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La Meute – Franck Richard

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La Meute. 2010

Origine : France / Belgique 
Genre : Survival fantastique 
Réalisation : Franck Richard 
Avec : Émilie Dequenne, Yolande Moreau, Philippe Nahon, Benjamin Biolay…

Charlotte (Emilie Dequenne) roule au hasard au milieu de la campagne. Pour dissuader une bande de motards qui en a après elle, elle invite Max (Benjamin Biolay), un autostoppeur, à son bord.
Alors que les deux compagnons de route s’arrêtent dans un petit rade tenu par la Spack (Yolande Moreau), Max disparaît soudainement… C’est le début d’un étrange calvaire pour Charlotte.

Dernier rejeton en date du film de genre Français, La Meute est un film plutôt curieux. A l’origine de ce projet, il y a La Fabrique 2, anciennement La Fabrique de films, boite de production et de distribution française qui œuvre surtout dans le cinéma de genre, et milite activement pour les films de genre français. Pour ce film, les producteurs Vérane Frédiani et Franck Ribière misent tout sur un inconnu : Franck Richard, un « fanboy » lorrain, catapulté réalisateur après avoir signé le script de ce film. Il signe, pour sa toute première expérience derrière une caméra, un scénario plutôt intéressant et intriguant. En effet son histoire semble a la fois marquée par des éléments qui ont marqué le réalisateur (l’intrigue se déroule dans des décors miniers, qui témoignent du passé industriel de la lorraine, vécu par Franck Richard) et par des éléments qui dénotent manifestement avec la production « de genre » actuelle.
En effet le scénario se détourne volontairement du survival crasseux comme du torture flick extrême en enchaînant les péripéties qui feront passer le film d’un genre horrifique à un autre. Cette volonté de démarcation est plutôt salutaire puisque après les Haute tension, Frontière(s), Humains, Calvaire et le prochain Captifs (qui sortira à la fin du mois sur nos écrans) une certaine saturation commençait à se faire sentir. De même il semble vain de chercher à égaler les sommets atteints par A l’intérieur et Martyrs en matière de violence insoutenable.
C’est donc avec une certaine roublardise que le synopsis conduit tranquillement le spectateur vers le climax en passant par le cinéma fantastique et le film de siège. Tout commence pourtant de manière tout à fait classique, voire attendue : Une jeune fille seule, un autostoppeur mystérieux, une ferme décrépie, une disparition dans un couloir sombre… Tout cela n’est pas sans évoquer le Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper, devenu le mètre étalon dès qu’il s’agit de survival. Mais plutôt qu’un énième hommage déplacé, il faut y voir un procédé pour induire en erreur et surprendre le spectateur par un virage à 90 degrés vers le fantastique. L’intention est très louable, et ce basculement d’un genre à l’autre (qui aura encore lieu un peu plus loin dans le film) est toujours un procédé intéressant et dynamique, qui a le mérite de tenir le spectateur éveillé et de tisser des liens entre les différents genres à l’intérieur du film d’horreur.

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Ce procédé tend à donner à La Meute une teinte et une ambiance particulière. Atmosphère à laquelle semble tenir le réalisateur, tant les efforts fait en ce sens sont manifestes. Les décors notamment sont tout particulièrement soignés. En particulier la vieille baraque faite de planches et de bouts de tôles tenue par le personnage joué par Yolande Moreau. Sorte de saloon dans la plus pure tradition western, le rade est très curieux et évoque un bout de rêve américain totalement cliché perdu en pleine lorraine profonde et boueuse. Ce qui crée d’emblée une atmosphère d’étrangeté assez iconoclaste et totalement délicieuse.
La musique va également dans cette direction. Composée par des membres du groupe electro allemand Einstürzende Neubauten et du groupe noise new-yorkais Unsane, la bande son est composée de longues plages de guitares qui font très western, et de sons métalliques qui évoquent le monde industriel et les machines. Cette musique fait donc le pont entre des éléments issus du western et un quotidien gris et industriel. Elle créée ce faisant une ambiance assez proche de celle qu’on retrouve dans le cinéma de John Carpenter. Enfin, comme pour proclamer le coté underground de son film, le réalisateur y incorpore des morceaux rock composés par d’obscurs groupes français. Avec ce mélange nous tenons là une excellente BO qu’il sera très plaisant de réécouter.
Afin de parfaire l’ambiance de son film, le réalisateur peut enfin s’appuyer sur le très beau travail de son chef opérateur Laurent Bares (qui avait déjà travaillé sur A l’intérieur et Frontière(s)). En effet les éclairages sont plutôt joliment travaillés et le film soigne ses teintes dans un but d’efficacité (la couleur rouge notamment n’apparait à l’écran que lorsque les personnages saignent…)
En somme, tous les éléments à une ambiance particulière et réussie étaient réunis. Mais pourtant, force est de reconnaître que la sauce a plutôt du mal à prendre, et tous ces efforts, même s’ils restent largement visibles à l’écran, tombent quelque peu à plat. La faute à un rythme bien trop haché, qui, s’il sied à la dynamique narrative du récit, ne laisse pas de place à l’installation d’une ambiance. Les spectateurs qui souhaitaient avoir peur seront donc déçus.

