CinémaThriller

Buried – Rodrigo Cortés

buried

Buried. 2010

Origine : Espagne / Etats-Unis 
Genre : Thriller 
Réalisation : Rodrigo Cortés 
Avec : Ryan Reynolds et les voix de José Luis García Pérez, Robert Paterson, Stephen Tobolowsky…

Buried débarque sur les écrans de cinéma de notre pays tout auréolé d’une réputation élogieuse glanée dans les nombreux festivals où il a été projeté (Sundance notamment, mais aussi le Festival européen du film fantastique de Strasbourg, où le film a décroché le Grand Prix). Mais le film est surtout précédé par une campagne marketing assez habile qui a su « créer le buzz » comme on dit maintenant. Et cela notamment grâce à une bande annonce interactive nécessitant un téléphone portable, lequel permet de « dialoguer » avec le personnage enfermé en appuyant sur des touches correspondant à des phrases. Dans le même esprit, une page facebook qui comptabilise le nombre de clics a été créée, l’internaute peut ainsi faire avancer les recherches du personnage en rejoignant cette page. Voilà en tout cas des techniques de marketing innovantes et amusantes, qui fonctionnent en impliquant le spectateur dans le procédé. Ce qui est assez cohérent dans la mesure ou le film se donne le même objectif.

L’histoire du film est très simple : Paul Conroy se réveille enfermé dans une grande boite en bois, enterrée sous terre. Il ne sait ni qui sont ses ravisseurs ni pourquoi ils l’ont enfermé dans cette boite. Et il ne dispose que d’un briquet pour s’éclairer et d’un téléphone portable pour essayer de s’en sortir…

Le postulat de ce film repose entièrement sur un parti pris de mise en scène assez osé : ne pas faire sortir la caméra du cercueil dans lequel est enfermé le héros. Ceci évidemment dans le but de créer quelque chose d’immersif et de claustrophobique, impliquant au maximum le spectateur dans cette histoire. Ce procédé, hitchcockien en diable, le réalisateur Rodrigo Cortés l’emprunte justement au maître du suspense, et plus particulièrement à son film Lifeboat dans lequel la caméra ne quitte jamais le canot de sauvetage où sont les personnages. Sur le papier l’idée est sacrément séduisante pour moi, toujours friand d’expériences cinématographiques inédites. D’autant que derrière cette fausse simplicité du décor unique se cache de véritables enjeux de mise en scène. Ils sont relevés pour la plupart avec brio. Le réalisateur s’appuie en effet sur une assez large palette d’effets de réalisations. Et malgré l’apparente exiguïté du lieu de tournage, il parvient à enchaîner les travellings, les mouvements de caméras, et des cadrages très variés. Ne manque finalement qu’un petit travelling compensé, ce qui aurait été un bel hommage supplémentaire à Hitchcock. Pour mettre en œuvre ces effets, le réalisateur dispose de huit cercueils différents, chacun permettant de nouvelles prouesses. L’un des cercueil étant ouvert au dessus, permettant un travelling arrière « au travers » des planches, dont le résultat est une sorte de vue en coupe avec le héros perdu dans un océan de noirceur. Ceci, ainsi que les autres effets fonctionnent assez efficacement.
Et via cet exercice de style, Rodrigo Cortés prouve qu’il est un réalisateur à suivre. D’autant qu’il ne s’appuie pas uniquement sur ce que permet la caméra, mais joue également beaucoup avec le son. Outre l’usage assez efficace, même si un brin classique pour ce genre de projet, qu’il fait de la plutôt bonne musique du film, ce sont surtout les bruitages qui sont bien gérés. La respiration affolée du héros, amplifiée et déformée, se révèle terriblement anxiogène. Ainsi, dès les premiers instants du film, on est plongés dans le calvaire du héros. L’écran reste totalement noir tandis qu’une respiration rauque et rapide se fait entendre. Les sentiments du héros sont parfaitement communiqués au spectateur et rapidement, la claustrophobie et l’impuissance de cette situation se font ressentir.

Hélas ce très bon démarrage ne dure pas. La faute sans doute à un scénario qui ne parvient pas à transcender les bonnes idées qu’il contient. Tout l’aspect téléphonique de l’histoire est assez peu réussi. Les dialogues manquent parfois de réalisme, alors même que le scénariste ancre son histoire dans la réalité la plus brute. En outre, alors qu’il aurait été intéressant et stimulant de laisser planer le mystère sur les raisons et le lieu de l’enfermement, tout est très rapidement révélé : Paul Conroy est otage en Irak. Dès lors l’histoire et le film perdent un peu de leur intérêt, et le scénariste enfonce le clou en se rabattant sur des péripéties convenues et artificielles (la scène du serpent, les bombardements…) pour tenter de maintenir la tension. Ce qui reste assez maladroit.
Reste le sous-texte du film sur le manque total d’aide que peut recevoir quelqu’un placé dans cette situation. Même avec un téléphone portable, engin qui apparaît pourtant comme le meilleur moyen de communication actuel, le héros du film se heurte à un mur d’incompréhension plus difficile à briser que les planches de son cercueil. Le constat est particulièrement glaçant. Mais encore une fois dans le film, c’est amené de manière plutôt pataude en raison de la faiblesse des dialogues. Et l’impuissance qu’évoque le film n’est finalement guère ressentie ailleurs que dans la mise en scène. La faute également à cet abus de rebondissements qui tentent de maintenir une tension basée sur les effets de surprise, plutôt que de laisser une vraie place au suspense quitte à faire dans les longueurs. Le traitement de la narration est décidément et paradoxalement trop proche du blockbuster pour convaincre.

Au final il ne reste plus grand chose à dire sur ce film plutôt maigre. Nous sommes tout de même loin d’un ratage total à la Phone Game sur un thème similaire. Cependant, Buried ne parvient pas à être plus qu’un exercice de style sympathique, qui se regarde une fois pour l’expérience, mais dont la narration et les ressorts dramatiques ne brillent ni par leur efficacité ni par leur originalité.
Au rayon des histoires d’enterrés vivants The Cell et Oxygen parvenaient à êtres bien plus stressants en sortant la caméra loin du cercueil, tandis que la scène d’enterrement de Frayeurs de Lucio Fulci offrait en quelques minutes bien plus de plans marquants que Buried en 1h30… dommage pour un film qui partait pourtant d’une bonne idée avec un vrai talent de mise en scène derrière.

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