CinémaHorreur

Frontière(s) – Xavier Gens

frontieres

Frontière(s). 2007

Origine : France 
Genre : Horreur 
Réalisation : Xavier Gens 
Avec : Karina Testa, Estelle Lefébure, Samuel Le Bihan, Maud Forget…

Même si les films de genre français semblent se multiplier ces derniers temps, leur sortie au cinéma est toujours un petit évènement en soi. En effet, il ne faudrait pas oublier que tous ses projets ont encore des difficultés à se monter. D’une part parce que les producteurs sont toujours frileux à investir dans un film qui sera « interdit au moins de 16 ans », sans doute essentiellement parce qu’après l’exploitation en salle il ne pourra pas être diffusé en prime time sur les grandes chaînes nationales… Et d’autre part parce que le comité de classification est toujours aussi aveugle, se basant uniquement sur quelques images, sans prendre soin d’étudier le film dans sa globalité, ou le message qu’il délivre, qui peut être infiniment plus destructeur que quelques images de gaudriole sanglante (ce qui n’est pas le cas du film de Xavier Gens, soyons clairs).
La venue sur les écrans français du sanglant Frontière(s), peu de temps après un A l’intérieur bien gore, est donc assez exceptionnelle pour qu’elle soit intrigante.

Le film nous raconte l’histoire d’une bande de jeunes de banlieue, qui, alors que l’extrême droite est en passe d’arriver au pouvoir, profitent du désordre ambiant pour commettre un braquage. Poursuivit par des policiers, ils s’enfuient en voiture pour rejoindre les Pays-Bas. Alors que la nuit tombe, ils s’arrêtent dans un motel à quelques kilomètres de la frontière, sans savoir qu’il est tenu par une famille de cannibales néo-nazis…

Frontière(s) se veut donc un hommage appuyé au Massacre à la tronçonneuse de Tobe Hooper (“encore un ?!” entends-je s’exclamer le spectateur lassé), tellement appuyé qu’il s’agit presque d’un faux remake déguisé, avec des banlieusards à la place des jeunes américains, et des néo-nazis à la place de la famille de bouchers. Mais il ne s’agit pas seulement d’un hommage à ce film. En effet, Xavier Gens est un fanboy, ou un geek pour employer un mot à la mode, c’est à dire qu’il fait partie de cette espèce de réalisateurs peu recommandables qui aiment à truffer leurs films de ces scènes « hommages », de manière à faire un gros clin d’œil bien voyant au spectateur, l’air de dire « tu as vu, je suis ton pote, on aime les mêmes films ». Après tout, les spectateurs marchent, donc qu’importe si la cohérence du film en prend un coup n’est-ce pas ? Frontière(s) se résume à ça, une succession d’hommages lourdingues et de scènes pompées à d’autres films. Enfin, cela pourra toujours permettre aux spectateurs cinéphiles de tester leurs connaissances, en essayant de deviner à quel film correspond chacune des scènes que filme Gens. Je vous aide, dans le film on trouve des bouts de Massacre à la tronçonneuse, de The Descent, de Misery, de Dawn of the dead, de Duel, de Calvaire, de Ed Gein, des films de Aja, et j’en oublie sans doute des tas d’autres… Tout le scénario à l’air d’avoir été conçu dans cette optique, et il essaye tant bien que mal, au moyen de raccourcis hallucinants et d’incohérences monstrueuses de lier toutes ces scènes empruntées à d’autres films. A tel point que le film perd tout semblant d’identité propre, pour ne devenir qu’un film d’horreur formaté de plus, qui n’apporte rien au genre. Et ce ne sont en aucun cas les quelques scènes de violence, très violentes en effet, et assez gores, qui viendront donner à ce film un statut particulier. Au contraire, ces dernière sont l’aspect le plus caractéristique de la dimension racoleuse du film. L’affiche se pare d’ailleurs d’une accroche très grossière « ce film accumule des scènes de boucheries bla bla bla », imposée par le comité de classification certes, mais que les responsables ont pris bien soin de mettre en très gros, histoire de bien montrer à quel point ils sont rebelles et méchants : Frontière(s) a tout du film d’adolescent immature.
En ce sens il se rapproche infiniment plus d’un Hostel nauséabond et racoleur que d’un film comme A l’intérieur qui, même s’il pêche par un excès de gore qui le fait tomber dans la gaudriole, avait le mérite de s’en tenir à un pitch simple et original. Le film de Gens use et abuse de formules éculées et de stéréotypes gros comme une maison. Les personnages sont tous inexistants, que se soient les jeunes braqueurs bien typés, les freaks bien tarés, ou les nazis avec l’accent bien allemand. Impossible de s’attacher à qui que ce soit. Dès lors toutes les scènes gores perdent toute signification, et le spectateur ne ressentira plus rien. Tout au plus pourra-t-on trouver quelques exécutions assez amusantes, ce qui est plutôt déplacé pour un film qui se veut oppressant et réaliste.

Mais je n’ai pas encore parlé du pire, à savoir la mise en scène, et surtout la soi-disant dimension sociale du film. Particulièrement atroce, la mise en scène est sans doute la seule chose qui mettra le spectateur mal à l’aise. Le scènes d’action sont filmées et montées n’importe comment, la narration est bâclée, et l’utilisation de la musique est particulièrement navrante. Alternent ainsi les scènes où la caméra virevolte dans tous les sens sur fond de musique agressive, et les passages soi disant tout tristes, ou les violons pleurent plus que dans n’importe quel mélo. Sans transition, sans atmosphère, rien.
Le film comporte bien quelques passages intéressants, mais ils sont noyés dans cette sorte de patchwork sans identité : ce n’est qu’un vulgaire empilement de scènes qui n’a de cinéma que le nom. Je passe rapidement sur les scènes nocturnes ou un simple filtre bleu moche vient figurer l’obscurité pour arriver à la conclusion que Xavier Gens s’amuse beaucoup avec sa caméra : on à l’impression qu’il en découvre les fonctionnalités, et que du coup il essaie des travelling, des mouvements bizarres, des filtres colorés, sans trop savoir ce que ça va donner, juste pour voir. Le film n’a aucune cohérence visuelle, ni narrative, ni sur aucun autre aspect.
Enfin, toujours dans l’optique d’inscrire son film dans une rébellion adolescente et inconsidérée, le film se borne à comparer les policiers a des fascistes en guise de critique sociale. Très évolué et fin, n’est-ce pas ? Il aborde ainsi le problème de l’arrivée de l’extrême droite au second tour des élections avec la délicatesse d’un hippopotame, fait quelques comparaisons idiotes avec les vilains nazis, et montre le ministre de l’intérieur parler de l’insécurité à la télévision. Voilà, avec tout ça, Gens doit être très satisfait de lui, persuadé d’avoir rué dans les brancards et fait un vrai film subversif. Pathétique.

En somme, Frontière(s) est un film laid, ridicule, racoleur, mal foutu, idiot et immature. Si après ça vous avez encore envie de le voir, je peux plus rien pour vous.

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