CinémaComédieHorreur

Bitten (la morsure) – Harvey Glazer

bitten

Bitten. 2008

Origine : Canada 
Genre : Comédie horrifique 
Réalisation : Harvey Glazer 
Avec : Jason Mewes, Erica Cox, Richard Fitzpatrick, Jordan Madley…

Jack (Jason Mewes) est un minable ambulancier de nuit vivant dans un sinistre appartement. Sa copine vient de le plaquer pour un prof de yoga, et du coup il se retrouve à pourrir les nuits de son collègue et ami Roger (Richard Fitzpatrick) à qui il évoque ses ressentiments sans se lasser. C’est lorsqu’il s’y attend le moins que l’amour va retomber sur Jack : en rentrant du boulot, il trouve une femme en sang au milieu des poubelles. Puisqu’elle refuse d’être amenée à l’hôpital, Jack se résout à l’amener chez lui, la débarbouille et découvre en Danika (Erica Cox) une compagne ravissante, gentille et dépourvue de toute attache sociale. Ses seuls défauts sont de ne pas supporter la lumière du soleil et d’être toutes les nuits en manque de sang. Mais Jack tient la perle rare et consent à des efforts.

Attention : affiche, casting et diffuseurs trompeurs ! Le poster laisse entrevoir un film de vampirette que l’ont pourrait imaginer tout droit sortie d’un épisode de Buffy, l’acteur principal Jason Mewes est un fidèle de Kevin Smith -et de plusieurs films très ciblés “ado MTV”- et le fait que Bitten ait été diffusé sur la pas très regardante Sci-Fi constituent autant de raisons d’être méfiants. En tant que réalisateur, Harvey Glazer n’affiche pas un CV apte à rassurer, puisque tout comme ses scénaristes il est pratiquement novice. Avec ses gags très primesautiers, ses répliques complaisamment crues entre Jack et Roger et son générique très révérenciel (au western, on se demande encore pourquoi), le début du film semble nous amener tout droit vers ce que l’on pouvait craindre, c’est à dire une comédie démagogique de plus sur le mode “j’en fais des tonnes”. Et puis progressivement, on se prend à remarquer que Harvey Glazer a de la suite dans les idées, et que même si les scories redoutées nous retombent de temps en temps dessus (des gags un peu trop lourds, une mise en scène parfois trop voyante) il parvient à éloigner son film des sentiers battus en traitant justement les étapes obligées avec une désinvolture salutaire. Tant et si bien qu’une fois parvenus au générique de fin -qui se déroule en parallèle avec un bêtisier pas très drôle il faut bien l’admettre- on finit par se dire que Bitten est dans l’esprit bien plus proche de son trop méconnu compatriote canadien Nothing de Vincenzo Natali que des films de Kevin Smith. Non pas que le sujet soit proche ni de l’un ni des autres, mais parce que l’on retrouve le même contrepied que celui entrepris par Natali vis-à-vis de son tandem de héros que tout désignait comme des branleurs et qui s’étaient finalement révélés bien plus sympathiques que prévus, principalement parce qu’ils évoluaient seuls dans un milieu peu propice aux rencontres de seconds couteaux inintéressants.

C’est ce qui arrive aux principaux personnages de Bitten, qui évoluent dans un milieu très cloisonné, soit l’appartement de Jake, soit le bureau et l’ambulance, et qui n’ont pratiquement aucun contact à l’extérieur de leur trio. Bref nous nous retrouvons pendant une heure et demi enfermés avec eux, ce qui aide grandement à les prendre en sympathie et contribue significativement à faire baisser le taux de gags indigestes. Dans de telles conditions, il est en effet bien plus difficile de se faire remarquer aux yeux des autres (c’est à dire de tous ceux que les coutumes des comédies adolescentes ont tendance à railler avec trop de gratuité), puisque les personnages n’ont guère d’intérêt à briller aux yeux de ceux qui partagent leur vie. Une fois exclue la possibilité de se montrer, il n’y a plus qu’à creuser les personnalités. Et celles de Jake, Danika et même Roger n’ont rien de bien particulières. Le premier est un jeune un peu paumé qui ne se départit jamais véritablement de sa conscience, la seconde n’est pas une vamp mais au contraire une jeune femme aimante et qui souffre véritablement de son mal, et le troisième affiche derrière sa façade beauf un vrai sens de l’amitié. Harvey Glazer ne tombe pas pour autant dans l’erreur inverse, c’est à dire faire quelque chose de trop lisse, à la Buffy. Il utilise au contraire cette normalité pour mieux retranscrire l’aspect humoristique de son histoire de vampire en parvenant à trouver un juste milieu permettant à son scénario de dépasser les innombrables pièges qui lui pendaient au nez.

