CinémaScience-Fiction

La Bataille de la planète des singes – J. Lee Thompson

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The Battle for the Planet of the Apes. 1973.

Origine : États-Unis
Genre : Fin d’un monde
Réalisation : J. Lee Thompson
Avec : Roddy McDowall, Claude Akins, Lisa Trundy, Severn Darden…

A la suite du soulèvement des singes initié par César, les hommes ont riposté de la manière la plus radicale qui soit : la guerre nucléaire. Désormais, le monde tel que nous le connaissions n’est plus. Tout a été dévasté. Avec une poignée de survivants, dont des hommes, César a constitué une société qui essaie de prôner l’égalité entre les espèces, même si cela ne va pas sans heurts. Le Général Aldo, chef gorille de l’armée de César, voit d’un mauvais œil la proximité des humains, contre lesquels il multiplie les provocations. Il rêve secrètement de supplanter César, lequel, par son besoin de renouer un lien avec ses parents défunts, est proche de mener sa fragile société à sa perte. En se rendant dans les décombres de la ville voisine pour entendre les propos enregistrés de ses parents lors de leur comparution devant le congrès en 1973, César attire l’attention des survivants humains qui prennent sa venue comme une provocation. Son geste inconsidéré pourrait bien mettre un terme à 12 années de paix.

Parce qu’il fallait bien boucler la boucle un jour ou l’autre, il revient à ce cinquième opus de clore définitivement la saga. Il y aura bien une série télévisée produite l’année suivante mais celle-ci s’inscrira davantage en marge de la saga plutôt que dans sa continuité. En outre, son manque d’audience entraînera une fin brutale qui n’aura pas permis à ses instigateurs d’aller au bout de leurs intentions. Et lorsque l’on évoque la fin d’une saga, on pense généralement à une conclusion en apothéose, ce que le titre de ce cinquième épisode laisse augurer. Or ladite bataille du film ne constitue en rien son climax, étant reléguée au rang de simple péripétie. Les amateurs de combats sanglants, d’explosions en tous genres et d’actes de bravoure en seront donc pour leurs frais. En même temps, le spectaculaire n’ayant jamais été le credo de la saga, hormis peut-être pour La Planète des singes, son absence ne devrait déconcerter personne. En réalité, la bataille du titre se joue à un autre niveau, dont la traduction française en occulte la réelle teneur. Dans sa version originale, le titre du film fait état d’une bataille pour la planète des singes. Autrement dit, se disputent ici deux conceptions du devenir de la société dans ce monde post-apocalyptique : celle de César et celle d’Aldo.

Pour César, il ne fait aucun doute que ce monde nouveau ne doit pas reproduire les mêmes erreurs que par le passé. Si la violence fut nécessaire pour libérer son espèce du joug des hommes, il se refuse à ce que son pouvoir repose sur elle, ne souhaitant pas diriger sa communauté par la terreur. Ainsi, il relègue les armes à feu à l’armurerie, placée sous la garde du sage Mandemus, investi du rôle de sa bonne conscience. Seul César est habilité à aller demander des armes, et encore doit-il pour cela subir un questionnaire pointilleux, source d’échanges non dénués d’humour entre les deux singes. Et si une armée existe, constituée exclusivement de gorilles, celle-ci ne dispose pour tout armement que de sabres, et sa principale activité consiste à surveiller les alentours pour prévenir le camp d’éventuelles intrusions d’hommes mal intentionnés. A l’origine, le scénariste Paul Dehn envisageait de montrer César s’ériger en dictateur, idée dont il ne reste rien à l’écran. Au contraire, César s’impose d’emblée comme un chef juste, mû par une forte volonté d’œuvrer pour le rapprochement entre les singes et les hommes, même s’il ne peut s’empêcher de cultiver une certaine défiance à leur égard, dont il fustige leurs pulsions autodestructrices. A ce titre, il édicte comme principe absolu qu’un singe ne doit pas tuer l’un de ses semblables, preuve de “l’humanisme” qui sous tend son action. Toutefois, César n’est pas un personnage fait d’une seule pièce. Il doute du bien fondé de son action, se remet constamment en question et reste à l’écoute des autres, principalement Virgil son ami scientifique (incarné par le futur Swan de Phantom of the paradise, Paul Williams), mais aussi de certains humains, en l’occurrence MacDonald. Pas le conseiller du gouverneur Breck, croisé lors de La Conquête de la planète des singes, mais son frère, archiviste dans la même ville, qui jouit d’un statut spécial auprès de César en vertu de son savoir. Mais tout spécial qu’il soit, son statut ne permet pas à MacDonald de siéger au conseil, lieu strictement interdit aux humains. Bien qu’il prône la cohabitation entre les singes et les hommes, César n’est pas complètement disposé à intégrer ces derniers aux décisions du conseil. De fait, il nourrit le sentiment de supériorité des singes sur les humains, sentiment qui dicte la conduite méprisante à l’excès du Général Aldo.

Dans son ensemble, la saga de La Planète des singes se caractérise par un fort sentiment antimilitariste et antiraciste qui colle parfaitement à son époque. Par son bellicisme borné, le Général Aldo incarne toute la bêtise de ces va-t-en-guerre persuadés de leur toute puissance et aveuglés par leur haine de l’autre. Il est l’exact opposé d’un César, ne se posant aucune question et fonçant tête baissée dans la voie qu’il s’est choisie : réduire l’espèce humaine à néant. Il est en quelque sorte une projection simiesque du gouverneur Kolp, tous deux partageant ce même désir de destruction de l’espèce honnie. Par leur entremise, hommes et singes renvoient une même image de bêtise crasse fondée sur l’intolérance. Dommage que pour limpide qu’il soit, le discours cède trop à la caricature en ce qui les concerne, même si contrairement au gouverneur Kolp, le Général Aldo trouve un regain d’épaisseur lors du véritable climax du film, un duel sur la cime d’un arbre à l’animalité prégnante entre César et lui. Portée par la musique tribale de Leonard Rosenman, cette scène renferme toutes les intentions du film, illustrant la mince frontière qui existe entre humanité et animalité, et la facilité avec laquelle on peut basculer de l’une à l’autre. C’est là, dans ce genre de scène sans esbroufe, parcourue d’un souffle intimiste que cette Bataille de la planète des singes révèle toute sa valeur. Et John Lee Thompson de s’y montrer bien plus inspiré que pour la mise en place de l’affrontement à grande échelle entre les singes et les hommes, preuve que la saga n’est jamais plus efficace que lorsqu’elle touche au cœur.

Abusivement considéré comme le vilain petit canard de la saga (pour ma part, je citerais plus volontiers Le Secret de la planète des singes à la place), La Bataille de la planète des singes s’avère un spectacle plaisant, jamais pompeux en dépit de ses intentions humanistes, et qui clôt l’histoire de manière cohérente. Usant de nombreuses ficelles issues de la littérature de science-fiction, cette saga est néanmoins parvenue à créer un univers relativement homogène et d’une grande richesse, qui encore aujourd’hui pourrait en inspirer plus d’un. Alors en dépit de moyens pas toujours à la hauteur, la saga de La Planète des singes demeure encore aujourd’hui un bel exemple de science-fiction populaire réussie.

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