CinémaWestern

Django et Sartana – Demofilo Fidani

djangoetsartana

Quel maledetto giorno d’inverno… Django e Sartana all’ultimo sangue. 1970

Origine : Italie 
Genre : Western 
Réalisation : Demofilo Fidani 
Avec : Fabio Testi, Jack Betts, Dino Strano, Benito Pacifico…

Tout frais sorti de l’école militaire, Jack Ronson (Fabio Testi) débarque dans la petite ville de Black City pour y occuper le poste de shérif vacant depuis le meurtre de son prédécesseur. Il trouve la ville sous la domination conjointe de l’infâme gang de Bud Willer (Dino Strano) et des bandidos mexicains de Sanchez (Benito Pacifico), qui essaient illico de l’intimider, profitant de son inexpérience. Fait troublant, l’arrivée du nouveau shérif s’est accompagnée de l’arrivée quasi simultanée d’un homme sans nom (Jack Betts) qui se montre particulièrement intéressé par le passif de Willer.

Malin, le père Fidani. Non seulement il invoque ouvertement Django et Sartana, deux des plus fines gâchettes du western spaghetti, mais en plus il s’abstient pendant une grande partie du film de donner la moindre information sur l’un d’entre eux, singeant ainsi la méthode de Sergio Leone pour les personnages de Clint Eastwood. Il s’avérera après plus d’une heure qu’il s’agit de Django. Quant à l’autre personnage, Jack Ronson, on apprendra dans la toute dernière scène qu’on le surnomme Sartana. Il y a déjà longtemps (du moins en terme de films tournés, puisque les Django et Sartana originaux ne datent tous deux que de 1966) que ces deux noms ont été galvaudés par des producteurs et réalisateurs jamais très scrupuleux lorsqu’il s’agit d’assurer les recettes de leurs petits westerns. Fidani est d’ailleurs un expert en la matière, puisqu’au moment de tourner Django et Sartana il dispose déjà à son actif de deux Sartana et d’un Django pirates. Et tant qu’à faire, autant reprendre son propre Django, à savoir l’américain Jack Betts, acteur fétiche du réalisateur qui fera encore quelques westerns avec lui (dont certains seront vendus comme des Django et / ou des Sartana). Pour Sartana, Fidani aurait également pu reprendre son poulain Jeff Cameron, qui avait joué le rôle dans les deux films du réalisateur qui lui sont consacrés, mais probablement faute de pouvoir payer le salaire de deux yankees à la fois il se rabattit sur Fabio Testi, dont la carrière commençait à décoller. Et voilà la doublette constituée. Ça nous fait une belle jambe, puisque ni Django ni Sartana ne répondent aux caractéristiques qui leurs sont propres. Que leurs noms ne soient évoqués que négligemment au détour de conversations stériles (“tiens au fait, on m’appelle aussi Sartana”), passe encore, mais que leurs personnalités soient à ce point anonymes est plus problématique. Django n’est après tout qu’un pistolero comme il en existe tant, et Fidani se précipite sur le concept de “l’homme sans nom” pour éviter d’avoir à creuser davantage le personnage. Quelques plans nous laissent penser qu’il est revenu pour venger une famille assassinée par Bud Willer, mais rien de plus nous sera dit. Du début à la fin, Sartana le prend d’ailleurs pour un chasseur de primes, ce qu’il pourrait aussi bien être puisqu’il n’est jamais confirmé que Django soit effectivement venu se venger de Willer. Gageons qu’il avait en fait du temps à perdre, et qu’il a décidé d’accomplir une petite vengeance qui ne pressait pas. Du coup le réalisateur n’a plus qu’à se reposer sur Jack Betts, qui il est vrai est très charismatique avec son regard d’acier et son manteau cache poussière indigo. C’est bien là son seul mérite, puisqu’il n’est ni philanthrope, ni anti-héros, ni rien d’autre. Quant à Sartana, il a raison de se cacher sous le nom insignifiant de Jack Ronson, tant son inexpérience est flagrante. Jouer son autorité