CinémaHorreur

Baby Blood – Alain Robak

baby-blood-affiche

Baby blood. 1990.

Origine : France
Genre : Grossesse gore
Réalisation : Alain Robak
Avec : Emmanuelle Escourou, Jean-François Gallotte, Christian Sinniger, François Frapier…

Le cirque Lohman accueille un nouveau pensionnaire aujourd’hui, une magnifique panthère dont le seul tort est d’être un brin trop agitée. Mais il faut la comprendre la pauvre bête, elle qui doit composer depuis on ne sait combien de temps avec un parasite qui la tourmente de l’intérieur. Peu reconnaissant, ledit parasite décide de quitter son hôte, non sans le faire exploser au passage, pour s’en trouver un autre plus accueillant, et surtout plus à même de lui donner vie. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Yanka, s’immisçant dans son intimité puis dans sa vie tout court. Impuissante face à cet être qui grandit en elle, elle n’a d’autre choix que de cohabiter avec lui, se rendant coupable de meurtres abominables pour contenter l’appétit insatiable de cette chose monstrueuse.

Auteur d’un premier film en 1987, le polar Irina et les ombres, Alain Robak récidive deux ans plus tard dans le cinéma de genre, mais cette fois-ci en s’orientant vers un genre peu voire pas du tout fréquenté en France : le gore. Aujourd’hui encore, le gore en France est fort peu apprécié des investisseurs qui lui préfèrent une bonne grosse comédie voire un film dit « auteurisant ». Parfois, il arrive que de jeunes cinéastes s’intéressent au genre pour son côté subversif et rentre-dedans, et cela donne le tout récent Martyrs (au générique duquel on retrouve le même responsable des effets spéciaux : Benoît Lestang), un film qui en devient ennuyeux à force de trop de prétentions. Alain Robak a, quant à lui, une approche nettement plus rigolarde du gore et ne cherche nullement à faire passer un quelconque message via le parcours sanglant de son héroïne. D’aucuns ont bien cherché à y voir une allégorie sur le sida en raison de la provenance africaine du parasite, mais ils ont fait fausse route. Dans l’esprit, Alain Robak se rapproche du Frank Henenlotter de Elmer, le remue-méninges, le message de santé publique en moins. En prenant une femme pour personnage principal, il donne une dimension nouvelle à son film gore, qui se teinte alors d’une quête de la maternité.

Femme pétrie de solitude perdue dans le monde bourru des hommes du cirque, Yanka mène une existence terne à l’avenir bouché. Elle est constamment ballottée entre l’envie de fuir cet univers de brutes et la peur de son homme, l’autoritaire Mr Lohman, qui l’empêche de le quitter. L’intrusion du parasite contribue à lui ouvrir un nouvel horizon en la poussant à franchir le pas et à enfin dire adieu au monde du cirque. Au début, ce nouvel horizon n’est pas très gai, se résumant à se terrer en marge de la société afin de ne pas succomber aux viles tentations auxquelles la soumet son occupant, tel le ver dans le fruit défendu. Mais la lutte apparaît très vite inégale tant le parasite dispose d’une grande influence sur son hôte, parvenant à force de souffrances à la pousser au meurtre. Yanka ne se caractérise pas par une force de caractère hors du commun. On devine qu’elle a toujours vécu sous le joug d’un homme, et le parasite ne fait que perpétuer cette situation. Il la domine et lui intime l’ordre de tuer dès que son besoin de sang, condition nécessaire à son développement, se fait sentir. Yanka se mue alors en prédatrice, attirant les hommes pour mieux pouvoir les tuer à l’abri des regards. Chaque meurtre est l’occasion pour Alain Robak d’exagérer les effets sanglants, le sang giclant abondamment aux quatre coins de l’écran. Lors de ces scènes, la caméra épouse parfois les points de vue les plus tarabiscotés comme celui de la roue d’un camion ou celui d’un couteau. Dans son errance, Yanka rencontre tout un panel de beaufs bien gratinés qui va du chauffeur routier homosexuel redevenu hétéro aux passagers d’un autocar, supporters de foot bas du front et peu portés sur la galanterie, en passant par un séducteur de Prisunic, pique-assiette ringard qui n’ôte même pas ses chaussettes lorsqu’il fait l’amour. Aucun savoir-vivre ! Le réalisateur fait progresser son intrigue de manière très linéaire en empilant les scènes de meurtre pour autant de scènes gores entre deux ellipses temporelles marquant l’évolution de la grossesse de Yanka. Car le fameux parasite a agi en elle comme un énorme spermatozoïde, la fécondant et donnant naissance à un fœtus qui se développe à la même vitesse que n’importe quel être humain. Dès lors, Yanka n’a plus affaire à un simple envahisseur mais bel et bien à une part d’elle-même. Consciente que ce qu’elle fait est mal, elle ne peut néanmoins pas s’empêcher d’éprouver de la sympathie pour « l’enfant » qu’elle porte. Au fur et à mesure de sa grossesse, son instinct maternel apparaît et l’incite à protéger avant tout sa progéniture, comme n’importe quelle mère le ferait à sa place. Cette relation « mère – fils » constitue le point le plus intéressant du film, parvenant parfois à donner un aspect touchant au personnage de Yanka, femme tellement délaissée qu’elle se raccroche à la moindre bouée, quand bien même celle-ci possède des origines lointaines et une volonté très prononcée de se substituer à l’homme.

