film. Comme d’habitude chez Audiard, tous ces acteurs se voient offrir des dialogues aptes à motiver leurs talents d’interprétation pour des rôles taillés pour la personnalité de chacun. Tous font merveille dans cet exercice : Jean Carmet dans la défroque d’un sympathique homme à tout faire, Michel Serrault dans celle d’un raté jouant les précieuses, Bernard Blier dans la peau d’un gangster monolithique, Paul Meurisse dans celle d’un gangster aristocratique… Tous les personnages sont remarquables, y compris les seconds rôles, comme Gérard Depardieu, jeune homme de main débile et sadique, ou comme un tandem de flics bourrés joués par Romain Bouteille et Michel Modo. Étant parcouru de personnages de ce calibre, dont les différences de caractère donnent naissance à des oppositions explosives, Le Cri du cormoran ne peut dès lors être qu’un bon film. Mais ses qualités ne s’arrêtent pas aux dialogues, loin de là : la quête à la richesse d’Alfred Mullanet le conduit à des mouvements incessants à travers Paris, de péripéties en péripéties, le tout avec une fluidité exemplaire (à l’image de la gouaille des acteurs) et un sens de l’absurde très poussé. Ce rythme très énergique, prenant ses distances avec les possibilités physiques, n’est pas sans évoquer le théâtre à la française, le café-théâtre. Tout reste possible à n’importe quel moment, et Audiard ne se prive pas pour balancer des retournements de situations complétement surréalistes, obligeant par exemple Alfred à jouer aux dés avec deux petites pestes lui ayant volé sa précieuse veste, l’envoyant dans une soirée afro où un certain Monsieur Boubou lui prêtera sa chemise tropicale, et amenant une voiture de police à patrouiller dans les couloirs d’un immeuble… L’absurdité des situations se fait aussi importante que l’impertinence des dialogues, et Audiard en profite pour se moquer indistinctement de tout et tout le monde aux détours de scènes arrivant souvent comme des cheveux sur la soupe: le milieu des gangsters, les flics, les turfistes, les femmes (toutes nymphomanes !), les communautés, les enfants, les travailleurs… Une orientation que n’avait certainement pas dû prévoir Evan Hunter, romancier derrière Graines de Violence, scénariste à l’origine des Oiseaux de Hitchcock, qui voit là un de ses livres “audiardisé”.

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Quand au fameux cri du cormoran, le soir au-dessus des jonques, il sera évoqué à la fin du film, dans une scène surréaliste dans laquelle Bernard Blier, sortant de ses allures monolithiques, s’en ira imiter le fameux cri… Ultime surprise d’une comédie vivifiante, typique du cinéma d’Audiard. A noter également un agréable générique de début sous forme de dessin animé, préfigurant la totale fantaisie qui s’ensuivra pendant une heure vingt.

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