Autant que les films “de potes”, les films de vampires reposent sur des thèmes incontournables. Mille fois traités, parfois génialement, parfois lamentablement, il est en tout cas difficile de renouveler le créneau. La plupart des tentatives se limitent dorénavant au jusqu’au-boutisme, dans le gore ou -plus souvent (cf. Buffy, Underworld, Twilight et compagnie)- dans le romantisme à outrance. Bitten ne cherche pas à être révolutionnaire, ni même à surfer sur une mode. Il ré-emploie des sujets usés : le côté relationnel, amoureux et sexuel du vampire, ainsi que la métaphore du vampirisme, qui se veut ici celle de la toxicomanie. Dans un cas comme dans l’autre il ne fait pas grand cas du thème traité, et surtout il évite le côté donneur de leçon. Ainsi le rapprochement avec l’addiction à la drogue se fait sur une tonalité gentiment comique et se montre même un peu subversive, puisque le réalisateur autant que ses personnages ne se soucient nullement du côté destructeur de la chose. Ce qui amuse Glazer est de montrer les soucis de Jack et Danika pour trouver la dose de cette dernière (c’est à dire du sang) puis pour sauver la face de leur quotidien de nouveau couple ne pouvant raisonnablement pas vivre dans le sang. Par contre, le meurtre ne les gêne pas plus que ça. Le tout sous les sarcasmes de Roger, qui ne connaît Danika que d’après ce que Jack lui en dit -et il ne dit pas que c’est une vampire-, et qui ne manque pas de railler son ami pour s’être trouvé une toxicomane comme petite amie. Jack est bien celui qui paye de sa personne, bien plus que Danika, et on ne peut que sourire autant de lui que de la situation lorsqu’il doit faire le ménage dans son appartement plein de sang. Des scènes qui auraient pu être très glauques, et d’ailleurs les éclairages verdâtres de cet appartement s’y seraient bien prêtés, mais Glazer les rend comiques en créant un énorme décalage reposant sur les personnalités de Jake et Danika ainsi que sur une chanson récurrente et obsédante volontairement infantile, voire carrément débile (“Tidy up your mess”) ne faisant que souligner la bizarrerie de cette relation.

Les relations sont justement l’autre facette de Bitten. La sexualité et le sentiment sont pour une fois étroitement mêlés : voici un film qui rend ses personnages à la fois gentils (pas d’autres mots possibles pour ce bon gars qu’est Jack et cette bonne fille qu’est Danika) mais aussi sexuellement très actifs. Ce qui nous change un peu des histoires d’amour platonique à la vie à la mort façon Buffy et Angel (deux exemples parmi d’autres… j’aurais aussi bien pu citer Mina Harker et Dracula dans le film de Coppola). Le schéma type serait même renversé : l’homme devient la carpette d’une femme casanière au sujet de laquelle on finit par se poser des questions : derrière son sourire permanent (du moins quand elle n’est pas en manque), son rire enjôleur, son apparente gêne et ses petites tenues, ne serait-elle pas un peu profiteuse ? Surtout qu’avec sa vie minable, Jack est bien le pigeon rêvé. C’est ce que pense le brave Roger, qui s’y connait en femmes pour avoir divorcé trois fois. Un certain machisme tend à faire son chemin, tapant aussi bien sur Danika que sur Jack, prêt à tout pour maintenir son idylle inespérée avec une telle femme. L’aspect sexuel bestial entre bien entendu également en ligne de compte : c’est pour Danika le lien qui existe entre la morsure de ses victimes, et c’est pour Jack l’excitation de la voir ainsi, toujours en petite tenue ou dévêtue, se jeter au cou des gens qu’il lui amène ou qu’elle se ramène elle-même, dans le cas d’une jeune femme qui leur permettra un peu de triolisme avant de passer aux choses sérieuses. Le côté sexuel du vampirisme est ouvertement revendiqué, et c’est un attrait qui compte beaucoup dans les liens entre Jack et Danika… ce couple est d’un certain côté très réaliste.

Avec sa façon de tourner en dérision ce qui est souvent plombé par excès de gravité, Harvey Glazer tombe dans un style d’humour noir humble et irrévérencieux, celui hélas trop peu usité d’Arsenic et vieilles dentelles et La Petite boutique des horreurs. Bitten est une comédie de mœurs horrifique reposant sur la caricature de la banalité, que ce soit celle de monsieur tout le monde et celle des vampires. Ce n’est en aucune manière novateur, mais c’est toujours bon à prendre en ces temps où le tape-à-l’œil est roi.

————————————————————————————————————————

zylo

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.