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Quartier lointain – Jirô Taniguchi

Haruka-na machi e
Deux tomes. 1999

Origine : Japon
Genre: Fantastique, drame
Dessins : Jirô Taniguchi
Scénario : Jirô Taniguchi
Editeur : Casterman

Jirô Taniguchi est un auteur japonais. Il écrit et dessine ses mangas avec une telle aisance qu’on se laisse plonger dans son univers avec une timidité certaine. Bien plus qu’un simple auteur de manga, Jirô Taniguchi est à la fois écrivain et dessinateur. Ecrivain car il met dans son manga les ficelles de la littérature, et dessinateur car il fait de zolis dessins ! Non, plus que jolis, ses dessins transmettent les émotions que les mots gardent pour eux. Tout en noir et blanc, on se promène dans l’univers du Japon avec curiosité, ce Japon d’après guerre qu’on découvre à travers les yeux de cet homme né en 1947 et qui connaît donc bien le Japon de cette époque.

Dans les toutes premières pages, l’auteur nous présente son héro. Lunettes, mal rasé, 48 ans, se plaignant d’une gueule de bois. Il prend un train mais se trompe. Il se retrouve alors dans sa ville natale. Hasard ou coïncidence ? Il va alors sur la tombe de sa défunte mère, s’endort dessus et se réveille 34 ans plus tôt, il a 14 ans.

Alors commence une histoire toute autre. Pas de fantaisie pourtant non, juste de la nostalgie, de la mélancolie. Bien sûr, on se pose des questions, rêve-t-il ? Sommes-nous entrés dans un rêve ou bien est-ce que nous sommes dans un conte fantastique ? Pour vous répondre, ce n’est rien de tout ça, ce n’est qu’un prétexte ce voyage dans le temps. C’est une histoire de l’humanité, le fantasme de revivre une période de sa vie et tenter de changer les choses. Cet adolescent de 14 ans avec ses souvenirs et sa conscience d’un homme de 48 ans se voit alors rejouant son adolescence.

La force de cette œuvre n’est pas autant cette histoire qu’il faut bien évidemment vous laisser découvrir. Ce sont les thèmes et la façon dont ils sont mis en lumière. Il y a tellement de simplicité, de justesse, de tendresse, d’émotion, de sentiments à travers les 2 x 200 pages de ces deux magnifiques livres. C’est un voyage dans le temps, dans la nostalgie de ces choses de l’enfance qui nous travaillent encore dans l’âge adulte, de ces actes manqués, de ces filles à qui on a pas osé parler. Bien sûr, c’est une œuvre bien plus personnelle qui fait référence à des choses comme l’abandon d’un père qui part du jour au lendemain sans aucune raison, c’est l’histoire de ces jeunes japonais nés après la guerre issus du baby-boom, c’est cette société qui doit se reconstruire avec ses démons, avec ce que la guerre a légué à certains, comme la solitude et les peines.

Bref, c’est raconté sur un ton contemplatif, on se laisse porter par les magnifiques dessins de Jirô Taniguchi qu’on aime contempler et détailler. La finesse de ses traits, la richesse de ses décors, sa faculté à donner aux regards des étincelles de vies, de détresses, d’amours, de nostalgies. C’est une œuvre forte dont on ne sort que très difficilement, car on se met à la place du héro, et nous si on avait la possibilité de changer quelque chose, est-ce qu’on le ferait ? Et croyez bien que la réponse n’est pas si aisée. Evidemment, tout au long du récit, on se pose une question : arrivera-t-il à changer ce qu’il désire changer ? Et finira-t-il par retrouver son présent ? L’auteur est très fort là-dessus, il manie parfaitement le récit qui s’apparente à un vrai roman. Bref, plus qu’un manga, c’est un roman graphique, ni plus ni moins.

Voilà donc un livre atypique, des choses qu’on n’a pas l’habitude de voir dans le paysage de la BD internationale, une œuvre personnelle, intimiste, un moment de lecture à savourer, à lire et à relire. Un gros coup de cœur !

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