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Homicide à Wall Street – Larry Cohen & William Tannen

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Deadly Illusion. 1987

Origine : Etats-Unis 
Genre : Policier 
Réalisation : Larry Cohen & William Tannen 
Avec : Billy Dee Williams, Vanity, Morgan Fairchild, Joseph Cortese…

Hamberger (Billy Dee Williams) est un détective privé new-yorkais agissant sans licence, notoirement connu pour les nombreuses victimes laissées au terme de ses missions. Ayant jusque là réussi à éviter de finir inculpé, peut-être en partie parce qu’il est un ami d’enfance de l’inspecteur Lefferts (Joseph Cortese), il risque bien cette fois de passer à la moulinette. Car pour sa nouvelle affaire, il est engagé par l’homme d’affaire Alex Burton qui désire assassiner sa femme, au courant de trop de choses compromettantes. Sans avoir refusé ni accepté, Hamberger s’était rendu au domicile de l’épouse visée et, bonne âme, l’avait prévenu du risque qu’elle encourait. Il n’imaginait pas une seconde que madame Burton serait quand même assassinée, et encore moins que la madame Burton à qui il avait rendu visite n’était pas la vraie madame Burton, tout comme le monsieur Burton qui l’avait engagé n’était pas le vrai monsieur Burton. Le voilà donc empêtré dans un micmac pas possible, et il dispose de quelques heures pour établir son innocence dans le meurtre de madame Burton, la vraie, celle qui a été assassinée.

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Homicide à Wall Street est un film très mineur dans la carrière de réalisateur de Larry Cohen. D’autant plus mineur qu’il n’en a réalisé qu’une partie, renvoyé pour des raisons obscures (difficile de trouver des informations viables) par sa production et remplacé par William Tannen, un novice ayant jusque là réalisé un seul et unique long-métrage. Il serait toutefois malvenu d’imputer le résultat final, disons-le tout de suite assez quelconque, à la seule bleusaille remplaçante et aux producteurs voyous. Il n’y a pas véritablement de rupture dans la tonalité du film, ni dans son style, et ce publiciste de Tannen n’en a pas profité pour placer des tics de mise en scène purement publicitaires comme le font de nos jours bien des réalisateurs débutants issus de ce milieu. Le titre du film, qu’il soit en version originale ou en version française, reflète assez bien la très petite heure et demie que dure le produit qu’il désigne, et qui se distingue par un manque d’imagination criant, donnant l’impression d’assister à un vague épisode de série télévisée pour créneau horaire délaissé. De toute évidence Cohen -également scénariste- a voulu faire un film noir moderne remis au goût du jour par un léger sens de l’humour tournant principalement autour du personnage principal. Principalement et même presque uniquement, puisque hormis sa copine et secrétaire Rina (Vanity), femme de caractère hélas trop peu présente, Hamberger est bien le seul élément qui permette de donner un peu d’identité au film. Tout le reste se perd en litanies plutôt soporifiques, dénuées de toute forme de violence et progressant par une enquête fumeuse (je préfère prévenir tout de suite que nous aurons affaire au rebondissement du personnage déguisé qui tombe le masque dans le final). Il y avait pourtant la place pour brosser un portrait peu reluisant des milieux dans lequel évolue le film, à savoir le monde de la finance et celui du mannequinat, ici de connivence pour un trafic de drogue organisé par une directrice d’agence de modélisme (qui utilise ses mannequins pour ramener la drogue de l’étranger) et financé par un homme d’affaires peu regardant sur la nature des bénéfices à engranger. Mais cette possibilité d’engagement tombe rapidement à l’eau, puisque Cohen et Tannen ne vont jamais au-delà de la surface des choses. Ils ne s’immiscent pas dans les milieux à proprement parler, et en fin de compte le vice vient surtout des individus plutôt que de l’étude de milieux justement propices aux trafics. Les “méchants” (puisque tout cela est très manichéen) auraient aussi bien pu être un homme politique allié à un ponte d’Hollywood, ou bien un avocat et un sportif, que rien n’aurait été changé. De même, les réalisateurs évitent soigneusement de s’attarder sur l’objet même du délit, la drogue, qui aurait aussi bien pu être remplacée par des produits de contrebande ou par n’importe quelle autre chose qui se trafique, sans impact véritable. Il y a bien une vague tentative pour prouver que ces magouilles entraînent des dommages collatéraux, mais celle-ci, concentrée sur une ex-mannequin défigurée par ses ex-employeurs, sert surtout à faire naître un semblant d’empathie et de morale grossière dans un film dénué de toute invitation à l’implication du spectateur. Les réalisateurs eux-mêmes n’ont pas l’air d’y croire une seconde, ce qui a au moins le mérite d’éviter la guimauve mais qui témoigne bien du j’en-m’en-foutisme ambiant. Bref, Homicide à Wall Street ne s’enracine dans rien de concret au niveau social, ni au niveau humain, ce qui est assez surprenant pour un film écrit par Larry Cohen, qui affiche généralement quelques dispositions satiriques plus ou moins acides. Homicide à Wall Street se veut un film tout public, sans demander à ses spectateurs une once de réflexion, et il ne cherche même pas à être sulfureux, ce qui pour un pseudo film noir est tout de même impardonnable. Peut-être bien que Larry Cohen fut mit à la porte parce qu’il souhaitait justement faire du film autre chose que cette indigeste étalage de platitudes… Si tel est bien le cas, il ne subsiste de toute façon rien de ce qu’il avait en tête.

