CinémaThriller

La Queue du scorpion – Sergio Martino

queuescorpion

La Coda dello scorpione. 1971

Origine : Italie / Espagne 
Genre : Giallo 
Réalisation : Sergio Martino 
Avec : George Hilton, Anita Strindberg, Luigi Pistilli, Alberto de Mendoza…

Catastrophe aérienne : un avion explose entre Londres et Tokyo. A son bord, Kurt Baumer, légataire d’une assurance vie d’un million de dollars. Sa femme Lisa est plutôt satisfaite de l’affaire : le pactole -à récupérer à Athènes- va lui permettre de passer des jours heureux en compagnie de son amant. Suspectant une fraude, la compagnie d’assurance dépêche sur place l’agent Peter Lynch (George Hilton) pour voir si par hasard la veuve n’aurait pas elle-même provoqué l’accident d’avion. Interpol fait de même et envoie l’agent John Stanley (Alberto de Mendoza). Enfin, le million de dollar attire la convoitise de Lara Florakis, la maîtresse de feu Kurt Baumer, prête à tout pour récupérer ce qu’elle considère être son dû. Quand Lisa Baumer sera retrouvée assassinée et son argent dérobé, Lynch et Stanley, rejoints par l’inspecteur Stavros (Luigi Pistilli), suspecteront aussitôt Lara. Elle aussi sera assassinée. Mais que se passe-t-il donc à Athènes ?

Lorsqu’il réalise La Queue du scorpion, Sergio Martino est encore un tout jeune réalisateur. A peine s’était-il lancé dans le western avec Arizona se déchaîne que les pistoleros commencèrent à tomber en désuétude au profit des tueurs gantés. Le giallo débutait son essor, et Martino fut donc amené à réaliser L’Étrange vice de Mme. Wardh, avec Edwige Fenech, George Hilton et Alberto de Mendoza. Si la première ne reviendrait que pour son troisième giallo, L’Alliance Invisible, Martino reprit les deux autres pour son second essai : La Queue du scorpion. Il lui fallut tout de même une héroïne, ingrédient indispensable à tout giallo qui se respecte. C’est à Anita Strindberg qu’échut donc le rôle de Cléo Dupont, photographe amourachée de l’agent Peter Lynch, rencontré par un heureux hasard sur le lieu du crime de Lisa Baumer. Une bien maladroite façon d’amener un personnage principal dans le récit. Du reste, ce personnage de Cléo est un véritable paradoxe : bien que Martino se focalise beaucoup sur elle, elle n’a aucune justification dans l’intrigue… Même lorsque le meurtrier s’en prend à elle, les nombreux policiers se demandent bien quelles peuvent être ses raisons. Cléo est photographe et n’a aucune raison de s’attarder sur l’enquête. Sa présence et surtout l’attention que lui accorde le réalisateur, quitte à la placer dans des situations déconnectées de toute logique, apparaissent comme des artifices tirant de force le film vers une route sur laquelle il ne se dirigeait pas, celle du giallo. Durant sa première moitié, La Queue du scorpion ressemble bien davantage à un film policier classique qu’à un giallo. A quelques scories près, l’enquête est menée sérieusement par le trio d’enquêteurs, qui s’intéressent aux mobiles de chacun des suspects en suivant des cheminements déductifs frappés au coin du bon sens. Le fameux stylisme propre aux gialli fait également défaut, et le film s’ancre dans un réalisme tout prêt de virer au cliché sur la Grèce : les ruines antiques, les danseuses de sirtaki, la mention de Platon et de Homère (auquel l’anglais Peter Lynch ne manque pas de répliquer par du Oscar Wilde)… Le tueur lui-même n’agit qu’avec parcimonie, dans des scènes plutôt basiques. Pour autant, tout cela n’est pas tout à fait désagréable : Martino est appliqué, travaille ses mouvements de caméra et ses éclairages, et le scénario (signé par l’inévitable Ernesto Gastaldi) reste solide et préserve suffisamment de zones d’ombre pour que le spectateur reste concerné. Du moins si l’on veut bien passer sur l’énormité du meurtre initial, à coup d’avion qui explose.

Et puis petit à petit, Martino s’emballe et verse dans un giallo d’école. Quoi de plus normal pour un jeune réalisateur ? Les apparitions du tueur ganté, vêtu de noir et adepte de l’arme blanche se font plus fouillées, les meurtres deviennent plus maniérés, plus colorés et même plus gores, témoin cette énucléation au tesson de bouteille. Même la recherche du criminel et de ses motivations commencent à devenir tortueuses jusqu’à un final paroxystique. Si la fascination exercée par les images peuvent captiver, Martino perd au passage la solidité scénaristique qui était la sienne, et les invraisemblances s’accentuent au gré des atermoiements du personnage de Anita Strindberg et des enquêteurs, qui pour le coup apportent une note comique bienvenue. Le tandem Luigi Pistilli / Alberto de Mendoza en deviendrait presque plus sympathique que les héros eux-mêmes, peu inspirés. C’est dire si il manque quelque chose à cette Queue du scorpion, bancale du fait d’un réalisateur hésitant à s’affranchir des codes imposés. En versant dans le giallo machination, Martino semble s’être lui-même forcé la main à plusieurs niveau, dont le plus évident reste le traitement du personnage d’Anita Strindberg et ses inévitables scènes de nu, qui tombent systèmatiquement comme des cheveux sur la soupe… Ou comme un bijou en forme de scorpion sur le théâtre d’un meurtre (histoire de justifier le titre). Même les mouvements de caméra tarabiscotés sentent parfois le superficiel : difficile de comprendre le pourquoi d’une anodine scène de bureau filmée avec une caméra penchée à 90 degrés. Fort heureusement, Martino est soutenu par la partition de Bruno Nicolai, aux accents parfois “goblinesques”. Cela ne suffit certes pas à palier les erreurs parsemant le film (surtout dans sa seconde moitié), mais c’est toujours un élément à porter au crédit du film. Un film manquant sérieusement d’âme. Un défaut peut-être imputable à un réalisateur recherchant encore son propre style, qu’il ne tarda d’ailleurs pas à trouver.

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