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Comment réussir quand on est con et pleurnichard – Michel Audiard

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Comment réussir quand on est con et pleurnichard. 1974

Origine : France 
Genre : Comédie 
Réalisation : Michel Audiard 
Avec : Jean Carmet, Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Jane Birkin…

Antoine Robineau (Jean Carmet) est représentant de commerce pour le vermouth Vulcani (“le vermouth des intrépides”) fabriqué par sa mère, grosse vieille portée sur la bouteille. Afin de compenser la réputation catastrophique du produit (qui aurait provoqué des désastres morphologiques chez ses consommateurs) et réussir à le vendre, il propose de donner à ses acheteurs, des cafetiers, une pendule Vulcania. Mais l’approche commerciale n’est rien face à l’approche psychologique : pour trouver preneur, Antoine a recours aux sentiments, pleurnichant sur sa médiocre situation et n’hésitant pas à inventer dans les détails le récit pathétique de l’enterrement de sa mère. Les affaires marchent ainsi raisonnablement. Après avoir adapté cette stratégie à sa vie sentimentale, Antoine va faire la connaissance de Cécile, propriétaire d’un hôtel de luxe confié aux bons soin de son mari Gérard (Jean-Pierre Marielle), lui-même amant grande-gueule et vaniteux de l’opportuniste Marie-Josée, dont Antoine est épris. Ce dernier sera également amené à côtoyer le cynique pianiste Foisnard (Jean Rochefort), musicien et amant attitré de Jane (Jane Birkin), une strip-teaseuse attirée par les minables. De nombreuses tribulations vont amener à une espèce de jeu de chaises musicales sentimentales et professionnelle, chacun étant amené à un moment ou un autre à changer de partenaire et d’emploi.

Réalisé et écrit par le grand Michel Audiard, et disposant d’un casting magnifique, avec non seulement les têtes d’affiches que sont Carmet, Marielle, Rochefort et Birkin mais aussi des seconds rôles tels que Daniel Prevost (gérant du cabaret dans lequel se produit Jane), Féodor Atkine (mime du même cabaret), Robert Dalban (cafetier embobiné par Antoine) et même Jean-Claude Dreyfus dans son premier rôle crédité au cinéma (celui d’un transformiste du cabaret), il était logique que Comment réussir quand on est con et pleurnichard soit une réussite. Il s’agit d’un Audiard au meilleur de sa forme, s’attaquant à la fois au misérabilisme calculé de minables complets en quête de réussite sentimentale et professionnelle aussi bien qu’à la vanité libertine de personnes aisées. Tous les personnages se valent, et en dépit de leurs fréquents changements de situation, ils agissent tous de la même façon, les pauvres essayant de réussir par la ruse et les riches ne réussissant pas à rester sages. Les hommes sont avant tout visés, mais les femmes ne sont pas non plus épargnées, et elles aussi aiment bien butiner à droite et à gauche, même la très sage Cécile, qui sous ses dehors bourgeois accepte bien volontiers d’avoir trois compagnons différents durant la durée des évènements. Les acteurs livrent tous des numéros exemplaires, chacun composant plus ou moins dans un registre auquel il est habitué : Carmet et son humilité appelant à corps et à cri à la pitié (le poème qu’il déclame à tout bout de champ), Marielle et ses prétentions sans limite contredites par son penchant à la beaufitude (il faut le voir fanfaronner dans son gros manteau de fourrure) et par son incompétence à comprendre quoi que ce soit, Birkin et sa sensualité salope, Rochefort en bon copain faux-cul… Les personnages alternent entre le lyrisme de comptoir (surtout Carmet, dont le speech sur les vertus de son vermouth tord-boyaux est hilarant), la compassion hypocrite (Carmet et son excuse pour coucher avec Cécile reposant sur la nécessité de rendre jaloux Gérard) et la vulgarité la plus crasse.
Evidemment, les dialogues sont de très haut niveau, oscillant eux aussi entre les différents aspects venant d’être mentionnés, avec parfois une formulation prétentieuse jusqu’à l’absurde (“Dans des conditions que je tiendrai secrètes, une personne dont je tairai le nom m’a dit des choses que je ne peux répéter“), avec de la philosophie cynique (“Y’a des aristocrates et des parvenus, dans la connerie comme dans le reste…“), et bien entendu avec des moments purement adaptés aux situations, tel que dans ce qui est certainement la meilleure scène du film, confrontant après l’amour le minable Antoine à l’anglaise Jane, attirée par les gens comme lui :
Jane : J’étais sûre que t’étais formidable. Je suis pas déçue. Tu m’as loupée comme un chef. T’as pas arrêté de dire des conneries. T’as failli mettre le feu au paddock avec ta cigarette. Tu portes un maillot de corps. Tu gardes tes chaussettes.
Madame Robineau : Antoine !
Antoine : Oui maman !
Madame Robineau : Quand t’auras fini de tringler, tu viendras ranger ta voiture qu’est dans le passage !
Jane : Et y’a même ta maman ! Y’a tout ! T’es une synthèse.
Un qualificatif de “synthèse” qui sera plus tard appliqué à Gérard, qui avec son habituelle connerie ira s’en vanter.

Comment réussir quand on est con et pleurnichard est une comédie de haut niveau, brocardant non sans une certaine empathie tous les cons de France, les cons et connes riches, les cons et connes pauvres, tous mis dans le même panier. Une étude du comportement humain faisant volontairement l’impasse sur la modération et appuyant avec force et intelligence sur les caractéristiques de ses personnages.

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