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Une fois acquis qu’il n’y a ni raisonnement politico-social, ni action, ni la moindre volonté de choquer qui que ce soit, il ne reste plus donc que l’humour véhiculé par le personnage principal, Hamberger. Il ne manquerait plus que celui-ci joue sur le même registre que Eddie Murphy dans Le Flic de Beverly Hills, et il y aurait alors la totale… Ce n’est heureusement pas le cas. Eddie Murphy était parfait comme incarnation de la Californie clinquante des idéaux reaganiens, c’est précisément ce qui le rendait si horripilant. Étant comme dit plus haut le seul élément positif du film, Billy Dee Williams dépasse pour sa part la morne grisaille de New York, à peine égayée par les décorations des fêtes de fin d’année (ce qui donne l’opportunité à l’acteur de nous livrer une scène de bagarre dans un sapin géant au milieu des guirlandes, soit le summum du film en terme d’action). D’une nature conviviale, toujours optimiste, Hamberger est un bon vivant qui inspire la sympathie (sans pour autant être un clown comme Axel Foley). Le couple qu’il forme avec sa secrétaire est d’autant plus attachant que contrairement à ce que veut la morale, monsieur trompe madame, et la colère de celle-ci se veut plus manipulatrice qu’instinctive, puisque par ce biais elle parvient à prendre le dessus sur ce détective qui pour jouer les fiers à bras n’en est pas moins amoureux transi… quitte à ce que les autres se fichent de lui. C’est là que réside la principale qualité du personnage de Williams (et donc du film) : le tombeur plein de bagout, apprécié de tout le monde, capable de résoudre cette enquête tordue en une journée, de se battre dans des arbres, d’échapper aux flics et à la légalité en général, et qui a la réputation de laisser plein de cadavres derrière lui a également un sérieux manque de chance et fait preuve à l’occasion d’une maladresse vaguement parente de celle de l’Inspecteur Clouseau (avec par exemple un ascenseur qui se referme au moment où il passe). Homicide à Wall Street doit de plus être l’un des seuls films où le héros se fait régulièrement vanner par des personnages secondaires, ce dont il se plaint dès l’entrée du film, où il mentionne en gros la difficulté de s’appeler Hamberger au pays de MacDonald. Enfin, il affiche également un petit côté John McClane, toujours au mauvais endroit au mauvais moment (du reste il est le dindon de la farce dans l’enquête sur les Burton), qui achève de démythifier la figure du détective privé. Tout ceci est bien léger il est vrai, surtout que la personnalité de Hamberger a tendance à ne s’illustrer que dans les scènes les moins importantes (qui du coup sont plus réussies que les autres) mais mérite malgré tout d’être mis à l’actif du film. Si l’intégralité d’Homicide à Wall Street avait été conçu dans le même esprit, sans vouloir se faire passer pour un film policier avant toute autre considération, peut-être aurions-nous assisté à autre chose que cet insipide série B familiale.

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