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L’Éventreur de New York – Lucio Fulci

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Lo Squartatore di New York. 1982

Origine : Italie
Genre : Giallo
Réalisation : Lucio Fulci
Avec : Jack Hedley, Almanta Suska, Howard Ross, Alexandra Delli Colli…

Une vague de meurtres frappe New York. Les victimes sont toutes de belles jeunes femmes, sauvagement éventrées. Le Lieutenant Williams enquête, avec l’aide d’un psychologue spécialisé en comportements psychopathes. Devant leur échec, le tueur viendra les narguer et contactera Williams au téléphone, prenant une étrange voix de canard…

En apparence, L’Éventreur de New York a tout du giallo classique, transposé dans les bas-fonds de New York suite au succès de Maniac. Effectivement, Fulci reprend beaucoup des ingrédients de base (des stéréotypes ?) du giallo, tout comme il se rapproche du film de William Lustig. Aux premiers, il reprend l’inévitable tueur inconnu narguant la police par téléphone et affichant une particularité pour le moins incongrue (sa voix de canard, ressemblant plus ou moins à celle du tueur de l’excellent Black Christmas de Bob Clark). Les meurtres sont eux aussi dignes des gialli, avec arme blanche et filles à poil. Même les défauts sont retenus : plusieurs grosses incohérences (les flics qui devinent que le tueur est d’une “intelligence supérieure” tout ça parce que ses meurtres sont soit-disant élaborés), des facilités scénaristiques (comme d’habitude, la police a toujours un train de retard et le tueur peut escompter occire une bonne demi-douzaine de greluches avant de se faire prendre), et même la révélation finale portant sur l’identité du tueur, qui comme d’habitude est l’homme que rien ne semblait incriminer, et qui a sombré dans la schizophrénie suite à un traumatisme indirectement lié à l’enfance. Quand à Maniac, Fulci en emprunte le contexte du New York putride et pervers, quand il ne reprend pas le principe entier de certaines scènes (la poursuite dans le métro).

Vu comme ça, L’Éventreur de New York n’a rien qui le distingue du premier giallo venu. Mais comme souvent, d’un script plutôt limite, Fulci réussit à extraire le maximum. Ainsi, l’érotisme de son film n’est pas un érotisme commun relevant de la simple exploitation : ll se fait bien plus pervers qu’à l’accoutumé. Passons sur la symbolique du couteau / phallus, certes assez sadique mais pour le coup assez traditionnelle (on pense notamment à Mais qu’avez vous fait à Solange ?), et regardons plutôt les femmes du film. Entre cette cycliste en mini-short prompte à la répartie grossière, entre cette pute très professionnelle, entre cette employée de peep show qui s’ébat en public, toutes des salopes, serait-on tenter de dire. Fulci n’y va pas avec le dos de la cuillère, et l’agressivité sexuelle de ses actrices contribue à faire de cette partie de New York un des hauts-lieux du vice. Mais la plus notable de ces futures victimes est une bourgeoise vicieuse aimant à se promener dans les quartiers pauvres pour se faire taquiner par plusieurs loubards tout en jouant les offusquées, ou qui aime à se faire menotter par un inconnu dans un hôtel miteux. Fulci s’attarde beaucoup sur elle, à tel point que l’on est tentés de croire qu’il s’agit là de l’héroïne du film, chose qui sera contredite plus tard. Une autre jeune femme prendra le relais, sans pourtant être aussi marquante que celle-là… Le film est ainsi plein de fausses pistes, et au final, il n’y aura pas de héros : le monde décrit est homogène, tout le monde peut mourir.

Fulci ne se contente pas de placer de la nudité ou du sexe, il les entoure de contextes plutôt sordides, dans des endroits mal famés, et il use d’une mise en scène sophistiquée, plus digne d’un film érotique de luxe que d’un simple boulard bassement explicite. A l’inverse d’un slasher quelconque, ses personnages féminins ne sont pas des jeunes qui passent le temps en galipettes : ce sont des adultes sachant très bien ce qu’elles font, sérieuses et certaines véritablement nymphomanes. Les hommes du film, eux, sont du même acabit, tout aussi pervers mais moins provocants. Le flic chargé de l’enquête lui-même est un habitué des prostituées… La norme de L’Éventreur de New York est celle-ci, celle du sexe glauque. Les personnages n’en sont pas forcément fiers, mais au moins restent ils honnêtes envers eux-mêmes et fréquentent un monde bien vivant. Fulci ne les condamne certainement pas. Au contraire, le tueur sera quelqu’un de socialement beaucoup plus respectable, et sa quête meurtrière prendra des allures de vengeance sur un fait (son mobile) l’amenant à jalouser cette vie de débauche, à l’opposé de la sienne, propre et marquée par la mort. Ses méthodes d’assassinat seront à la mesure de la haine qu’il éprouve : très violentes. Fulci s’attarde ainsi sur ces meurtres barbares, avec un penchant pour le gore qui lui est habituel et qui s’inscrit avec harmonie dans le style général du film : il filme au plus près ses débordements sanglants, dont le plus remarquable d’entre eux consiste en une énucléation particulièrement gratinée en dépit d’un effet spécial approximatif (Fulci aime s’en prendre aux yeux, comme il l’avait déjà montré dans L’Enfer des Zombies).

L’Éventreur de New York n’est certainement pas le meilleur Fulci. Son histoire n’est pas des plus attrayantes, le manque de moyen est parfois flagrant et la musique est inconsistante, collant parfois avec brio aux images et venant parfois au contraire faire office d’illustration à côté de la plaque. Mais les qualités formelles du film et la rigueur dont fait preuve le réalisateur dans sa visite d’un monde assez dégueulasse sont salutaires. Ce n’est peut-être pas le haut du panier du giallo (Fulci a déjà lui-même fait mieux), mais c’est en tout cas un des meilleurs films à la Maniac.

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