CinémaHorreur

Dracula, prince des ténèbres – Terence Fisher

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Dracula, Prince of Darkness. 1966

Origine : Royaume-Uni
Genre : Horreur
Réalisation : Terence Fisher
Avec : Christopher Lee, Barbara Shelley, Andrew Keir, Francis Matthews…

Cela fait maintenant dix ans que l’horrible comte Dracula a fondu comme neige au soleil, grâce aux bons soins du docteur Van Helsing. Ce qui n’empêche nullement son ombre maléfique de planer encore et toujours au-dessus de la région. La population continue de vivre dans la peur des vampires, au grand dam du père Sandor, le prêtre d’une localité voisine. Deux couples de touristes britanniques, qui arpentent la région à des fins culturelles, découvrent le château du défunt comte, dans lequel ils semblent attendus. Ils ne se doutent pas qu’en acceptant l’hospitalité du majordome de feu Dracula, ils vont réveiller de vieux et douloureux souvenirs.

Huit ans après sa première apparition, le Dracula estampillé Hammer fait son grand retour, toujours sous les traits de Christopher Lee. A l’époque, Le Cauchemar de Dracula avait défini les codes esthétiques qui caractérisèrent les œuvres émanant de la firme anglaise, et qui firent son succès jusqu’à l’orée des années 70. A l’heure où sort cette suite tardive, Christopher Lee est devenu une star dont la seule présence suffit (il n’a plus à partager la vedette avec Peter Cushing), et Terence Fisher s’est affirmé comme étant l’un des meilleurs réalisateurs de la célèbre maison de production. Leur énième collaboration s’annonce sous les meilleures auspices, et pourtant… Jimmy Sangster, le scénariste maison à l’origine du dépoussiérage des mythes de Dracula et de Frankenstein, se satisfait si peu de son scénario qu’il le signe, une fois n’est pas coutume, sous pseudonyme. Christopher Lee partage son sentiment, regrettant pour sa part que l’histoire de cette suite fasse si peu écho au livre de Bram Stoker. Mais comment pouvait-il en être autrement, le comte Dracula disparaissant corps et bien à la fin de l’épisode précédent ? Malgré tout, il accepte de reprendre le rôle, s’interdisant tout dialogue, en signe de désapprobation. Une coquetterie bénéfique qui accentue l’animalité de Dracula, plus prédateur que jamais.

Le film s’ouvre sur une procession funéraire qui trahit la peur tenace enfouie en chacun des habitants d’une région trop longtemps marquée par les raids sanguinaires du comte Dracula et de ses ouailles. Bien que décédé, son aura continue à tourmenter ces pauvres gens qui vivent toujours dans la crainte des vampires. Ainsi, chaque mort se voit planter un pieu en plein coeur, et les gousses d’ail ornent chaque demeure. Plus personne n’ose s’aventurer dehors la nuit, et l’existence du château est purement et simplement niée. Toutefois, c’est une peur qui reste discrète, seulement ressentie par les gens du coin. Personne n’évoque le comte en présence des deux couples de touristes. Même le père Sandor, pourtant peu enclin à tomber dans cette psychose, se garde bien de leur parler ouvertement de ce qui traumatise la région. Il se contente de les mettre en garde pour qu’ils n’aillent pas au château. Mais à ne pas dire les choses clairement, on laisse la porte ouverte à la curiosité, défaut à l’origine de bien des maux (rappelez-vous la boîte de Pandore !).

Terence Fisher prend son temps pour nous dévoiler la figure maléfique. Les quatre touristes lui permettent de nous replonger en douceur dans l’univers vampirique, et de préparer au mieux le retour du prince des ténèbres. Un Dracula qui, tel le phénix, renaît littéralement de ses cendres, grâce au concours de l’un de ses infortunés hôtes, saigné à blanc par le fidéle majordome, au-dessus de ce qui subsiste de son maître. Cette résurrection constitue le clou d’un film qui manque singulièrement d’énergie et d’ambition. Alors qu’il avait toute latitude pour faire régner à nouveau la terreur dans toute la région, Dracula préfère se focaliser sur une proie unique, la fort charmante Diana. A ce stade du film, la population n’existe plus aux yeux de Terence Fisher. Seule compte la mise en place du combat final entre le bien et le mal, auquel le peuple ne peut pas prendre part. Tout se jouera donc entre Dracula et Diana, son époux Charles et le père Sandor, remplaçant au pied levé le docteur Van Helsing, qui ne se déplace jamais deux fois pour la même chose. Esthétiquement, Dracula prince des ténèbres se révèle moins flamboyant que son prédécesseur. Les couleurs se font plus discrètes, et certaines scènes semblent même avoir été tournées en extérieur. Le romantisme a également totalement déserté le récit, mais pas un certain érotisme trouble, inhérent au vampirisme. Dracula n’a rien perdu de son magnétisme, et on peut voir dans son mouvement de cape qui enveloppe sa victime, autant une astuce pour satisfaire la censure, qu’un voile pudique jeté sur le seul plaisir que s’accorde le comte.

Haute figure littéraire et cinématographique, Dracula est condamné à revenir nous hanter sans cesse. Classieux, romantique, fascinant et effrayant, il peut même se montrer ridicule lorsque son devenir est placé entre de mauvaises mains. Ce qui n’est pas le cas avec Terence Fisher, qui même lorsqu’il se trouve loin de sa meilleure forme, conserve suffisamment de métier et de respect pour le matériau d’origine pour aboutir à un film honorable.

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