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Dracula – John Badham

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Dracula. 1979

Origine : Etats-Unis / Royaume-Uni 
Genre : Épouvante 
Réalisation : John Badham 
Avec : Frank Langella, Laurence Olivier, Kate Nelligan, Donald Pleasence…

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Il n’aura pas fallu beaucoup de temps au Comte Dracula pour refaire parler de lui après l’écroulement de la Hammer, qui couvait déjà depuis pas mal d’années. Mais son retour se joua d’abord sur les planches de Broadway, avec la reprise de l’adaptation théâtrale de 1924 signée Hamilton Deane et John L. Balderston. La même sur laquelle s’était basée la Universal en 1931 pour le film de Tod Browning avec Bela Lugosi. Fructueuse, cette réinterprétation resta sur les planches durant 3 ans, de 1977 à 1980 et gratifia l’acteur Frank Langella d’une reconnaissance qui allait lui valoir le rôle titre de la nouvelle adaptation cinématographique de 1979, sous la houlette d’une Universal nostalgique et d’un John Badham bien loin des boules à facettes de Saturday Night Fever. A noter qu’à peu près au même moment, pendant que Badham tournait ce qui s’apparente à un remake du film de 1931, Werner Herzog planchait sur sa propre version du Nosferatu de Murnau, ne laissant que leurs yeux pour pleurer aux ex pontes de la Hammer qui avaient bouclé leur propre franchise vampiresque dans un modernisme des plus calamiteux. Encore qu’un retour aux sources n’est pas forcément synonyme de réussite…

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Comme de nombreuses adaptations avant et après lui, le Dracula de Badham prend ses libertés avec le roman de Bram Stoker (qu’il soit l’adaptation d’une adaptation n’est pas une excuse valable !). Il en a le droit, pour peu que le scénario se tienne. Et c’est précisément ce point qui laisse perplexe. Non pas que le film n’ait aucun sens, mais tout semble aller bien trop vite en besogne, laissant la désagréable impression que toute l’intrigue se résume à une série de fâcheuses coïncidences, là où le roman de Stoker, pour inégal qu’il soit, progressait avec une louable logique. Badham et son scénariste W.D. Richter (L’Invasion des profanateurs, Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du mandarin) n’échappent pas à cette manie qu’on les adaptateurs de Dracula de vouloir à la fois s’arranger avec la narration de Stoker tout en insérant dans leur film le plus de références possibles issues du roman, parfois de façon aussi ténue qu’une ligne de dialogue. Le scénario se retrouve donc coincé entre les deux tendances, celle de l’adaptation et celle de la distanciation, incitant inconsciemment le spectateur à compenser les manquements par sa propre connaissance du roman. Chose qui ne serait pas arrivée si Badham avait clairement choisi son objectif. Au lieu de cela, son film démarre carrément in media res, alors qu’un Dracula transformé en loup sème le souk sur le bateau censé le débarquer en Angleterre. Il se poursuit par une tonne de facilités, incluant la grossière simplification des liens entre les personnages : Lucy (choisie comme héroïne à la place de Mina) devient la fille de Seward et la fiancée de Jonathan Harker, Mina devient la fille de Van Helsing et ce dernier est appelé à la rescousse après la mort de sa fille. Exit Quincey Morris et Arthur Holmwood. Par contre, Renfield a droit de cité, alors même que son rôle initial (que l’on résumera sommairement en le taxant d’oiseau de mauvais augure) est contredit par le fait qu’il devient fou subitement au cours du film. De là à penser que son utilité est simplement de permettre des scènes entomophages, il n’y à qu’un pas. Le cadre créé par les personnages se montre bien trop étriqué, et dès lors le cas de Renfield apparaît symptomatique de cette incapacité à y faire rentrer des éléments du roman sans que le procédé n’apparaisse incongru. En allant plus loin, on peut même considérer que ce Dracula manque cruellement d’ampleur. Entre son unique lieu d’action, ce petit coin maritime d’Angleterre (en cela il s’agit de l’exact opposé des Nuits de Dracula de Jess Franco, dont l’action se déroule intégralement en Europe orientale), ses personnages trop peu nombreux et par conséquent la trop rapide gestation de toute l’affaire , on a presque l’impression que Dracula a sciemment choisi les deux ou trois pelés qui lui serviront de victimes pour des petites vacances sur la côte anglaise. En cela, il faut également voir le parti-pris du réalisateur et de l’acteur principal, bien décidés à faire du vampire une figure très humaine. En dehors de ses quelques transformations en loup et en chauve-souris, Dracula ne change jamais d’apparence, il reste ce jeune nobliau des Carpates vêtu de noir. Terne, très terne, ce maître vampire au brushing impeccable qui si l’on en juge sa présence envahissante n’est pas trop porté sur la discrétion. De par la cour acharnée qu’il fait à Mina puis à Lucy, il confine même au dandy de la pire espèce. Ce vampire est avant tout un séducteur, et se retrouve aux antipodes de la décrépitude malsaine représentée par Max Schreck dans Nosferatu ou de la bestialité impitoyable du Christopher Lee des meilleurs jours. Il est un peu le chaînon entre la théâtralité gothique de Bela Lugosi et le romantisme exacerbé de Gary Oldman dans l’adaptation signée Coppola une grosse décennie plus tard, mais la volonté de l’humaniser et de l’éloigner de l’imagerie traditionnelle du vampire (il n’a même pas de canines !) lui ôte toute forme de charisme propre à ce qui est quand même une créature maléfique majeure. D’une façon plus générale, les autres personnages restent eux aussi bien futiles, avec notamment un Donald Pleasence transparent dans le rôle d’un médecin dépassé et un Laurence Olivier anecdotique dans la défroque d’un Van Helsing âgé qui ne se remarque que par son accent batave. Il n’y à guère que les deux femmes du casting pour sauver les meubles, et encore… Il faut attendre que Lucy soit devenue la maîtresse de Dracula pour qu’elle impose son caractère à des hommes timorés (si le Seward de Pleasence est transparent, le Jonathan Harker de Trevor Eve est complètement translucide), tandis que Mina brille surtout par le maquillage qui fait d’elle une créature effectivement effrayante. Le temps d’une seule scène, d’ailleurs certainement la meilleure du film.

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Pour ne rien arranger, ce Dracula existe en deux versions. Une paraît-il colorée avec zèle, l’autre aux couleurs très ternes. C’est cette dernière qui a fini par s’imposer au début des années 90 suite à la sortie du laserdisc chaperonné par un Badham qui avait voulu tourner le film en noir et blanc. Dans l’absolu, ces couleurs très grises ne sont pas vilaines, et confèrent un certain aspect rétro au décorum du château en ruine, du cimetière, des toiles d’araignées et autres lieux typiques de Dracula, quitte à paraître en décalage avec le maître vampire lui-même, qui pour sa petite personne évite les clichés. Compte tenu du manque de peps du scénario comme des personnages, cela ne fait que rendre le tout encore un peu plus pâlot. Et au milieu de tout ça, la composition musicale symphonique de John Williams (assez proche de ce que fera Wojciech Kilar pour Coppola) apparaît égarée voire pompeuse. Bref, pour faire court, ce Dracula n’est pas loin d’être le pire. Il retrouve les mêmes défauts scénaristiques que le Dracula de Browning (c’est à se demander si le pièce de théâtre sur laquelle ils se basent tous les deux ne serait pas un peu mauvaise) en leur ajoutant ses propres mauvaises idées, à commencer par l’orientation prise par le rôle titre…

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