au bras de fer avec Willer -et perdre- n’est pas digne du pistolero incarné naguère par Gianni Garko. Tout comme il concentrait toute la caractérisation de Django sur le charisme de Jack Betts, Fidani limite Sartana à une seule dimension, celle de son manque de confiance. Il ne lutte pas pour s’affirmer davantage, il ne dit rien sur ce qu’il ressent, et lorsque vient son grand duel final il finit tout de même par triompher. Est-ce un coup de chance ou bien avait-il caché son jeu, on ne le sait pas. Il y a bien un évènement qui serait susceptible de donner une explication, mais comme pour Django et son deuil, il n’y a pas suffisamment de développement pour en tirer une explication. On ne peut pas non plus compter sur le comportement des eantagonistes pour cerner les deux vedettes, puisque Willer et Sanchez sont encore moins travaillés que leurs ennemis. Willer est un méchant bien habillé au sourire narquois, Sanchez est un méchant en pancho qui rit plus qu’il ne parle, et c’est à peu près tout. Leur domination sur la ville se limite à maltraiter les serveurs et serveuses du saloon ou à violer une villageoise et à assassiner son mari scandalisé. Pas de domination politique, pas de racket, pas de profondeurs à leurs méfaits. Même le flash-back qui leur est consacré et qui nous montre leur arrivée en ville (un braquage, le meurtre du précédent shérif et celui de la famille que Django cherche ou non à venger) peine à les faire passer pour autre chose que de vulgaires petites frappes. Il n’offre aucune révélation, n’a aucune répercussion sur l’histoire au présent et aurait aussi bien pu être placé en ouverture de film, respectant ainsi l’ordre chronologique. Django et Sartana souffre du syndrome de la coquille vide, incapable de faire autre chose que d’aller en deux courtes lignes directes d’un point A à un point B et d’un point C à un point D, c’est à dire envoyer l’un des deux gentils tuer un des deux méchants. Il n’y a quasiment pas de liens entre les personnages : Django et Sartana se parlent peu et c’est à peine si le shérif s’offusque de voir un autre homme faire la loi à son nez et à sa barbe. Quant à Willer et Sanchez, ils sont amis, mais ils ne se concertent pratiquement jamais, chaque gang restant dans son coin. Et bien sûr, l’antagonisme entre gentils et méchants ne repose sur rien, à part peut-être le conflit d’ego (à moins de faire grand cas de la vengeance de Django, ce qui reste difficile… il s’agit en fait d’attribuer le méchant à un gentil en vue des duels).

Fidani signe là un film mort. Non pas mort dans le sens où il y règne une atmosphère macabre (même si la brume et la boue sont les seuls liens qui unissent le film au véritable Django), mais mort parce qu’il n’y a aucune ampleur. Les gangs se limitent à une demi-douzaine de personnes, les villageois sont absents, les enjeux dramatiques sont inexistants, les deux duels de fin sont convenus… Il se passe pourtant des choses entre l’arrivée des deux héros et la mort de leurs ennemis, mais ce n’est que du remplissage ne portant pas très loin : le flash-back, les sauteries au saloon, l’expédition chez le villageois et sa femme, quelques bagarres (extrêmement mal filmées d’ailleurs, puisque Fidani croit bon d’entrer au cœur de l’action en secouant sa caméra comme un prunier)… L’impression qui se dégage après avoir vu Django et Sartana est celle d’avoir assisté à un non-film, tourné en un minimum de temps avec un minimum d’implication, dont la seule raison d’être est l’exploitation d’un titre prometteur. Seule qualité du film (même Fabio Testi, d’habitude génial, y est insipide), Jack Betts aurait mérité mieux que d’avoir perdu une partie de se carrière en Italie dans de semblables inepties.

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