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Fantômes en fête – Richard Donner

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Scrooged. 1988

Origine : États-Unis 
Genre : Comédie de Noël 
Réalisation : Richard Donner 
Avec : Bill Murray, Karen Allen, Alfre Woodard, John Glover…

Frank Cross (Bill Murray) est le directeur de la chaîne de télévision IBC. C’est un homme cynique et impitoyable, méprisant envers tout et tout le monde, mais c’est pourtant à lui que revient de choisir la programmation pour la soirée de Noël. Une charge de travail qu’il aborde avec une grossière emphase pour le sensationnalisme, à mille lieues de ce que cette fête est censée incarner dans les chaumières. Mais à force d’agir ainsi, il risque bien de lui en cuire : c’est l’avertissement que lui admoneste le fantôme de son ancien chef, lui aussi un homme sans cœur, et qui en sa qualité de défunt peut témoigner du vide que fut sa vie sans sentiments. Pour mieux faire passer le message, trois autres fantômes viendront bientôt rendre visite à Frank pour lui montrer les Noëls passés, présents et futurs.

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Il va sans dire que ce n’est pas dans une adaptation remise au goût du jour hollywoodien d’Un chant de Noël de Charles Dickens que l’on échappera aux bons sentiments à destination des familles (au passage merci de ne pas faire remarquer qu’une major comme la Paramount n’est pas forcément bien placée pour donner des leçons d’humanité à un décideur aussi borné que Frank Cross). Toutefois, sur un canevas qui empruntait beaucoup à Dickens, un Frank Capra dans sa Vie est belle avait quand même réussi à dépasser le stade du sirupeux à travers une sincérité qui se reflétait dans le personnage de James Stewart. Mais il est vrai que ce dernier n’était pas un méchant à remettre dans le droit chemin, ce qui permettait d’aller plus en profondeur en évitant la confrontation simpliste entre des valeurs jugées antagonistes mais qui ne le sont pourtant pas tant que ça, puisque l’usage des sentiments de Noël est un procédé très vendeur attirant le cynisme d’exécutifs ravis de pouvoir simuler leur bonne conscience tout en engrangeant les bénéfices. Revenu en grâce il y a peu grâce à ses Goonies sous l’égide d’un Steven Spielberg que l’on sait très porté sur la guimauve, Richard Donner tourne ces Fantômes en fête dont la démarche est disons le tout de suite bien plus proche de la leçon de morale basique que de la sincérité d’un Frank Capra. Nous sommes dans ce style de films qui confond “familial” et “simpliste”. Dans la vie, et surtout à Noël, il faut être gentil avec tout le monde, et tout le monde sera gentil avec vous. Ou encore faire le bien vous amène le bien. Voilà le message pré-enregistré depuis Dickens que véhicule cette histoire en faisant de Frank Cross un grand méchant capitaliste caricatural par la faute duquel bien des gens ne connaissent pas un réveillon aussi beau qu’ils le devraient. Il y a son assistante veuve pour laquelle il n’a aucun respect et à laquelle il demande avec insistance de rester au travail en heures supplémentaires au lieu d’être avec son fils catatonique depuis la mort de son père (une exagération que l’on retrouvait à peu près sous la même forme dans Dickens). Il y a un collaborateur qu’il renvoie sans égard en ces temps de joie parce qu’il avait osé le contredire. Il y a son frère qui continue à l’aimer mais pour lequel Frank n’a aucune considération, refusant depuis toujours de participer à ses repas de famille. Il y a aussi Claire Phillips (Karen Allen), ex petite amie de Frank impliquée dans des œuvres sociales et qui ne demanderait pas mieux que de reprendre leur relation, chose qui ne se fera que lorsque monsieur sera enfin prêt à abandonner son égoïsme. Sans compter toute l’équipe d’IBC, forcée au travail en ce soir de Noël et qui est remerciée par de simples cadeaux au rabais (les plus chanceux ont un magnétoscope, et la majorité écrasante a droit à une serviette de bain aux couleurs de la chaîne… l’an passé, c’était un rideau de douche). Tous ces personnages ne sont pas à proprement parler utiles, ils ne font qu’illustrer les tares de Frank qui se prive de bonnes relations de travail, d’amour, de famille… Chacun permet d’évoquer une de ces choses dont l’absence rend la vie de Frank totalement vide. Le manque de subtilité ne témoigne pas seulement de la facilité (paresse ?) avec laquelle les pseudo caractéristiques de Noël sont encensées : il aussi là pour laisser toute latitude à Richard Donner pour mettre en scène sa comédie.

