CinémaScience-Fiction

Godzilla Vs. Mechagodzilla – Jun Fukuda

godzillavsmechagodzilla

Gojira tai Mekagojira. 1974

Origine : Japon 
Genre : Kaiju Eiga 
Réalisation : Jun Fukuda 
Avec : Masaaki Daimon, Kazuya Aoyama, Reiko Tajima, Akihiko Hirata…

Va encore y avoir du grabuge au Japon. La prêtresse de l’ancien royaume Azumi a eu la vision d’un monstre détruisant la ville (il s’agit d’un stock-shot de King Ghidorah qui n’a rien à faire là, mais bon, passons). Des archéologues viennent de mettre à jour une caverne où sont dessinées des prophéties disant que deux monstres s’uniront pour repousser un envahisseur lui aussi monstrueux. La terre tremble et les spécialistes pensent qu’une bestiole est en train de refaire surface. Bref, ça ne sent pas bon. Godzilla débarque alors, et s’en prend incompréhensiblement à son pote Angillas, le laissant pour mort. C’est étrange, car Godzilla est désormais censé être une figure protectrice. Mais, mais… que vois-je là ?! Un deuxième Godzilla vient d’apparaître ! Et il se bat avec le premier ! Et, ô surprise, le premier Godzilla perd sa peau ! Ce n’est pas Godzilla, mais Mechagodzilla, contrôlé par les extra-terrestres pour prendre possession de la planète. En attendant, leur première confrontation se termine en match nul, et chacun doit reprendre des forces. Quelques humains essayent d’en profiter pour réveiller King Caesar, le défenseur attitré d’Azumi. Pour cela, ils doivent ramener une statuette au temple. Ces salopards d’extra-terrestres vont tout faire pour les en empêcher.

En cette année 1974, Godzilla fête ses vingt printemps et ses quatorze films. Pour lui fêter son anniversaire, ses géniteurs de la Toho ont décidé de lui offrir un ennemi appelé à rester dans les mémoires et un nouvel ami, qui lui n’y restera pas. Pour superviser notre sympathique faune nippone, l’habitué Jun Fukuda, déjà cinq Godzilla au compteur, allant du très bon (Godzilla Vs. Megalon, sorti l’année précédente) au totalement foireux (Godzilla, Ebirah et Mothra : Duel dans les mers du sud et sa crevette géante) et qui fait ici ses adieux au gros lézard. Enfin, deux des principaux acteurs des deux premiers Godzilla reprennent du service, en l’occurrence Akihiko Hirata et Hiroshi Koizumi. Un anniversaire, des adieux, des vieilles connaissances venues faire coucou… Autant de raison pour que Godzilla Vs. Mechagodzilla se démarque de ses prédécesseurs immédiats, qui en plus d’attirer de moins en moins de monde dans les salles se faisaient remarquer par leur infantilisation toujours plus prononcée, toujours plus abêtissante. Ce qui n’en faisait pas forcément des mauvais films. Disons qu’ils perdaient en crédibilité ce qu’ils gagnaient en humour. L’alarmisme politique des deux premiers Godzilla n’avait de toute façon plus cours, usé par trop d’itérations, et il fallait bien trouver une solution de replis pour pouvoir continuer à utiliser le bestiaire. Du coup, le retour en arrière de Godzilla Vs. Mechagodzilla a de quoi effrayer. Fukuda ne risque-t-il pas de se retrouver le cul entre deux chaises ? Verdict : oui. Un peu.

Car les idioties restent toujours présentes, mais en étant moins marquées. Difficile de faire plus fort que Godzilla Vs. Megalon dans ce domaine, de toute façon. Les monstres apparaissent déjà nettement moins, laissant leur place aux humains pour ce qui s’apparente à une fumeuse intrigue d’espionnage à la James Bond caractérisée par son inutile complexité. La découverte du “titane cosmique”, celle de la caverne aux prophéties, celle de la statuette censée réveiller King Caesar, la prêtresse et son grand-père qui patientent au temple Azumi, les extra-terrestres qui kidnappent un prix Nobel, les gars aux lunettes noires qui poursuivent les héros, qui sont d’ailleurs trop nombreux (une demie-douzaine, et pas un ne ressort du lot)… Beaucoup de tenants et d’aboutissants brouillons qui pendant un certain temps font craindre le syndrome Ebirah, à savoir un film centré sur des personnages futiles dans lequel les monstres seraient secondaires. C’était sans compter sur l’excentricité démontrée pas tellement par les personnages humains, mais par les extra-terrestres, aptes à pallier un minimum l’absence des monstres. Tout comme les envahisseurs de la série V étaient des lézards sous apparence humaine, ceux du film sont des singes ayant pris forme humaine. Délestés de leur peau factice à la moindre blessure, ce sont de gros gorilles très très mal conçus poussant des grognements gutturaux dans de chatoyants costumes argentés (comme un écho à Mechagodzilla, qui lui aussi a pris une apparence terrestre connue -celles de Godzilla- avant de révéler sa structure en titane cosmique). Les voir jouer aux gangsters d’une organisation alien plus ou moins semblable au Spectre combattu par James Bond est un spectacle qui ne manque pas de piquant. Le vaisseau, discrètement dissimulé dans une caverne, propose également son lot d’excentricités kitsch, tels que des rayons bloquants criant de non-vérité. Mais le plus invraisemblable de la part de ces envahisseurs à la petite semaine est encore qu’ils se retrouvent dans l’obligation de kidnapper un prix Nobel pour le contraindre à réparer leur Mechagodzilla en panne après un soir de service. On croirait voir l’armée française avec leur porte-avion Charles de Gaulle.

