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Calmos – Bertrand Blier

calmos-affiche

Calmos. 1976

Origine : France
Genre : Guerre des sexes
Réalisation : Bertrand Blier
Avec : Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Brigitte Fossey, Bernard Blier, Claude Piéplu, Michel Peyrelon. 

Paul Dufour (Jean-Pierre Marielle), gynécologue de son état, décide un beau jour de se faire la belle, délaissant ses nombreuses patientes sans même un mot à leur égard. C’est qu’il en a marre, le Paul. Marre des femmes qui lui pompent l’air. En chemin, il croise la route d’Albert (Jean Rochefort), un quidam qui partage avec lui son exaspération pour le sexe faible. Tous deux décident alors de prendre la tangente, prenant leur quartier dans un rustique village. Là, ils s’accordent un repos bien mérité tout en ripaillant jusqu’à n’en plus pouvoir en compagnie du curé du coin (Bernard Blier). Jusqu’au jour où leurs épouses les retrouvent, bien décidées à leur faire réintégrer le giron familial.

Bertrand Blier est ce qu’on peut appeler un récidiviste. Non content d’avoir bousculé les convenances avec son duo de joyeux anars dans Les Valseuses, le cinéaste pousse encore plus loin la provocation en osant le film phallocrate en pleine montée du féminisme. Et le moins que l’on puisse dire est qu’il y va fort, le bougre ! Il dépeint ni plus ni moins les femmes comme des êtres assoiffés de sexe, à la vulgarité portée en étendard et peu soucieuses du bien-être masculin. A tel point que face au refus de ces messieurs de s’astreindre à leurs devoirs conjugaux, elles leur mènent une guerre sans merci, les traquant sans relâche à travers le pays. Et malheur au pauvre bougre qui aura la mauvaise idée de tomber entre leurs mains ! Celui-ci sera alors immanquablement violé, essoré jusqu’à la dernière goutte par une horde de femmes en furie. Bertrand Blier ne craint pas de forcer le trait, orientant progressivement son film vers la fable « futuriste ». Il dépeint une société matriarcale qui, à force d’épuiser les hommes, se doit de soutenir médicalement les plus vigoureux d’entre eux afin de permettre à la population féminine de bénéficier de sa dose de coït. Arrivé à ce stade-là, il n’est plus du tout question ni d’amour, ni d’affection. L’acte sexuel devient un acte mécanique, placé sous haute surveillance et orchestré à la chaîne pour en améliorer le rendement. Dans cette société, le devoir citoyen ne passe plus par les urnes (« A voté ! ») mais par les burnes (« A baisé ! »). Un constat prompt à hérisser les féministes de tous poils, ce qui n’a certainement pas manqué d’arriver un an seulement après l’année internationale de la femme, devant un film pourtant ouvertement provocateur, et s’assumant comme tel jusqu’à un final qui oscille entre mauvais goût et ringardise.

Sous des dehors frondeurs et misogynes, Bertrand Blier se veut beaucoup plus subtil que ça. Au-delà de la provocation grossière, Calmos dépeint les affres de la quarantaine et tout ce que cela présuppose de questionnements chez le mâle prétendument dominant. Derrière ce renoncement aux plaisirs de la chair, mais pas de la bonne chère, se cache les tourments de l’homme face à une libido en berne. Comment assumer des prestations en demi-teinte lorsque la performance sexuelle constitue l’une des composantes de la masculinité triomphante ? Plutôt que de faire front, d’agir comme des adultes, et d’apprivoiser leurs faiblesses, Paul et Albert choisissent la fuite. Une fuite qui prend valeur de déni, les deux hommes estimant avoir seulement besoin de se ressourcer avant de pouvoir à nouveau affronter le stress du quotidien. Il y a une forme de lâcheté qui se dessine chez ces hommes, se carapatant à la moindre occasion plutôt que de se confronter à leurs problèmes. Et également un certain infantilisme, ces bons messieurs préférant de bons gueuletons partagés avec des amis plutôt qu’un tête-à-tête avec leur moitié. Une fois encore chez Bertrand Blier, la figure masculine n’en ressort pas grandie. Néanmoins, il porte sur ses deux héros le regard attendri de celui qui se reconnaît dans leurs faiblesses, tout en les plongeant en plein cauchemar. Un cauchemar qui prend les atours d’un cercle vicieux. Paul et Albert, devenus deux ermites usés par des années de procréations forcées, trouvent comme ultime refuge à la furia féminine… l’utérus d’une naïade, alanguie sur une plage paradisiaque. Eux qui ont longtemps été considérés comme de simples phallus finissent dans un écrin à leur mesure, à la fois objet de convoitises pour la jeunesse tempétueuse et matrice de tous leurs tourments.

Coincé entre le phénomène Les Valseuses et l’oscarisé Préparez vos mouchoirs, Calmos fait figure de vilain petit canard, à la fois boudé par le public et renié par son auteur. Sans pour autant être honteux, le film souffre principalement d’un trop-plein d’idées disparates qui peinent à former un tout cohérent. En outre, dans sa partie la plus fantasque, les ellipses s’amoncellent comme autant d’impasses narratives. Il en résulte un ennui progressif que les bons mots chers à Bertrand Blier, même servis par les excellents Marielle et Rochefort, ne peuvent circonscrire. La profusion d’effets de manche ne sied guère au cinéaste, jamais plus à l’aise que dans la simplicité à l’image de l’entame du film –parfaite–, prologue silencieux mais lourd de sens quant à ce qui va suivre. Si tout le film avait été de cet acabit, alors Calmos aurait compté parmi les meilleurs Blier. En l’état, il s’agit d’une curiosité paillarde et quelque peu bravache de la part d’un cinéaste qui aime bien donner le bâton pour se faire battre.

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