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N’accablons pas non plus Fantômes en fête sur son penchant à la bonne morale : il s’avère à ce niveau être dans la moyenne des films de Noël, et il était difficile d’en attendre autre chose. En revanche, il faut l’attendre de pied ferme sur le genre d’humour qu’il emploie. Lorsque l’on dispose des épaules d’un Bill Murray sur lesquelles faire tout reposer, difficile de trouver des circonstances atténuantes ! Et hélas, Donner s’avère bien incapable d’exploiter le style de Murray, quand bien même celui-ci est placé en compagnie de fantômes pour rappeler les bons souvenirs de SOS Fantômes. A moins que ce soit Murray lui-même qui ait manqué d’inspiration… Quoi qu’il en soit, son Frank Cross est un personnage gâché. Idéalement, et même après une scène d’ouverture qui laisser présager d’une orientation en ce sens (quelques extraits de programmes de Noël sirupeux à souhait qui le laissent bouche bée), il aurait été appréciable que Murray s’adonne à ce qu’il sait faire de mieux : le sarcasme. C’était l’occasion en or de faire un peu de subversion à la Joe Dante dans Gremlins en désacralisant sans en avoir l’air les sacro-saintes valeurs de Noël. Le fait que l’intrigue se déroule dans le milieu de la production audiovisuelle aurait au moins pu déboucher sur une petite pique aux codes d’un genre par trop balisé. Mais hélas, plutôt que de se montrer sarcastique et d’emporter l’adhésion, y compris de ceux qui ne sont guère friands de l’imagerie de Noël, Murray fait plutôt dans l’excès de méchanceté gratuite, histoire que son personnage soit bien détestable. Toute une nuance sépare en effet ces deux façons de faire ! Le sarcasme est une ironie qui consiste à se moquer sans en avoir l’air. Ce qui aurait été parfait face aux bons sentiments dégoulinants. Hormis quelques répliques -qui en plus ne laissent pas un souvenir impérissable-, Frank Cross en use rarement. Comme si Donner avait peur que le personnage puisse réellement donner envie de ne pas déballer ses cadeaux en écoutant Tino Rossi (ou Bing Crosby aux États-Unis). En revanche, il aime grimacer et crier, tout en évitant de se montrer particulièrement drôle au niveau des dialogues. Ce qui aurait convenu à un acteur comme Eddie Murphy, mais qui ne convient pas au flegmatique Bill Murray (son regard de Droopy se prête bien mal à ce genre de personnage). Il semble ne jamais prendre la mesure de son personnage, donnant parfois l’impression de se demander ce qu’il fait là. C’est particulièrement le cas lorsqu’il rencontre les trois fantômes, qui chacun à leur tour lui vole la vedette : le fantôme du passé en faisant justement du Eddie Murphy sans retenu pour lui montrer le vide de ses Noël passés, le très irritant fantôme du présent (une fée faisant du slapstick à base de baffes pour lui montrer combien il pourrit le Noël de tout le monde), et le fantôme du futur, venu lui montrer sa fin de vie dans la solitude et le mépris, représentation de la mort valant avant tout pour l’effet spécial employé. Frank Cross devient tributaire de ses visiteurs, et Murray de devenir franchement quelconque jusqu’à un climax lors duquel il est trop tard (et pour cause) pour faire du mauvais esprit.

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Comédie assez puérile relevée uniquement par une mise en scène soignée et par une certaine noirceur que l’on ne retrouve malheureusement que dans la photographie (et qui est accompagnée d’une musique de Danny Elfman que l’on aurait aussi bien pu trouver dans Beetlejuice), Fantômes en fête ne risquait pas de s’imposer comme un nouveau classique au milieu des innombrables adaptations ou dérivés du Chant de Noël de Dickens. Voilà un dépoussiérage qui avait déjà pris la poussière avant sa sortie.

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