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Homicide – David Mamet

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Homicide. 1991

Origine : États-Unis
Genre : Policier
Réalisation : David Mamet
Avec : Joe Mantegna, William H.Macy, Natalija Nogulich, J.S Block…

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Lors de l’interpellation musclée d’un dealer, deux agents du F.B.I. trouvent la mort, tandis que le suspect parvient à prendre la poudre d’escampette. A contre coeur, le F.B.I. cède l’affaire à deux inspecteurs de la police de Chicago, Bobby Gold et Tim Sullivan, car ces derniers connaissent les habitudes et les contacts du fuyard. La résolution de cette affaire les auréolerait de gloire, et qui sait, serait peut-être même susceptible d’avancement. Petit soucis, toutefois, Bobby Gold se voit retirer l’affaire au profit du banal meurtre d’une commerçante juive dans un quartier pauvre de la ville. A lui de savoir jongler au mieux pour ménager la chèvre (la gloire) et le chou (le devoir).

Considéré comme l’un des meilleurs dramaturges américains contemporains, David Mamet a d’abord intégré le monde du cinéma en tant que scénariste (Le Verdict et Les Incorruptibles, notamment), avant de franchir le pas et de réaliser son premier film en 1987, Engrenages. A l’occasion de ce film, il démontre un véritable talent de manipulateur, usant de faux semblants avec malice dans un univers plus que propice à ce genre de pratique, le monde du jeu. Pour son troisième film, il fait de nouveau appel à son acteur fétiche et ami, Joe Mantegna, et réalise un film qui se réclame ouvertement du genre policier, sans toutefois trahir ses obsessions profondes.

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En général, les personnages de David Mamet se caractérisent par leur importante foi en eux-mêmes. Ils croient toujours posséder toutes les cartes nécessaires pour dominer la situation, du moins en apparence. Robert “Bobby” Gold a la réputation d’être un bon flic. Dans la petite guéguerre que se livrent le F.B.I. et la police locale, le retour de l’affaire Randolph dans le giron des seconds est perçu comme une petite victoire, annonciatrice de la grande qui sera l’arrestation du suspect par Bobby et Tim. En mettant un terme à la cavale de Randolph, Bobby acquerra enfin la reconnaissance qu’il mérite. Il vit comme un affront la “petite” affaire qu’on lui attribue à la place de la “grande”. Pourtant, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même, lui qui n’a pas su résister à l’envie de montrer le métier à deux jeunes flics en uniforme un peu à la peine. Dans un climat de tension raciale extrême, qu’un flic juif enquête sur l’assassinat d’une dame juive semble plaire en haut lieu. Un sacré pied de nez adressé à Bobby, lui qui a, sa carrière durant, essayer de minimiser ses origines, source de multiples railleries de la part de ses collègues. Nous touchons là le coeur du propos de David Mamet. Un homme qui, à force de nier ses origines, finit par ne plus savoir qui il est réellement. Bobby s’est fondu dans le moule de ce qu’il estime correspondre au “bon flic”. Il est toujours dans le paraître, plus que dans l’être. Pour éviter qu’on ne le traite de trouillard, ça l’amène à mettre un point d’honneur à toujours être le premier à entrer chez un suspect. Il se veut exemplaire, et a horreur qu’on le ramène sans cesse à sa judéité.
C’est principalement ce qui l’ennuie dans le fait d’enquêter sur le meurtre de la vieille madame Klein. Plongé au coeur de la famille de la défunte, il éprouve toutes les peines du monde à comprendre leur attitude et à partager leur peine. Il se sent totalement perdu au milieu d’un folklore dont il ignore finalement tout. Cette enquête, cette famille, le renvoie à lui-même et à ses errances. La culpabilité le gagne et finit par altérer sa vision des choses, à lui faire oublier l’essentiel, son objectivité.
David Mamet fait vivre un véritable chemin de croix à son personnage principal. Bobby Gold ne vit que par et pour son métier, il est inspecteur de police avant d’être un homme. L’enquête dont il ne veut pas révéle en lui l’homme qui se cache derrière sa plaque. Un homme en proie au doute, et qui se prend subitement en pleine figure toute la souffrance qu’un peuple a accumulé depuis près de quatre décennies. La culpabilité qui l’empoigne le pousse à agir par coups de sang, lui qui jusqu’alors se distinguait par son flegme et sa réflexion. Sans famille, sans amis, Bobby se retrouve bien esseulé, seul face à ses questions et à ce monde dans lequel les gens s’entretuent sur la foi de on-dit, et où l’accueillante vitrine d’un magasin de jouets abrite les manifestations d’un mal insidieux, la haine de l’autre portée à son paroxysme.

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Homicide n’est pas un film manipulateur, contrairement à ce que la fin pourrait laisser croire. Via le personnage de Bobby, David Mamet ausculte les rouages d’une société rongée par le racisme. Un racisme sans âge qui inspire une telle crainte que certains individus en viennent à se nier eux-mêmes. L’unique manipulation qu’on pourrait lui reconnaître réside dans l’entame du film, qui semble annoncer qu’une banale intrigue policière à base de duo de flics, pour finalement imposer une juste réflexion sur notre société, et la place que chacun d’entre nous veut bien s’accorder.

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