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La violence du film, bien que présente, est très atténuée par le recours aux hors champs mais aussi à l’humour, et l’on sent clairement que montrer les pires atrocités n’était pas l’objectif du réalisateur. Voilà qui est plutôt rafraichissant après les sommets atteints dans l’insoutenable cinématographique que l’on a pu voir récemment.
L’intention du réalisateur est ici clairement de dénoter et de surprendre. On retrouve ce même état d’esprit dans l’utilisation du casting. En effet on remarque la présence de noms illustres et bien peu habitués au cinéma de genre, comme Yolande Moreau ou Emilie Dequenne. Le personnage incarné par Yolande Moreau surprend encore plus puisque c’est elle la méchante du film ! Si à coté de ces actrices, la présence de Philippe Nahon surprend moins tant l’acteur est devenu une des figures emblématiques du genre (on peut le voir dans Haute tension, Calvaire, Seul contre tous, Humains et prochainement dans La Saignée) son rôle est plus étrange, puisqu’il s’agit cette fois du gentil de service. Voilà qui est assez inhabituel, d’autant que son personnage (un vieux flic maladroit à la retraite) est digne d’une comédie.
Nahon n’est d’ailleurs pas le seul élément comique du film, dont le script regorge de bons mots et de répliques destinées à faire rire. D’autres personnages ont également un but clairement humoristique, comme les personnages du gang de motards assez stupides. Et bien, qu’il se défende d’avoir voulu réaliser une comédie (ce qui se voit dans le sérieux avec lequel les scènes d’horreur sont abordées) le réalisateur a cependant pris soin de truffer son film d’éléments comiques, qui viennent d’ailleurs adoucir la violence de certaines images (notamment le passage de la tête coupée) et désamorcer tout sentiment d’angoisse (ce qui n’était de toute façon pas le but du film).
Toutefois, ce mélange d’humour et d’horreur reste assez classique. Qui plus est les blagues et le ton potache sont amenés sans grande finesse. L’humour y étant par ailleurs assez bas de plafond, même si certains passages font mouche. Mais tout de même la balance entre horreur et comédie semble bien dosée et rapproche le film d’une certaine ambiance des années 80, que l’on retrouve notamment dans l’étonnant Motel Hell de Kevin Connor.

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Mais le vrai problème de la présence de cet humour, c’est le manque de cohérence qu’il introduit. Et cela se retrouve également dans ce passage d’un genre à l’autre. Tout ceci aura tendance à donner au film un aspect patchwork qui, même s’il dynamise beaucoup le rythme du métrage, nuit grandement à son atmosphère. Au demeurant, il y a de beaux restes et même si cet avec regret, le spectateur pourra tout de même admirer les décors et les lumières du film.
Autre point négatif, la lourdeur des hommages que le réalisateur introduit. Pourtant ces passages hommages sont fait avec subtilité et les films inspirateurs sont très nobles (principalement des Carpenter, on y trouve du Fog, Assaut, Vampires, etc.) mais la récurrence et l’importance que prennent dans le scénario ces hommages est plutôt dommageable, et là encore nuit à l’ambiance du film. Ceci l’empêche de se trouver une patte visuelle et scénariste vraiment inédite. Pourtant il y avait de l’idée, et notamment au niveau de l’utilisation des aspects les plus westerniens du cinéma de Carpenter.

A final, La Meute reste divertissant quoique plutôt inoffensif. A l’instar de Motel Hell auquel il ressemble beaucoup, le film de Franck Richard semble condamné à ne rester dans les esprits que comme une curiosité pleine de bonnes idées mais qui manque d’un petit quelque chose pour devenir véritablement marquante. Du reste, le film est animé par un esprit « série B » tout à fait sympathique qui donne vraiment envie d’être indulgent, et parions que les maladresses dont fait preuve le réalisateur ne sont dues qu’à son manque d’expérience.

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