En préambule, le parasite en personne nous conte ses origines. Il existe depuis la nuit des temps, enfin, pour être plus précis, depuis que la Terre s’est formée. Mais alors que toutes les espèces se sont reproduites pour ensuite se développer et aboutir à ce que nous connaissons, ce pauvre parasite n’a pas pu le faire car il lui manquait une chose capitale : la naissance. Mine de rien, son petit laïus remet en cause ce fait soi-disant acquis comme quoi la nature est bien faite. Il met aussi en lumière la faiblesse du scénario tant il paraît improbable que ce parasite n’ait pu trouver au fil du temps et des époques une mère porteuse avant Yanka. Alain Robak pêche par un trop plein d’explication là où le mystère quant à sa provenance aurait mieux convenu. Mais j’ergote un peu sur un point de détail qui n’a finalement pas grande importance compte tenu des ambitions du réalisateur. Ce n’est pas tant la naissance du parasite qui l’intéresse, d’ailleurs, celle-ci aura lieu hors champ, que sa relation avec Yanka et sa façon d’appréhender son environnement. Comme tout bébé, il ressent tout ce que fait sa mère. Elle boit, il s’enivre ; elle fait l’amour, il gigote avec elle ;… La seule différence avec un véritable bébé est que lui peut exprimer ses sentiments. Ainsi, il comprend pourquoi Yanka aime faire l’amour, car lui-même s’est beaucoup amusé à être secoué de la sorte. 90% du film durant, le parasite n’existe pas autrement que par sa voix. Il n’est pas toujours aisé de parvenir à donner chair à un personnage qu’on ne voit quasiment jamais, or ici, le réalisateur s’acquitte plutôt bien de la tâche, bien aidé par la « voix » du parasite, sorte de voix enfantine légèrement trafiquée. Emmanuelle Escourou, l’interprète de Yanka, devient ainsi plus crédible à partir du moment où elle doit cohabiter avec son occupant. Gironde, arborant fièrement ses dents du bonheur et n’hésitant pas à se dévoiler nue devant l’objectif de la caméra, Emmanuelle Escourou semble marcher sur les traces de la Béatrice Dalle de 37°2 le matin, le côté hystérique en moins.

Foutraque, maladroit et disposant d’une interprétation dans l’ensemble assez médiocre, Baby blood échoue la plupart du temps à être un spectacle captivant. Heureusement, quelques touches d’humour noir et deux-trois scènes à effets spéciaux sauvent l’entreprise de la faillite. Bien qu’auréolé d’un peu compréhensible prix spécial du jury au festival d’Avoriaz en 1990, Baby Blood n’a pas vraiment fait école et n’a surtout pas permis à la carrière de son auteur de décoller. Et comme pour bien mettre les points sur les i, une suite tardive (Lady Blood) est mise en route à l’instigation de la comédienne principale, sans que le nom du réalisateur d’origine ne soit mentionné. Pourtant, il avait bien reconnu l’enfant à l’époque.

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