CinémaHorreur

L’Ascenseur – Dick Maas

ascenseur

De Lift. 1983

Origine : Pays-Bas 
Genre : Fantastique 
Réalisation : Dick Maas 
Avec : Huub Stapel, Willeke van Ammelrooy, Josine van Dalsum, Siem Vroom…

L’ascenseur d’un immeuble d’affaire néerlandais donne bien du soucis à son réparateur Felix Adelaar (Huub Stapel). Déjà à l’origine de plusieurs accidents parfois mortels, l’engin de malheur ne présente pourtant aucune trace de défaillance électronique. Professionnel jusqu’au bout des ongles, Felix se met à enquêter et découvre que le précédent réparateur a perdu la raison et végète désormais dans un asile psychiatrique…

Stupeur au festival d’Avoriaz 1984 : L’Ascenseur du batave Dick Maas remporte le grand prix au nez et à la barbe de gens confirmés comme Jack Clayton ou Douglas Trumbull et de jeunes aux dents longues tels que David Cronenberg, John Carpenter ou l’autre batave Paul Verhoeven, en instance de départ vers les États-Unis. Dead Zone, Christine, Brainstorm, autant de films coiffés au poteau. Un choix bien singulier de la part du jury présidé par John Frankenheimer. Si il est vrai que les jurys d’Avoriaz ont régulièrement brillé par le manque de sérieux de leurs membres, on ne peut s’empêcher de lier la décision de la cuvée 1984 à la volonté d’encourager à la fois un réalisateur novice et bricoleur ainsi qu’un pays guère habitué à œuvrer dans le cinéma fantastique. En toute honnêteté, il est difficile de trouver à L’Ascenseur de quoi lui faire gagner l’un des plus prestigieux festivals fantastiques. Le film n’a de toute évidence pas été conçu pour cela : Dick Maas réalise une parodie extrêmement pince-sans-rire, reposant sur la démythification de plusieurs recettes du cinéma fantastique, voire du thriller. En lieu et place du sempiternel duo principal composé par un flic charismatique et une jolie journaliste, il utilise ce réparateur zélé quelconque, rejoint en cours de route par la laide scribouillarde d’un torchon à sensation. De même, l’inévitable romance qui se doit de naître entre eux est parasitée par la triste vie de famille de Felix, marié à une femme au foyer pleurnicharde et père de deux lardons irritants. Autre exemple : ces deux flics officiels, désespérément mous et dépourvus de toute l’imagination de leurs collègues américains… Il ne faudrait pas croire que Maas cherche à grossir le trait : son film est traité avec sérieux, avec un réalisme gris qui ne reflète pas uniquement le profil industriel des Pays-Bas, mais qui semble aussi critiquer le degré dépressif du cinéma néerlandais, peu à même de nourrir l’imaginaire du public avide de fantastique (argument qui pouvait tout aussi bien être avancé pour la France voire pour l’Europe du début des années 80). L’Ascenseur ironise de façon très acerbe sur cette situation cinématographique désespérément plate, et c’est pourquoi il utilise tous les clichés du cinéma américain en les convertissant aux canons bataves. A ce titre, il n’a pas besoin de faire de l’humour, le film parle pour lui même. Les recherches de Felix, qui le mènent lentement mais sûrement sur la piste d’un complot industriel, apparaissent comme ridicules du début à la fin, le plongeant par exemple dans la passionnante lecture d’archives traitant du mode d’emploi des ascenseurs. Le spectateur pourra apprécier toutes ces fascinantes informations. Le choix de cet engin pour incarner l’entité démoniaque du film n’est pas dû au hasard : quoi de plus banal qu’un ascenseur ? Cela colle au personnage de Felix et de tous les autres, sans exception. Faute d’imaginaire, les Pays Bas tentent de faire peur avec les moyens du bord. L’ascenseur est donc l’équivalent du requin des Dents de la mer. Il frappe à l’improviste : un voyage en ascenseur peut très bien se passer sans accrocs… ou alors il sera dramatique. Si Maas s’inspire de Spielberg dans la manière dont il use de son ascenseur, si le thème musical qui y est lié sonne très “Jaws“, la mise en scène évoque le Kubrick de Shining, avec une caméra plantée avec insistance dans l’axe des portes. Quant à la cage d’ascenseur, elle donne lieu à des plongées ou contre-plongées prononcées, dans un abysse bleuâtre (l’équivalent de l’océan ?) qui n’attend que l’arrivée de son occupant. A l’intérieur même de la cabine, les néons rose bonbon donnent une touche pour le moins surréaliste, sans perdre de vue le degré ironique du film. Forcément, homérique, le duel final opposera le diabolique engin à un Felix bien déterminé, armé d’une clef de 12.

Malgré ses nobles intentions, Dick Maas ne parvient pas tout à fait à gagner les spectateurs à sa cause. Sa principale erreur est qu’en ne comptant que sur l’absurdité des situations présentées, sans leur ajouter d’artifices comiques ostentatoires (un défaut pour le moins peu fréquent en ces temps de surenchère), il finit par ne plus être drôle. Après un départ en fanfare, tant au niveau des meurtres de l’ascenseur, bourrés d’un féroce humour noir (l’aveugle qui tombe dans la cage, l’agent de sécurité décapité, la gamine tournée en bourrique que hélas Maas n’ose pas faire mourir) que de la vie de Felix (avec des dialogues d’une platitude assommante), il tourne sérieusement à vide. Le film peine à développer ses idées et s’éloigne de l’ascenseur en lui-même, pourtant de loin l’ingrédient le plus amusant. L’ajout d’une thématique scientifique au sujet de l’inquiétante évolution de la technologie informatique apparaît comme un rajout artificiel, expliquant un phénomène qui valait justement par son haut degré d’improbabilité. L’Ascenseur ne tient pas toutes ses promesses, son flegme imperturbable finissant par se trahir lui-même, le film sombrant peu à peu dans la mollesse qu’il cherche à fustiger. Reste de bonnes idées, principalement concentrées dans la première demi-heure (grâce à l’effet de surprise).

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