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Théodore Poussin, tome 3 : Marie Vérité – Frank Le Gall

Théodore Poussin
Tome 3 : Marie Vérité. 1988

Genre : Aventure
Origine : France
Dessins : Frank Le Gall
Scénario : Yann & Frank Le Gall
Editeur : Dupuis

Marie Vérité est sans doute l’un des meilleurs album de la série Théodore Poussin. En tout cas il est celui qui m’a le plus enthousiasmé.

Après que Frank Le Gall a écrit et dessiné Le Mangeur d’archipels, l’album précédent qui était déjà très bon, on pouvait craindre que la série peine à se renouveler ou que la qualité baisse, mais il n’en est rien, bien au contraire. Avant même de commencer à lire l’ouvrage, la couverture nous fait déjà voyager et augure une histoire passionnante. La végétation exotique et les ruines ne sont pas sans rappeler les meilleurs moments des Indiana Jones tandis que la sombre silhouette de monsieur Novembre brandissant un crâne augure une intrigue à nouveau pleine de mystères…

La fin du volume précédent nous introduisait déjà l’histoire du tome 3 : Monsieur Martin l’avocat avait mis en contact Poussin avec Sir Laurence Brook, surnommé le “Rajah Blanc” en raison de son poste et de sa couleur de peau. Brook, un aventurier anglais en quête de gloire et de fortune s’était installé dans la baie de Long Andju et en est devenu le premier Rajah blanc. Mais bien vite sa richesse, qu’on disait phénoménale, attira les convoitises des pirates et de leur chef Aru-El-Kader, lequel profita d’une absence du Rajah pour prendre le pouvoir. Désormais déchu et exilé, Sir Laurance Brook demande à Poussin de retrouver sa fille, Marie Vérité, dont il ignore si elle est aux mains des pirates ou est morte durant le coup d’Etat mené par Aru-El-Kader… Et Le Mangeur d’archipels se finissait par l’image d’une énigmatique silhouette féminine à la fenêtre d’un palais oriental, laissant l’imagination du lecteur galoper.

Marie Vérité commence donc par l’arrivée de Théodore dans la baie de Long Andju, et nous relate l’enquête qu’il mènera pour retrouver la trace de la disparue.

La nouveauté sur cet album est l’apparition de Yann, qui collabore avec Le Gall au scénario. Déjà scénariste de cette autre excellente série d’aventure dans les mers de Chine qu’est Les Innommables, Yann apporte à Marie Vérité un scénario plus dense, mais aussi mieux maîtrisé et plus passionnant. Son imagination fertile se marie parfaitement bien avec l’ambiance de la série. Le scénario dispose ainsi d’un sous texte très riche, qui traite de manière admirable de la présence européenne dans les colonies. La manière dont l’atmosphère et le climat transforment les gens, jusqu’à les pousser au bord de la folie et de l’aliénation… Tous ces personnages qui s’engluent dans les miasmes lourds et malsains des côtes d’Indonésie sont à la recherche de profits, de gloire et d’aventure ; mais ils ne trouvent souvent que de la boue, des fantômes et des ennuis. L’intrigue de Marie Vérité aurait très bien pu être l’œuvre de Conrad ou de Stevenson.

Dans cette intrigue, le passé a une résonance lourde et significative. Passé qui sera exploré au moyen de flash back toujours judicieux et originaux (le dénouement de l’histoire sera donné au moyen d’un jeu d’ombres animé par le mystérieux Novembre).

C’est également une des histoires les plus sombres mettant en scène Poussin (et cela n’étonnera pas ceux qui connaissent l’univers cynique et grinçant des Innommables). Mais elle reste quand même très fidèle à l’esprit de la série, et on y retrouve le souffle épique de l’aventure, les pirates, les personnages ambigus… C’est cela finalement qui fait la qualité des albums de Théodore Poussin, ce sont des récits à la fois très adultes, qui ne sont pas manichéens et qui peuvent traiter de thèmes sérieux, et qui offrent en même temps de nombreuses péripéties ludiques et des aventures qui font rêver.

Signalons aussi qu’à la trame principale se grefferons de nombreuses sous intrigues. Celles-ci ne viennent jamais parasiter le scénario, mais au contraire contribuent à le rendre plus riche et introduisent bon nombre des thèmes clés de la série.

Enfin, le dessin est à nouveau très bon. A partir de là le style de Le Gall n’évoluera quasiment plus, pour la série Poussin en tout cas (en effet l’auteur est loin de ne maîtriser que ce style, et il se lâche dans des genres différents sur d’autres séries que Poussin). Sa ligne claire sied très bien à cet album, et l’auteur s’amuse plus que jamais à détailler les décors et à dresser des portraits de personnages. De même l’atmosphère de l’album est cette fois rendue quasiment exclusivement par le dessin, depuis les sombre mangroves humides et glauques jusqu’aux riches salles du palais du Rajah.

Bref, cet album est excellent en tout points et ravira les fans de bande dessinée et de romans d’aventures !

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