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La Maison près du cimetière – Lucio Fulci

maisonpresducimetiere

Quella villa accanto al cimitero. 1981

Origine : Italie 
Genre : Horreur 
Réalisation : Lucio Fulci 
Avec : Paolo Malco, Catriona MacColl, Giovanni Frezza, Silvia Collatina…

Voici venu le dernier film de ce qui est considéré comme l’âge d’or de Lucio Fulci, qui en cette même année 1981 livra non seulement cette Maison près du cimetière, mais aussi l’un de ses films les plus appréciés, L’Au-delà. Cela un an après Frayeurs et deux ans après L’Enfer des zombies. Mais âge d’or ou pas, et indépendamment des oeuvres citées, il faut bien admettre que Fulci, comme bon nombre de ses collègues transalpins, a toujours su surfer sur les succès du moment. Ici, il s’attarde donc aux maisons hantées, et principalement au Shining de Kubrick à qui il emprunte le sujet d’une petite famille de trois personnes (un couple et un gamin) venant habiter une maison isolée de sinistre réputation. Le père est un scientifique venant reprendre le travail de son collègue suicidé portant sur feu le Dr. Freudstein, ancien propriétaire de la maison, qui fut radié de l’ordre des médecins au dix-neuvième siècle pour avoir pratiqué des expériences interdites. En même temps que son fils, qui aura affaire à une mystérieuse petite fille l’avertissant du danger qu’il court (un peu comme Tony le faisait avec le fils Torrence dans Shining, sauf qu’ici la gamine tient en même temps le rôle effrayant des deux fillettes mortes du chef d’oeuvre de Kubrick) et que sa femme, témoin de choses pas très rationnelles, il se rendra compte que les lieux sont encore sous l’influence de Freudstein.

Alors évidemment, on ne comptera pas les incohérences du scénario. Pourquoi rester dans une maison à ce point funeste et dangereuse ? Pourquoi l’entité qui est à l’oeuvre dans la maison prend-elle autant de temps pour parvenir jusqu’à ses proies, laissant parfois à celles-ci le loisir de s’échapper ? Pourquoi tout le monde continue inlassablement de descendre à la cave, alors que toutes les précédentes incursions dans cet endroit se sont mal terminées ? Autant de défauts qui ne jouent pas en faveur de Fulci, qui verse ainsi dans un travers classique du cinéma d’horreur, grande source de moqueries dédaigneuses pour les détracteurs du genre. On ne peut que concéder que ces errements nuisent tout de même au plaisir que l’on peut éprouver à la vision de La Maison près du cimetière. Mais malgré tout, une fois ces pillules un peu grosses avalées (et à moins d’arrêter le film, il n’y a pas d’autre choix), on peut constater que Fulci va bien au delà, et qu’il se livre une nouvelle fois à la transposition d’une atmosphère lovecraftienne, peut-être plus encore que dans Frayeurs ou L’Au-delà. Le secret de la maison est ici à la base de tout, et la maison près du cimetière (titre lovecraftien s’il en est) est sans aucun doute assimilable à la maison de la sorcière mentionnée dans les écrits de l’écrivain misanthrope de Providence. Il y a d’abord le fait que l’intrigue se situe en plein milieu d’une forêt déséspérement morte, automnale voire hivernale, pleine d’arbres sans feuillages, et qu’elle se trouve non loin d’un cimetière abritant une tombe factice. Il y a aussi le héros, qui comme pratiquement tous les héros de Lovecraft est un chercheur sur la piste d’un terrible secret qui, via des découvertes horribles et des rencontres morbides (l’ambigüe baby sitter) aura de fortes chances de l’emmener vers la mort, comme son collègue et prédécesseur. Enfin, il y a la maison en elle-même, avec sa tombe au milieu du salon et sa cave mystérieuse, barricadée jusqu’à l’arrivée de cette famille cherchant décidemment les emmerdes. Fulci, si il n’a pas fait attention à la crédibilité de son scénario, l’a en revanche façonné de telle manière que les manifestations surnaturelles aillent crescendo, allant des traditionnels sanglots enfantins à un final très explicite (peut-être trop pour le coup, la figure du mal lovecraftienne en prenant un petit coup au passage).

En ayant recours à une bande originale légère et macabre, à une photographie épurée et grise et à des mouvements de caméras fluides et assez lents, il créé un véritable climat de tension voire de frayeur qui parvient aisément à compenser certains effets plutôt mal venus (la bande son qui quand elle s’emballe souligne trop violemment ce qu’elle illustre). Il ne se privera pas pour autant de verser généreusement dans le sanguinolent, en cadrant au plus près les plaies béantes parfois assez dégueulasses (les entrailles de la créature finale, qui ressemblent à de la merde), mais sans non plus en faire l’objectif premier du film. Au contraire, Fulci semble le conceptualiser, lui faisant prendre une tournure bien moins gratuite qu’il n’y paraît. Le réalisateur est fasciné par les entrailles, et ce n’est pas un hasard si la cave, au début du film inaccessible, est au coeur de tous les évènements cauchemardesques qui se dérouleront. La réalité est ainsi faite que si la maison est fondée sur sa cave, théâtre des expérimentations sauvages du Dr. Freudstein, le corps humain est lui aussi en vie grâce à des choses peu ragoutantes. Fulci donne ainsi au sang toute une connotation poètique morbide, et c’est l’un des seuls cinéastes à réussir à rendre le gore effrayant. Il illustre également au passage les raisons profondes de l’aversion infantile (l’enfant est le personnage le plus concerné de tous) pour les caves, endroits introspectifs plein de secrets pas forcément très agréables à voir.

Une telle démonstration du talent de Fulci valait bien quelques incohérences, et La Maison près du cimetière peut sans doute être classée parmi les meilleurs films du réalisateur. Son style assez simple tranche avec les ambitions plus élevées de Frayeurs et de L’Au-delà, mais dans le fond, Fulci reste fidèle à ces deux oeuvres et les complète d’une manière habilement différente, sans se répéter.

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