CinémaPolar

La Dernière cavale – Kiefer Sutherland

 

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Truth or consequences N.M.. 1997.

Origine : États-Unis
Genre : Road-movie
Réalisation : Kiefer Sutherland
Avec : Vincent Gallo, Kim Dickens, Kiefer Sutherland, Mykelti Williamson, Kevin Pollak, Grace Phillips.

Seulement huit mois après sa sortie de prison, Ray se lance dans un coup fumeux : voler une valise pleine de drogue au type pour qui il a fait de la taule, puis la refourguer pour ensuite vivre heureux au Mexique avec Addy, sa bien aimée. Accompagnés de deux autres larrons, Curtis et Marcus, ils pénètrent un beau jour dans la boutique où se trouve la dope, et en ressortent quelques minutes plus tard avec la marchandise prévue, mais aussi une bonne dose d’emmerdements suite à un carnage imprévu. La cavale peut commencer.

Kiefer Sutherland a eu une vie avant Jack Bauer. Une vie plus connue pour ses aspects extra professionnels que par les divers rôles qu’il a interprétés. En dépit d’un nom célèbre, il débute discrètement en participant à quelques bons films de cinéastes prometteurs (Stand by me de Rob Reiner, Comme un chien enragé de James Foley), pour ensuite incarner des premiers rôles dans diverses panouilles (L’Expérience interdite, ou bien Les Trois mousquetaires version Disney). En tant que réalisateur, il se fait tout aussi discret puisqu’il effectue ses premiers pas à la télévision, notamment en réalisant un épisode de la série Fallen angels. Pour sa première incursion sur grand écran en qualité de réalisateur, Kiefer Sutherland ne fait pas preuve d’une plus grande ambition. Il convoque des figures classiques pour un road movie au croisement du polar et du western. Muni d’un modeste budget, il adapte à l’écran un scénario des plus passe-partout sur l’air connu du dernier coup avant la quille.

Dès les premières scènes, nous nous doutons que ce n’est pas pour sa qualité d’écriture que ce scénario a été choisi. Par exemple, la présence de Marcus au sein du groupe ne cesse d’intriguer, dans la mesure où il n’a de liens avec aucuns des trois autres comparses. Qui plus est, pour un coup qui s’annonçait facile, il n’apparaissait pas nécessaire d’être aussi nombreux. Enfin, si Ray parvient à composer avec sa présence, nous pouvons bien en faire autant. En fait, le principal atout du script de Brad Birman réside dans ses emprunts au style en vogue de l’époque, le style Tarantino. En seulement deux films, Quentin Tarantino a instauré un style à base de longues joutes oratoires et de violences décomplexées. La Dernière cavale reprend ces éléments à satiété, sans craindre le copier-coller. Ainsi avons-nous droit à une scène de torture en musique, qui nous renvoie directement à Reservoir Dogs, Martin Sheen succédant à Michael Madsen. Connaissant les aptitudes au recyclage de Quentin Tarantino, il n’est pas impossible que cette scène sentît déjà le réchauffé à l’époque de son premier film. Pour le reste, nos quatre compères parlent beaucoup pour ne rien dire, avec forces gesticulations. Dans ce domaine, la palme revient à Vincent Gallo (Ray), dont l’extrême nervosité se marie mal avec son statut de tête pensante du groupe. Une nervosité contagieuse qui s’étend à Marcus, de plus en plus mal à l’aise au fil du récit. Et pour cause puisque nous apprenons rapidement qu’il s’agit d’un flic en mission d’infiltration. Voir des collègues à lui se faire copieusement arroser de plomb à l’issue du coup foireux lui a été très pénible. Malgré tout, il poursuit sa mission en tâchant d’éviter d’autres bains de sang. Sa présence aux côtés de Ray et Curtis renforce le manque d’envergure de ces deux perdants, même pas fichus de recruter convenablement leurs associés. Ray se montre incapable de contrôler la situation, alors que Curtis se contente de tirer dans le tas, sans jamais réfléchir aux conséquences. Le titre français insiste sur l’aspect désespéré de leur combine, ultime tentative pour prendre un nouveau départ, et vouée à l’échec dès le début.

Bien qu’il soit question de fuite –aux forces de l’ordre s’ajoutent des mafieux suite à la mort du parrain Vago- Kiefer Sutherland mène son récit sans se presser et avec une certaine nonchalance. En cours de route, les quatre fuyards réquisitionnent un camping-car et prennent en otages le couple qui l’occupait. Cela lui offre l’occasion de multiplier les scènes dialoguées et de complexifier quelque peu les rapports entre les personnages, l’homme du couple éprouvant une fascination grandissante pour ces hors-la-loi. Lui qui trime pour un salaire de misère, est séduit par ces hommes sans peur qui peuvent gagner une fortune en un rien de temps. D’otage, il serait tout disposé à devenir complice, au contraire de sa compagne, qui souffre de voir l’homme qu’elle aime révéler une facette de sa personnalité aussi détestable. Dans sa grande mansuétude, le scénariste permet une rapide remise en question de cette victime du syndrome de Stockholm. Après avoir laissé libre cours à une violence gratuite, il se rachète une conduite lors de la fusillade finale en sauvant la vie de sa copine, et par là même, son couple. La réhabilitation par les armes, il fallait y penser.

Kiefer Sutherland réalise un drôle de film qui a le cul entre deux chaises, à l’image de Marcus. Si, pour une bonne part, La Dernière cavale se réclame de la veine “tarantinesque” du polar, par bien des aspects, ce film évoque aussi les polars des années 60-70. Il y a un petit quelque chose de Bonnie et Clyde chez Addy et Ray. Un amour que rien ne fragilise, pas même les nombreux cadavres qui jonchent le chemin de leur fuite éperdue. Le monde peut bien disparaître, tant qu’ils sont ensemble, tout baigne. L’ombre du grand Sam Peckinpah plane également sur le film, notamment celui de Guet-apens, et pas seulement pour les fusillades agrémentées de quelques ralentis. Comme chez Bloody Sam, le Mexique fait figure de terre d’asile, un véritable eldorado pour qui veut commencer une nouvelle vie. C’est dans cet hommage aux aînés que La Dernière cavale s’avère le plus réussi. Dommage, cependant, que les principaux personnages soient esquissés si sommairement. Au milieu de personnages si fades, Kiefer Sutherland, dans la peau du psychopathe Curtis, n’a aucun mal à tirer son épingle du jeu et à éclipser ses partenaires. Qu’il se laisse aller à danser alors que la mort leur pend au nez, ou qu’il ne comprenne pas que tout le monde lui en veuille d’avoir déclenché un massacre, et c’est l’image de son père, véritable taré du septième art, qui se substitue à lui. Que cela soit volontaire ou non, son interprétation a dû rendre fier son papa. En tout cas, elle aura au moins permis de sauver le film de l’ennui.

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