CinémaDrame

La Corne de chèvre – Metodi Andonov

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Козият рог. 1972

Origine : Bulgarie 
Genre : Drame, rape and revenge 
Réalisation : Metodi Andonov 
Avec : Katya Paskaleva, Anton Gorchev, Milen Penev, Todor Kolev…

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L’histoire, nous prévient une incrustation en début de film, se déroule au 17eme siècle (Où ? Certainement en Bulgarie, mais on n’aura plus aucune explication par la suite). Un chevrier quitte sa femme et sa fille pour s’en aller amener son troupeau aux alpages (mais dans les Balkans). Profitant de son absence, quatre personnages patibulaires, que l’on supposera par la suite être des potentats turcs (la Bulgarie gémissait alors sous le joug ottoman), surgissent de nuit chez le chevrier et viole sa femme (en gardant leurs pantalons) sous les yeux de la fillette. La femme est tuée accidentellement, en essayant de la faire taire, et les agresseurs prennent la fuite. Prévenu par un garçon qui a vu les turcs attaquer la ferme, le chevrier arrive trop tard et ne peut que constater les dégâts. Prit d’une rage froide, il met le feu à sa maison et s’enfuit avec sa fille dans son chalet d’alpage promettant de se venger. Neuf ans plus tard sa fille est devenu une belle jeune femme… enfin disons une femme, habillée et élevée comme un garçon et entraînée à se battre. La vengeance peut enfin commencer (et ce n’est pas trop tôt).

Ce film commence comme un « rape and revange » (enfin d’un point de vue thématique, parce que le viol et les meurtres sont « tout public ») et s’achève comme une tragédie grecque. Dit comme ça, ça fait envie. Seulement voila, est-ce le décalage entre le scénario (très drame shakespearien) et son traitement (“néoréaliste” avec 25 ans de retard), mais je me suis copieusement emm… pardon ennuyé et j’ai trouvé ce Corne de chèvre raté (oui, car il m’arrive de m’ennuyer devant un film tout en lui trouvant de grandes qualités, ce qui ne fut pas le cas ici). Pourtant j’avais un préjugé extrêmement favorable, du fait de l’excellente réputation de la chose et son statut de rareté presque invisible hors de son pays d’origine. Un film quasi expérimental ai-je pu lire ici ou là. Mouais peut être, sauf que ce genre d’expérimentation, De Sica ou Rosselini le faisaient déjà en 1946 et avec plus de talent.

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Tiré d’une courte nouvelle bulgare de Nikolai Haitov, qui en assura l’adaptation, ce film est, aussi surprenant que cela puisse paraître, le plus grand succès public du cinéma bulgare (à sa sortie plus du tiers de la population est allé le voir en salle). Surprenant car il s’agit d’un film austère et minimaliste, en noir et blanc, avec très peu de dialogue et presque aucune musique (à part une courte mais immonde “world music” à la cornemuse et un chant polyphonique bulgare à une seule voix, du monophonique en quelque sorte). Un film plutôt calibré pour les festivals internationaux. Reste à savoir si ce minimalisme est totalement volontaire ou dû à des contraintes de budget et aux limites « techniques » du réalisateur ? Au vu de la mollesse de toutes les scènes d’actions et des trous dans la narration (le violeur chauve s’est il fait “buter” ou pas ?) d’une histoire pourtant d’une rare simplicité, j’opterais plutôt pour la dernière proposition. On ne saura d’ailleurs jamais si Metodi Andonov était un grand metteur en scène en devenir, puisqu’il décédera prématurément 2 ans et un film plus tard à seulement 42 ans.

Quoiqu’il en soit, je n’ai pas la prétention d’avoir meilleur goût que 3 millions de Bulgares et c’est sans doute moi qui ai tort. Il est possible aussi que l’histoire contée ait une résonance dans leur imaginaire collectif qui forcément m’échappe. Et puis tout n’est pas négatif, en particulier le jeu des deux acteurs principaux, surtout celui de l’héroïne, Katya Paskaleva, particulièrement habitée par son rôle et qui deviendra grâce à ce film la star féminine du cinéma bulgare avant de mourir à 56 ans d’un cancer. De même certaines scènes sont assez réussies, plus grâce aux interprètes et aux « décors » que grâce à la mise en scène, celle de la fête campagnarde en peaux de bêtes en particulier, et le dernier violeur à se faire trucider ressemble à Emir Kusturica (c’est vous dire si j’ai été content qu’il y passe). Bref, remonté, ça aurait pu faire un bon court métrage, mais en l’état, non.

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Une réflexion sur “La Corne de chèvre – Metodi Andonov

  • Mélina Coqueret

    Bonjour
    Je lis votre commentaire à l’instant.
    J’avoue que je suis heureuse d’avoir pu avoir un avis.
    Installée depuis 3 mois en Bulgarie, j’ai voulu découvrir un film emblématique du pays.
    Je vous trouve un peu sévère dans votre critique. Ce film bulgare a certainement été réalisé avec un tout petit budget, et ceci n’est pas un argument vain pour expliquer certains aspects minimalistes. Et justement ! Malgré cet aspect indéniable, je trouve que ce film réussit à faire passer beaucoup d’émotions. La relation père-fille est abordée de façon pudique mais intense….je pense à cette scène où les deux sont allongés l’un près de l’autre (elle est encore une enfant) et où ils se regardent en tournant la tête chacun à leur tour…
    J’ai aimé ce film parce qu’il véhicule une sensibilité identitaire. Pudeur, brutalité mêlée à une profonde sensibilité.
    Quant au message, évidemment, il est assez “cliché” mais à travers ces images, on mesure la tragédie humaine et la folie du désespoir.
    Finalement à des intentions foncièrement différentes , un même résultat !

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