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Jacquou le Croquant – Laurent Boutonnat

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Jacquou le Croquant. 2007.

Origine : France
Genre : (Més)aventure
Réalisation : Laurent Boutonnat
Avec : Gaspard Ulliel, Jocelyn Quivrin, Tchéky Karyo, Olivier Gourmet…

Depuis une douzaine d’années, le petit monde du cinéma français s’est réouvert au cinéma de genre sous l’impulsion de jeunes cinéastes tels Matthieu Kassovitz ou Jan Kounen. Ce qui apparaissait comme une bonne nouvelle au départ s’est (trop) vite avéré catastrophique à l’usage, à de rares exceptions près. Il fut un temps question de l’exception française chère aux auteurs dans le giron cinématographique, or le nouveau cinéma de genre à la française lorgne de trop sur son homologue américain, lui ôtant ainsi toute once de personnalité. C’est sur ce fameux modèle américain que nous assistons à la transposition cinématographique de bon nombre de héros bien de chez nous. Jacquou le Croquant participe à ce mouvement. D’abord roman populaire puis mini-série dans les années 70, le paysan révolté se fraye aujourd’hui un passage à la faux jusqu’à nos écrans de cinéma, bien décidé à y cultiver le succès.

Il y a des enfants qui n’ont pas de chance, Jacquou est de ceux là. Pourtant, lorsque nous faisons sa connaissance, il respire la joie de vivre au sein d’une famille aimante et unie. C’est sans compter sur la bêtise humaine (scénaristes inclus) et le désordre que le chien de la famille sème au milieu du groupe de chasse mené par le comte de Nansac. Résultat, son maître chasse, accompagné d’un sous-fifre, poursuit l’impudent canidé jusqu’à sa demeure où il le tue, sous les yeux mêmes de Jacquou, d’une balle malicieuse qui, non contente d’avoir ôtée la vie de la brave bête, termine sa course dans l’épaule de la maman après de nombreux ricochets. Et c’est le point de non retour. Le père de Jacquou voit rouge et tue le vilain monsieur. Ceci fait, il prend le maquis laissant femme et enfant vivre dans la misère. Il finit par être capturé, est jugé et envoyé au bagne où il meurt. Lorsque son épouse l’apprend, elle fait promettre à son fils de vouer toute sa vie à venger la mémoire de son père avant de se laisser mourir de chagrin, laissant Jacquou seul dans sa détresse. Vous voyez, je ne vous avais pas menti lorsque j’affirmais qu’il n’avait pas de chance.

Jacquou le Croquant est le deuxième film de Laurent Boutonnat. Il n’avait plus rien réalisé depuis Giorgino (1995), son premier essai en compagnie de sa muse Mylène Farmer, et dont l’accueil fut désastreux. Musicien, il est surtout connu pour sa collaboration de longue date avec la chanteuse à la chevelure rousse, dont les clips (Je suis libertine, Désenchantée) ont marqué bien des générations, la mienne incluse. Dans ses clips, aux allures de court-métrages, il faisait preuve d’un certain sens de l’esthétisme, et n’avait pas son pareil pour iconiser la chanteuse-vedette. On le sait, cet univers représente un vivier de réalisateurs inépuisable pour le milieu du cinéma, ce dernier étant toujours avide de “nouveaux talents”. Et peu importe si ces nouveaux réalisateurs apportent dans leur besace tout un lot d’effets rendant le plus souvent leurs films effroyablement datés.

Enfin, bref ! Revenons à nos boutons..euh, à nos moutons. J’ignore qu’elles étaient les ambitions de Laurent boutonnat en réalisant Jacquou le Croquant. Souhaitait-il réaliser un film historique ? Un film épique ? Ou tout simplement un film d’aventure mâtiné d’une romance à trois ? Après avoir vu le film, il est toujours impossible de le savoir. En premier lieu, son film souffre d’un sérieux déséquilibre. La partie narrant la jeunesse de Jacquou prend beaucoup trop de place. Au lieu de se contenter d’introduire le film, on croit longtemps que cette partie en constitue le point central tant celle-ci tire en longueur. Lorsqu’on en vient au coeur du sujet, la vengeance de Jacquou, Laurent Boutonnat peine à faire exister son héros alors que nous venons pourtant de passer près d’une heure à suivre ses malheurs. La transition entre le Jacquou enfant et le Jacquou adulte s’avère trop brutale. On laisse derrière nous un enfant rendu à la vie par les efforts conjugués d’un prêtre, sa servante et, surtout, de l’amour de la jeune Léna, pour retrouver un jeune homme vigoureux et suffisamment apprécié des villageois pour que ceux-ci risquent la peine capitale afin de l’aider à tuer le comte de Nansac, responsable de tous les maux. Il n’est pourtant pas loin le souvenir du jeune Jacquou se faisant congédier comme un malpropre lorsque son lien de parenté avec Martial Ferral est établi. Le réalisateur n’a sans doute pas juger intéressant de nous montrer les différentes étapes de l’ascension de Jacquou qui, d’enfant des rues est passé à paysan respecté de tous. Tout comme il n’a pas non plus jugé nécessaire de s’attarder un peu plus sur le contexte historique du récit. A aucun moment nous n’avons conscience d’une paysannerie exploitée et maltraitée. Laurent Boutonnat nous offre une imagerie d’épinal dont le point d’orgue est le bal populaire que le comte de Nansac se fait un plaisir de perturber. Avec son visage grimaçant (Jocelyn Quivrin semble dépourvu de toute autre forme d’expression) et ses manières brusques, il s’attire facilement les inimitiés. Il se fait d’ailleurs moucher en beauté par le revanchard Jacquou qui, à l’occasion d’un slow dans les bras de sa douce et au mépris de la fille du comte (follement amoureuse de lui), lui indique tout son mépris.

Cette danse donne le réel point de départ de la seconde partie. Par cet acte, Jacquou révèle sa profonde aversion pour le comte et tout ce qui s’y rattache. Cette danse fait de lui l’homme à abattre. Il est de notoriété publique qu’un héros a la vie dure et Jacquou aura tout le loisir de le démontrer durant cette longue deuxième partie. Il survit à la traîtrise, à la séquestration et à la tentation. Car s’il n’en a pas le statut, Jacquou n’en a pas moins le coeur noble. En dépit de ses multiples tentatives, Galienne de Nansac, dit la Galiote, ne parviendra pas à lui faire oublier sa tendre Lina. Elle paye pour sa parenté. Le personnage tragique, c’est elle. Rejetée par son père pour qui elle lui rappelle la mort de son épouse, elle l’est de nouveau par Jacquou qui ne veut pas frayer avec l’ennemi. Elle mène alors son propre combat, se débattant avec ses propres contradictions tout en conservant une certaine grandeur. Ce que réussit Laurent Boutonnat avec ce personnage, il ne parvient pas à le faire avec Jacquou. Ce dernier apparaît comme une figure de héros des plus factices, pour laquelle l’interprétation monolithique et unidimensionnelle de Gaspard Ulliel n’améliore en rien les choses.

Jacquou le Croquant manque cruellement de saveur et d’épaisseur. Laurent Boutonnat a réalisé un film dénué de toute énergie, se contentant d’illustrer platement les péripéties bien peu rocambolesques du personnage titre. Il aurait dû se limiter à ses clips d’antan plutôt que s’intéresser au clap de fin tant il paraît bien plus à l’aise dans l’illustration de chansons que dans la retranscription d’un univers feuilletonnant.

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