Ceci dit, les humains et les extra-terrestres ne font que faire patienter le public entre les combats du début (Angillas contre le faux Godzilla, puis Mechagodzilla contre le vrai Godzilla) et entre celui de la fin (Godzilla et King Seeser contre la nemesis en titane). Bien que cet intérim aurait largement pu être pire, il faut bien admettre qu’au bout d’un certain moment, la lassitude guette. Le coup d’envoi des choses sérieuses est marqué par le chant de la prêtresse Azumi censé réveiller King Caesar. Ou plutôt par une chanson pop déplacée, qui nous fait bien comprendre que cette fois, on y est, on va en avoir pour notre argent. Un argent qui n’est d’ailleurs pas de la même couleur que celui des combats du début de film, qui s’éloignaient beaucoup de ceux de Godzilla Vs. Megalon pour revenir aux bases, avec villes détruites, souffle dévastateur et panique générale. Ils incluaient même quelques plans sanglants assez rares dans la série, trouvant leur paroxysme lorsque le faux Godzilla arrache la mâchoire d’Angillas (qui du coup ira prévenir le vrai Godzilla et devra attendre 30 ans et Final Wars pour refaire parler de lui). Après l’intermède sur le plancher des vaches, nous comprenons bien vite que le combat final ne pourra pas se montrer aussi épuré.

Et effectivement, le sang mis à part (il continue de couler), nous revenons à des choses moins sérieuses. King Caesar est une sorte de gros chien rouquin aux oreilles de Gizmo, coiffé comme un caniche tondu, qui après s’être pris une volée par Mechagodzilla passe le plus clair de son temps tapi derrière un rocher, jetant furtivement des coups d’œil pour voir si Godzilla s’en sort mieux que lui. Il est beau le défenseur légendaire d’Azumi. Ah ça valait bien le coup que les humains se décarcassent pour le faire réveiller… A sa décharge, il faut dire que depuis le temps qu’il dormait dans sa falaise, il ne devait pas s’attendre à affronter un monstre aussi technologiquement avancé que Mechagodzilla, qui en dépit d’un aspect revêche (je préfère personnellement les trucs “cthuluesques” type Hedorah) est l’un des ennemis les plus coriaces que Godzilla ait eu à combattre. Capable de tourner la tête à 180° pour cracher son rayon multicolore derrière lui pendant que ses doigts et ses doigts de pieds envoient des missiles, il peut sans difficulté supporter plusieurs ennemis. Et puis il peut voler grâce aux réacteurs incrustés dans ses pieds. Ce qui fait que pour le coup, le corps à corps est difficile, et Fukuda évite de ce fait de lancer ses monstres dans un combat de catch semble à celui de l’année précédente. Il n’empêche que ce combat déménage bien, et que pour vaincre Mechagodzilla, le réalisateur et ses scénaristes se voient dans l’obligation de renouer avec les pitreries les plus prononcées. Comme quoi, le nouveau venu a bien failli volé la vedette à Godzilla. Dommage pour lui qu’il reste dépendant de la technologie.

Sans être aussi marrant que Godzilla Vs. Megalon, Godzilla Vs. Mechagodzilla parvient à conserver l’aspect humoristique de la franchise tout en innovant un minimum. Pas assez pour relancer l’engouement populaire et encore moins pour orienter le lézard dans une nouvelle direction, mais assez pour en faire un film honnête. Jun Fukuda peut partir la tête haute, ayant donné à la série un nouveau monstre qui restera comme l’ennemi favori de Godzilla.

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