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Diamants sur canapé – Blake Edwards

diamantssurcanape

Breakfast at Tiffany’s. 1961

Origine : États-Unis
Genre : Comédie dramatique
Réalisation : Blake Edwards
Avec : Audrey Hepburn, George Peppard, Vilallonga, Buddy Ebsen…

A l’origine de Diamants sur canapé, il y a une nouvelle signée Truman Capote, dont l’adaptation à l’écran fut confiée à John Frankenheimer. Marilyn Monroe devait apparaître dans le rôle principal, avec l’ardent soutien de l’auteur lui-même. Le scénario fut ainsi écrit par George Axelrod, déjà auteur du formidable Sept ans de réflexion, dans l’optique d’avoir Marilyn dans le rôle principal. C’était sans compter sur les aléas de la production : Frankenheimer fut remplacé par Blake Edwards, qui n’était alors pas le génie qu’il devint avec ses Panthère Rose ou avec The Party, mais qui était tout de même le réalisateur d’une excellente Opération Jupons avec Cary Grant et Tony Curtis. Quand à Marilyn, à la consternation de Capote, elle ne fut finalement pas retenue, et c’est à Audrey Hepburn qu’échut le rôle. Un choix pouvant paraître étrange, compte tenu des dispositions de l’actrice, bien moins à l’aise dans les rôles de femmes du monde manipulatrice qu’une Marilyn déjà rodée à l’exercice, notamment avec Comment épouser un millionnaire, dont l’histoire présente quelques similitudes avec celle de Diamants sur canapé. En beaucoup moins subtile, il va sans dire.

Le film de Blake Edwards est une étude de caractère portant sur Holly Golightly (Audrey Hepburn), jeune femme en apparence très semblable à celles du film de Negulesco : une femme sans argent mais avec des goûts de luxe (la joaillerie Tiffany’s est son paradis) à la recherche d’un milliardaire à épouser. Ne trouvant pas chaussure à son pied, elle se contente donc de fréquenter des hommes riches, les délaissant sitôt qu’elle a obtenu d’eux ce qu’elle voulait. Pour autant, Holly, si elle est le personnage central du film, n’est pas celui avec lequel le spectateur passe le plus de temps. Afin de mieux cerner ce personnage, le point de vue sera celui de Paul Varjak, écrivain sans succès et nouveau voisin de Holly. Lui aussi est un “entretenu”, à la différence près qu’il dispose d’une bienfaitrice unique, une riche femme mûre usant de lui comme d’un gigolo. Contrairement à Holly, qui semble se satisfaire de sa vie sans attaches, Paul n’est pas fier de sa situation. A première vue, c’est lui qui aurait besoin d’aide. Mais en rencontrant Holly, il se rendra compte que le plus malheureux des deux n’est pas celui que l’on croit. Trouvant en Holly la raison de se sortir lui-même du marasme émotionnel, il cherchera à connaître la jeune femme et à l’aider… si du moins elle accepte d’oublier sa façade mondaine et à lui révéler sa vraie nature.

Ainsi, le spectateur se trouve placé au même niveau que Paul, très vite renommé “Fred” par Holly en hommage à son frère mobilisé dans l’armée. Comme lui, il découvrira petit à petit l’attachante personnalité de Holly et sera intrigué par les raisons qui l’on conduit à devenir une prédatrice mondaine, totalement opposée à ce qu’elle est avec Paul, considéré comme un ami par une jeune femme visiblement pas décidée à connaître le véritable amour. Le baptiser du nom de son frère semble ainsi être un moyen visant à ne pas engager les choses sérieuses avec lui. C’est l’une des défenses de la jeune femme, qui peut du même coup se montrer sous un autre jour avec son nouveau voisin. Dépourvue des robes de luxes et du long porte-cigarette (une posture glamour devenue icône et pourtant bien moins attractive que Hepburn dans ses tenues plus humbles), elle n’est plus la même femme. L’illustration la plus parfaite en est la fameuse chanson “Moon River”, composée par Henry Mancini (déjà fidèle à Blake Edwards), chantée avec sensibilité par Hepburn. De là à dire qu’elle révèle sa vraie nature, cela serait mentir. Ces scènes impliquent simplement que derrière l’aspect arriviste assez ignoble se cache quelque chose de guère réjouissant. La tendance à l’alcoolisme, ses soirées festives pleines d’inconnus avinés (anticipant The Party), les nombreuses plaintes formulées par Holly à l’encontre de ses conquêtes (classées en catégories “salauds” et “super salauds”) tendent à prouver l’existence d’un traumatisme profond, refoulé.

Petit à petit, le film cesse d’être cette comédie à propos d’une jeune femme loufoque pour se transformer en un drame véritablement touchant sur la fuite en avant de cette même jeune femme, incapable de se sentir à l’aise où que ce soit et pourrissant sa propre existence en même temps que celle des autres. Audrey Hepburn ne tient pas un rôle facile : certes son personnage est attachant, mais il est aussi quelque part révoltant. Car, en faisant preuve de tant d’égoïsme, ce n’est pas seulement elle-même que Holly perturbe : c’est aussi les autres, les hommes lui portant une véritable affection. Découvrir son passé et l’origine de ses traumatismes sera ainsi la clef du mystère Holly Golightly, celui qui permettra à Paul de la comprendre et peut-être, de parvenir à l’aider et à la remettre sur une voie sentimentale normale. George Peppard (remplaçant d’un tout jeune Steve McQueen, pas encore “King of cool” pris sur un autre tournage) n’hérite pas non plus d’un rôle facile : son Paul Varjak a beau être l’homme par lequel le spectateur apprend à connaître Holly, il reste toujours dans l’ombre de celle-ci. Son traumatisme est moindre mais il existe, et Paul est amené à souffrir et à encaisser silencieusement les coups dans l’attente d’un changement de cap de la part de sa complexe voisine. Peppard n’a pas la prestance d’un Cary Grant ni le charme d’un James Stewart. L’acteur pourra ainsi paraître bien fade. Avant de le juger ainsi, il faudra non seulement prendre en compte que son personnage n’est pas au cœur du film comme l’est celui de Audrey Hepburn, et qu’en plus celle-ci incarnera Holly de façon prodigieuse. D’une grande délicatesse, raffinée y compris dans les scènes d’ivresse, laissant passer une certaine tristesse alors même que son personnage s’échine à faire croire à son bonheur, Hepburn ne laisse pas d’autre choix au spectateur que d’aimer son personnage, renforçant ainsi l’immersion dans un film qui aurait pu être parfait, n’eut été pour ce gag récurrent et hors-sujet du voisin japonais (joué par Mickey Rooney) pestant contre le tapage nocturne.

L’âge d’or d’Hollywood a encore frappé, et quand viendra le temps d’un final pourtant prévisible, le spectateur ne pourra que se laisser gagner par l’émotion véhiculée avec grâce par des acteurs au sommet, par un réalisateur signant son premier chef d’œuvre et par un musicien inspiré par son sujet. Breakfast at Tiffany’s achève de consacrer plusieurs personnalités hollywoodiennes et a probablement constitué le plus gros regret de la carrière de Marilyn Monroe, qui a manqué là l’occasion (pourtant méritée) de se sortir avec subtilité de ses rôles d’ingénues.

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